Abel et Marianne découvrent que leur fils Joseph a vendu la plupart de leurs biens de valeur pour financer un projet avec d’autres adolescent(e)s. Le garçon leur explique la façon dont les enfants veulent sauver la planète…
Après L’Homme fidèle, Louis Garrel poursuit sur sa lancée de réalisation avec La croisade, une histoire imaginée par Jean-Claude Carrière, dont le réalisateur n’a pas voulu de prime abord, la pensant trop peu réaliste, avant de constater avec le mouvement écologiste lancé par Greta Thunberg qu’il était bel et bien possible que les enfants se mobilisent pour la planète.
On retrouve Abel, Marianne et Joseph mais on ne peut pas dire qu’on soit dans une suite directe de son film précédent, car cette fois le petit garçon est l’enfant du couple, alors que dans L’Homme fidèle Abel était son beau-père. Cette famille bourgeoise classique est prise en défaut de moralité par son enfant, qui en vendant leurs biens les plus précieux pointe le fait que ces possessions matérielles dont les parents s’enorgueillissaient étaient en fait très peu utilisées, voire pas du tout. Cette scène d’ouverture qui peut mettre mal à l’aise en nous renvoyant à notre propre matérialisme donne le ton d’une sorte de fable sur l’affrontement entre générations. Il ne s’agit pas de faire des enfants des petits chérubins géniaux, car ceux-ci sont aussi capables d’une radicalité qui questionne voire d’une cruauté effrayante, notamment lors de la scène du dîner avec la proposition de tuer une partie des adultes.
S’il y a de l’idée dans le projet des enfants, dont l’explication à l’aide d’une grande carte/maquette est le passage à la fois le plus intéressant intellectuellement mais aussi le plus inventif à l’image, ceux-ci restent de leur âge dans leur comportement, malgré une volonté de tout faire comme les grands (Joseph qui vapote et se la joue Don Juan avec les filles). Face aux jeunes, Laetitia Casta incarne l’empathie et une curiosité sincère mêlée d’admiration. Et alors que Louis Garrel a réservé le beau rôle à sa compagne, il se donne lui-même celui du vieux con, qui tient des propos climatosceptiques à table, reste toujours préoccupé de lui-même, incapable de pleinement comprendre les ressentis des autres.
Si l’idée est intéressante, son exploitation reste assez décevante pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’à l’exclusion de quelques scènes comme celle dans la forêt ou celle dans le désert, toute la partie huis clos dans l’appartement, filmée en caméra numérique à l’épaule, est assez désagréable à regarder, avec une image tressautant sans raison et pas toujours très bien cadrée. D’autre part, parce que contrairement à L’Homme fidèle dans lequel il nous avait ébloui, Joseph Engle est ici très approximatif dans son jeu, souvent faux dans sa façon d’énoncer les dialogues un peu trop écrits, alors que justement le film précédent brillait par le naturel du gamin qui volait la vedette aux adultes.
Nettement en dessous du film précédent du cinéaste sur tous les plans, La croisade a un côté un peu bricolé, comme beaucoup de films tournés à la période du confinement. Ce rendu presque amateur du résultat surprend d’autant plus comparativement à son film suivant, L’Innocent, qui réussit à peu près tout ce que La croisade rate : des dialogues très fins et très bien servis par les acteurs/trices, du rythme et de l’élégance visuelle et beaucoup d’humour.
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