Mia, 15 ans, n’a qu’un seul intérêt dans la vie : le hip-hop. Élevée dans une violence verbale quotidienne, elle découvre avec Connor, le nouveau compagnon de sa mère, qu’une forme de légèreté et de douceur est possible…
Son documentaire Cow arrive sur nos écrans dans un mois pile, rappelant l’ancrage profondément rural du cinéma d’Andrea Arnold. Dans son deuxième long-métrage, Fish Tank, elle hésite d’abord sur le lieu avant de poser ses caméras dans l’Essex, parce qu’elle y apprécie le contraste entre les grandes étendues et l’implantation industrielle, et en particulier l’élargissement de la Tamise. Ce titre, Fish Tank, insiste d’ailleurs métaphoriquement sur la relation entre les personnages et leur environnement. Comme un poisson prisonnier de son bocal, Mia ne peut envisager de sortir de la région qui l’a vue naître et grandir. Un endroit dont elle ne voit d’abord que la précarité, l’appartement exigu et mal insonorisé où elle entend les ébats aussi bien que les engueulades, le terrain bétonné où d’autres filles s’entraînent sur des chorégraphies qu’elle méprise, pendant qu’elle a trouvé refuge dans un appartement vide en haut de son immeuble pour s’entraîner à reproduire les figures des clips de hip-hop qui passent en boucle sur la télé de la cuisine.
Il faut du temps pour que Mia apprenne à voir l’aspect plus sauvage et naturel de sa région. D’abord à travers sa fascination pour un vieux cheval dans un campement de caravanes à proximité, puis grâce à l’arrivée de Connor, le nouveau petit-ami de sa mère (Michael Fassbender, seul acteur professionnel de long-métrage) qui va tenter de faire vivre aux deux filles de sa compagne un quotidien un peu plus normé que la débâcle à laquelle leur mère les a habituées, en particulier en les emmenant pêcher dans la Tamise à mains nues et se promener dans la campagne.
La caméra toujours très proche de sa protagoniste permet à Andrea Arnold de nous faire éprouver les tourments de l’adolescence tumultueuse qu’incarne Katie Jarvis, une jeune fille repérée sur un quai de gare locale. Son authenticité, son mélange de violence et de besoin d’affection la rendent à la fois forte et fragile et éminemment attachante. Peinant à s’exprimer par un langage qu’elle a eu l’habitude de voir dévoyé dans les insultes, elle trouve dans sa danse une manière d’être pleinement elle-même, avec l’énergie et la découverte de la sensualité propres à son âge. En dépit de moments de complicité et de douceur qui viennent nourrir le cœur du récit, le film dresse un constat amer : celui d’un manque de tendresse et d’un besoin d’affection qui rendent vulnérable face à l’appétit des hommes. Finalement, Mia reproduit les tendances de sa mère à la boisson et à la recherche d’une affection qui ne peut se traduire de manière asexuée face à des adultes nocifs.
Cependant, le film réussit à conserver un équilibre et une subtilité grâce à sa fin, qui après la tension et la tentation du pire, fait de la trahison le révélateur d’une nécessaire et radicale rupture. Le poisson s’est échappé du bocal, et se découvre une capacité à respirer en dehors de son habitat initial.
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