Jessy vient d’arriver dans une maison close allemande. La jeune Italienne remarque Sascha, avec laquelle l’attraction est réciproque…
Pour son deuxième long-métrage, la cinéaste allemande Henrika Kull revient à un lieu qu’elle avait commencé à étudier il y a déjà plusieurs années, d’un point de vue sociologique et humain : la maison close. Cette institution, interdite en France, est dans son pays un lieu de travail finalement comme un autre. À l’écran, se mêlent des actrices professionnelles et des travailleurs/euses du sexe qui acceptent d’apparaître dans le film, ce qui lui confère un côté quasiment documentaire, en tout cas extrêmement authentique. C’est en particulier le cas dans les scènes où les filles se préparent, attendent ensemble d’être choisies par un client, discutent ou fument une cigarette. Les scènes relevant directement des relations tarifées restent très sobres et soft, même si la caméra ne cherche pas à éviter le sujet. On n’est pas dans le cliché des relations violentes et abusives, que les filles expérimentées ont l’air d’avoir appris à esquiver (on voit même à un moment Sascha expliquer à la maquerelle qu’elle ne souhaite pas être mise en relation avec un client, ce qui est accepté).
Mais finalement ce lieu, au-delà de l’aspect cinématographique et social, reste un décor pour ce qui va constituer l’intrigue principale : la relation entre deux femmes, Sascha et Maria, qui tentent de construire ensemble un amour joyeux en dépit de leurs insécurité respectives. L’actrice Katharina Behrens, dont c’est le premier grand rôle au cinéma, prête ses traits à Sascha, une femme à la routine bien huilée entre le travail du sexe et des moments privilégiés mais rares avec son fils, confié à la garde de son père, et entre les deux une solitude à laquelle elle s’est accoutumée. Le performer et artiste Adam Hoya, connu pour ses multiples identités et le partage de sa vie de façon quasi documentaire sur les réseaux sociaux, joue ici une jeune femme italienne qui trompe sa solitude par des coups de fil fantômes s’inventant une vie de confort, de succès et de voyages loin de son quotidien. Si Maria a l’air de trimballer deuil et traumatismes, c’est pourtant elle qui arrive à envisager le plus simplement de se lancer dans une relation amoureuse avec sa collègue, alors que celle-ci peine à surmonter ses propres barrières mentales, en partie héritées de son entourage de jeunesse, manifestement peu ouvert au couple lesbien.
Souvent extrêmement proche de ses protagonistes avec beaucoup de gros plans sur les visages, les chevelures, les corps, la caméra de la réalisatrice offre quelques scènes particulièrement réussies, souvent liées à un travail de la lumière qui parvient à transcrire esthétiquement l’état émotionnel tiraillé des personnages. On note en particulier la scène de pole dance de Maria qui se fait un film pendant qu’elle exécute sa performance.
Cependant on peine un peu à vraiment comprendre à la fois leur passif et certaines de leurs réactions, ce qui fait que le film reste partiellement superficiel et manque un peu de l’impact émotionnel qu’il aurait pu générer.
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