

Dans les jardins d’Angoulême, on a pu échanger assez longuement avec Léopold Legrand, qui ne savait pas encore que son premier long-métrage Le Sixième enfant allait être multiprimé à la cérémonie de clôture…
- Votre premier long-métrage est une adaptation : est-ce la découverte du roman qui vous a donné envie de faire un film ?
L.L. : « En fait, j’étais en train d’écrire un autre projet quand j’ai découvert le roman et à la lecture j’ai trouvé dans le roman des thématiques qui me sont chères. J’ai décidé à ce moment-là de l’adapter mais d’une manière un peu libre. Il y avait plein de choses que j’aimais bien dans le roman et d’autres que j’avais envie de faire évoluer. »
- Et comment ça s’est passé avec l’auteur ? Était-il d’accord avec cette idée d’adaptation libre ?
L.L. : « Pour Alain Jaspard, c’était son premier roman. C’est un monsieur qui a 78 ans, qui s’est mis à faire ça à sa retraite et avant il a réalisé des dessins animés, il était très cinéphile. On a déjeuné ensemble et je lui ai exprimé mon intérêt pour le roman et mon projet d’adaptation libre. Il m’a dit que je pouvais en faire ce que je voulais, il était très ouvert. C’était agréable pour moi de me dire que je n’avais pas la pression de l’auteur qui ne veut pas qu’on touche à son histoire. »
« L’auteur a été hyper encourageant »
- Est-ce qu’il a contribué à l’adaptation ?
L.L. : « Pas du tout. Il a vu la version du scénario qui a été envoyée aux acteurs, et là c’est le moment où il s’est rendu compte de ce qu’on avait vraiment fait de ce qu’il avait écrit, mais il a été très bon joueur. Il a regretté certaines choses mais il en a trouvé d’autres très intéressantes. Puis il a vu le film, il a beaucoup aimé je crois. Et c’est juste le changement de titre de Pleurer des rivières vers Le Sixième enfant qui a été quelque chose à accepter pour lui. Mais il a vraiment été hyper encourageant et c’est devenu quelqu’un que j’aime beaucoup. Il est très content qu’il y ait un film et moi je suis reconnaissant d’avoir pu emprunter cette histoire. »
- En effet, le livre s’appelle Pleurer des rivières en référence à un morceau de musique. Il me semble que pendant un certain temps le projet de film s’est également appelé comme ça…
L.L. : « Oui, je n’avais pas touché au titre jusqu’à la fin du montage. J’avais toujours en tête des questionnements, parce que j’aimais bien cette chanson mais elle n’est pas utilisée dans le film, puis ça typait le film quand même. « Pleurer des rivières » me semblait, à moi personnellement, un peu daté et puis lyrique alors que j’ai essayé de faire un film plus âpre donc j’avais envie d’un titre plus factuel. Quand on appelle le film pendant trois ans « Pleurer des rivières » et qu’on change au moment du montage, c’est un petit chemin à faire pour s’habituer et mais je suis content que le titre évoque ce sixième enfant qui est le point de départ de toute l’histoire. »
- Ce changement de titre, on peut aussi dire qu’il déplace le curseur comme le fait le film par rapport au livre : « Pleurer des rivières » fait référence au personnage qui ne peut pas avoir d’enfant, là on déplace le focus sur l’enfant à naître. C’est lié à la thématique qui vous a touchée en particulier ?
« Remettre au centre l’enfant me paraissait important »
L.L. : « Le roman était très axé sur le personnage de Séverine, qui s’appelle Anna dans le film. Et moi, c’était la problématique des quatre personnages qui m’intéressait, comment les uns et les autres se placent par rapport à ce qu’ils sont en train d’entreprendre. Du coup, remettre au centre l’enfant me paraissait important par rapport au roman. Il y a même une citation dans le roman qui dit qu’à chaque fois que Séverine a ses règles elle pleure des rivières, c’est moins ce que j’ai raconté avec le film. »
- Quand vous avez composé votre quatuor, à quel moment avez-vous pensé à ces acteurs et actrices ?
L.L. : « Je n’avais aucune expérience, car c’est mon premier long-métrage. J’avais déjà fait des courts, mais ce n’est pas la même chose. On a écrit sans penser à des comédiens en particulier. J’imagine la déception que ça peut être parfois, quand tu rêves de quelqu’un et que tu as une réponse négative, ça peut être un peu douloureux. Donc j’ai préféré écrire l’histoire vraiment comme ça et après, quand on commence à réfléchir aux acteurs, c’est là que le scénario évolue car on adapte pour eux. »
- Donc le rajeunissement du couple d’avocats est lié au choix des acteurs ?
L.L. : « Oui, mais aussi au moment de l’écriture, je n’avais pas envie que la problématique soit « ils sont trop vieux pour avoir des enfants », ou à l’âge limite. Je trouvais que ça déforçait un peu le désir. »
- Vous avez également changé le métier de Séverine/Anna pour la rendre avocate…
« J’aimais bien qu’Anna soit en pleine possession de ses moyens »
L.L. : « Dans le roman, elle dessine des albums pour enfants. Je trouvais que ça faisait beaucoup. Et j’avais envie, en la rendant avocate, qu’elle soit consciente de ce qu’elle entreprend, qu’elle connaisse les risques qu’elle prend et redonner à ce personnage d’Anna dans le film, pas les pleins pouvoirs mais – ça va dans le même sens que de la rajeunir – , tout mettre en place pour que ce désir soit charnel et éviter qu’elle finisse comme dans le roman, ce qui à mon sens appauvrissait le propos. Elle est beaucoup plus lunaire dans le roman, là c’est un personnage assez terre-à-terre, qui sait ce qu’elle veut et qui va entreprendre quelque chose qui peut relever de l’ordre de la folie mais qu’on peut comprendre aussi et j’aimais bien qu’elle soit en pleine possession de ses moyens. »
- Comment avez-vous dirigé Sara Giraudeau pour que le personnage soit sur le fil entre une femme qui sait ce qu’elle veut et peu importe la lettre de la loi, ou quelqu’un qui perd la tête comme le lui dit à un moment son mari ?
L.L. : « Moi j’ai toujours dit que son personnage n’était pas fou mais que le désir était très fort, et parfois quand on veut quelque chose plus fort que tout on est capable de perdre la raison. Mais pas vers une folie. La direction, j’ai l’impression qu’elle se fait énormément dans le choix de l’actrice. Sara, elle a cette apparence que l’on connaît, un peu fragile, avec cette voix très particulière et je trouvais que c’était hyper intéressant pour ce personnage qui justement entreprend quelque chose d’immense d’avoir du contraste. Ensuite on a énormément parlé de ce qu’on racontait, parce que c’est un film qui est quand même sur un fil, avec la dimension sociale aussi, donc ce n’était pas tant parler du personnage que du propos. Et puis elle m’a amené énormément, parce que c’est quelqu’un qui a plus d’expérience que moi, qui s’est aussi emparé de ça et qui a fait plein de propositions. Mais si je devais résumer ce qu’on avait décidé, c’est que c’était une femme forte prête à tout. »
- Ça donne un côté un peu thriller au film. Comment vous l’avez construite, y compris dans le montage, cette tension croissante ?
« Enlever la psychologie et garder la tension »
L.L. : « En fait, je ne voulais pas du tout que ce soit psychologisant. Parce qu’un truc que j’ai ressenti à la lecture du roman, et que j’aime bien en général dans les films, c’est d’avoir envie en tant que spectateur de savoir ce qu’il va advenir. Donc on a travaillé à être très proche des personnages, à vivre avec eux les aventures en enlevant tout ce qui peut être de la justification. Dans les premières versions du scénario, il y avait un peu ça, beaucoup de séquences de discussion entre Meriem et Franck ou entre Anna et Julien qui exprimaient ce qu’il traversaient et qui parlaient de leurs sentiments. Mais je me suis rendu compte que je préférais les voir en action en permanence pour enlever la psychologie et garder la tension. C’est ça qui donne, je pense, le côté thriller, puis tout le travail autour du hors champ. »
- Il y a des choses qu’on ne montre pas, mais il y a quelque chose qui est montré d’une façon qu’on voit rarement au cinéma, c’est la scène d’accouchement. Comment ça s’est passé au tournage ?
L.L. : « Dans cette séquence, je voulais ramener ce qu’il peut y avoir de dense dans un accouchement, peut-être de plus cru, de plus réel. Alors j’ai dû chercher pour pouvoir tourner une vraie séquence d’accouchement. On a rencontré une famille qui a accouché en amont du tournage, on a filmé le moment. Et ensuite on a dû réorganiser toute la mise en scène, les décors, les costumes, pour pouvoir matcher avec ces plans documentaires. Encore une fois, comme le film tourne autour de cette enfant, j’avais envie que cette séquence revête un caractère un peu particulier. Sans être obscène, parce qu’il ne s’agissait pas de filmer le sexe mais juste le moment de sortie, moi ça me touchait fort. »
- Mais ça n’a pas été compliqué de tourner dans un hôpital, en plus en plein Covid ?
L.L. : « En fait c’était dur dans toutes les institutions, parce que le film se passe aussi beaucoup dans les tribunaux, les commissariats, dans les hôpitaux… J’ai eu une équipe de repérage et de prod qui était géniale et qui a beaucoup œuvré, et puis nous on s’est adaptés à toutes les contraintes sanitaires, donc en équipe ultra réduite. »
- Est-ce que ça a influé sur votre façon de travailler et la façon dont vous envisagiez le tournage de ce premier long ?
« Cette expérience, c’était une machine à laver »
L.L. : « Le premier court-métrage que j’avais fait, c’était un documentaire en Pologne, on était trois. Ensuite, pour les autres courts-métrages, à chaque fois je commençais par dire que j’aimerais travailler avec une équipe réduite, parce que je trouve ça plus simple, on est plus mobile et tout, et en fait à chaque fois on se retrouve quand même avec plein de monde, notamment dès qu’on veut faire un peu de déco. Là on s’est retrouvé avec une équipe normale, d’une cinquantaine de personnes, et dans les séquences particulières, en équipe réduite. Mais je n’ai pas très bien conscientisé tout ça tellement cette aventure, c’était une machine à laver. J’espère que si je refais d’autres films, c’est quelque chose qu’avec l’expérience on maîtrise plus et qu’on peut mieux appréhender. Moi j’ai fait comme ça venait, et je suis hyper content de l’expérience du tournage. »
- Qu’est-ce qui a été le plus marquant ?
L.L. : « Le plus rigolo, même si ça a été compliqué à faire, c’est l’accident, parce que pour le coup on n’est plus dans l’intime avec les comédiens mais avec beaucoup de monde, c’est une grosse machine où il faut faire se rentrer dedans deux camions. Il y a un côté rêve d’enfant. Sinon, une scène très marquante pour moi, c’est Anna qui a le nouveau-né dans les bras dans la baignoire, ou pour le coup toute l’équipe était extrêmement concentrée et où on sent que la comédienne vit quelque chose de très fort. Et aussi, sur le terrain des voyageurs qu’on avait reconstruit à Aubervilliers, il y avait quelque chose de très joyeux parce qu’on avait pas mal de figurants et la météo était complètement chaotique. On devait faire et de l’hiver et de l’été mais il pleuvait tout le temps, il y avait une effervescence de plein de gens qui ne sont pas vraiment du cinéma et ça a créé quelque chose dont je me souviens. »
- D’ailleurs, dans le livre il y a tout l’historique du couple yéniche depuis la rencontre aux Saintes-Maries-de-la-Mer, c’est quelque chose que vous avez choisi de couper dans le film. Pour quelle raison ?
L.L. : « Le film s’est vraiment resserré autour des personnages sur un temps court à partir de l’accident de Franck. Je n’avais pas envie de remonter jusqu’à la rencontre et d’étirer le temps. Par contre, j’ai essayé de découvrir ce monde du voyage le plus précisément possible pour le raconter bien dans les scènes qui existent. Il y a eu un gros travail sur la déco, de lecture avec des voyageurs, on a décidé de ne pas faire un phrasé spécifique mais d’être juste dans le vocabulaire. Je n’ai pas voulu faire de flash-back comme dans le livre, car je pense qu’il y a des choses qu’on peut faire en littérature et moins au cinéma, enfin on peut mais c’est un autre cinéma. D’ailleurs, il y avait beaucoup de choses dans le livre qu’Alain Jaspard avait adorées quand il avait découvert le monde du voyage près de chez lui, et moi la première chose que j’ai faite quand j’ai lu le livre, c’est d’aller aux Saintes, en pèlerinage. C’est rentrer dans un monde fabuleux, mais qui pour moi mettait du folklore à côté de mon histoire, qui est cette échange d’enfant. Donc j’ai voulu être juste et précis mais en restant dans ce cadre-là. »
- Comment avez-vous travaillé en particulier sur les costumes et l’apparence physique des personnages, à la fois pour qu’on distingue les deux classes sociales auquel ils appartiennent, et en même temps pour qu’à mesure qu’elle se prétendent sœurs, la ressemblance physique surgisse entre les deux actrices ?
L.L. : « C’est tout l’enjeu de la construction de scène en scène pour que cette ambiguïté se crée. Au début, j’ai eu envie d’être juste par rapport à ce que je voyais sans être caricatural, donc avec un travail avec la maquilleuse, la coiffeuse, et Judith notamment. Il y avait plus de travail avec Judith qu’avec Damien, qui a déjà plus un physique naturellement de quelqu’un qui vit dehors. Avec Judith, il fallait travailler un truc de composition où on arriverait à crédibiliser, à la différencier du personnage d’Anna. Mais en fait je pense que c’est le récit qui les rapproche, parce qu’il n’y a pas tant que ça d’évolution physiquement. Mais c’est de les voir ensemble aux échographies, puis ensuite à la maternité. Leur destin se lie et on se met à les regarder plus comme deux étrangères mais comme deux femmes ensemble. »
- Justement, là où le livre joue davantage sur l’opposition des couples, j’ai l’impression que le film recompose des binômes et que vous aviez en particulier envie de raconter la rencontre entre ces deux femmes de manière plus approfondie…
« Le cœur de ce film, c’est deux femmes autour d’un même enfant »
L.L. : « Oui, en fait je pense que le plus gros travail de l’adaptation a été là. Alain était très intéressé par les écarts sociaux, raconter cette famille de voyageurs et à l’inverse lui était un grand avocat fiscaliste, ça créait un choc de deux mondes. Et moi je trouvais que ça abîmait le propos de ce que je voulais raconter, il n’y avait pas besoin qu’il y ait une telle différence de richesse. Elle est de fait, ce sont des vies diamétralement opposées, mais j’ai ramené Anna et Julien comme des avocats dans le pénal et dans l’immobilier, plus simples ; ils n’ont pas un immense appartement, ce n’est pas démesuré. Et les voyageurs, plus à l’image de ceux que moi j’ai rencontrés en région parisienne, qui vivent sur des aires ou qui sont sédentarisés, où les terrains sont ultra propres, les caravanes sont ultra lavées etc. J’ai enlevé ce qui moi me pose des questions dans le roman. Le cœur de ce film pour moi, où je mets l’intime, c’est deux femmes autour d’un même enfant. Et en réduisant les écarts et en recomposant les binômes, j’avais l’impression que je serais plus proche de ce qui me tenait à cœur dans cette histoire. »
- Ça change aussi assez nettement la fin de l’histoire, car le livre est assez triste et le film pose peut-être plus nettement la question de l’intérêt de l’enfant.
« Un vrai virage par rapport au roman »
L.L. : « On ne s’est pas du tout posé la question de faire un happy end ou non. Moi ce qui m’importe, c’est ce que ces deux femmes entreprennent contre la loi et peut-être contre une forme de morale. Ça les réunit. Alors elles ne deviendront probablement pas amies, mais j’avais envie qu’elles se retrouvent autour de cette enfant. Et je trouvais hyper intéressant que le personnage d’Anna, qui va loin dans ce qu’elle fait, et qui peut-être à un moment de l’histoire oublie l’intérêt de l’enfant et de cette famille de voyageurs, et l’intérêt de son mari, prenne conscience du seul moyen pour que cette enfant grandisse ailleurs que dans un foyer. Dans le dossier de presse, j’ai parlé du jugement de Salomon que j’aimais bien comme représentation de ce qu’une femme peut faire comme sacrifice pour son enfant. Pour moi Anna devenait la mère de cette enfant en lui évitant d’aller en foyer. C’est un vrai virage par rapport au roman. »
- On peut aussi parler de la trajectoire des personnages masculins, en particulier de celle de Julien. Il est contre, puis il se passe quelque chose au moment de l’accouchement…
L.L. : « Il me semble que dans le roman il accepte très vite : même s’il n’est pas d’accord, il accompagne sa femme. Et moi je trouvais que le créer comme un antagoniste, qui peut être la voix du spectateur en fait, allait créer plus de possibilités de réflexion autour de ce trafic d’être humain. Il tient tout ça pendant le film, jusqu’au moment où ils sont dans cette voiture dans le silence sous la pluie, il voit la photo et là, il se rend compte que c’était leur rêve depuis toujours et se demande ce qu’il fait là. Bon, c’est du cinéma, mais moi c’est un moment qui m’émeut. Et puis pour parler des deux hommes, j’aime beaucoup cet accouchement parce que je trouve que ça raconte quelque chose, ces deux femmes au travail là-haut qui ont pris les risques, et puis ces deux hommes qui ont fait comme ils peuvent, qui ne parlent pas. Les quatre me touchent à ce moment-là, et les deux mecs particulièrement dans le silence. »
- Surtout que ça renverse un stéréotype où en général ce sont surtout les personnages masculins qui ont beaucoup de dialogue, beaucoup de texte, en particulier lorsque l’un est avocat. Et en fait à part la scène du début on les entend assez peu, ce sont surtout les femmes qu’on écoute.
L.L. : « C’est ce que j’aime bien dans ce qu’a proposé Benjamin, mais que j’aimais déjà bien dans le roman et au scénario, c’est la fragilité de ce personnage. Dans le roman, je ne l’ai pas repris mais c’est un personnage qui joue de la guitare, qui rêvait de monter un petit bistrot sur l’île de Groix et c’est aussi un mec qui avait envie de cet enfant et qui je crois est complètement fou de sa femme. Et là, ce que je me raconte en écrivant le scénario, c’est qu’il reste aussi parce qu’il l’aime. Il essaye de la ramener à la raison parce qu’il l’aime. Et j’aime bien cette scène dans le film où elle lui dit « ce sera avec ou sans toi » parce que je crois qu’elle l’aime aussi mais qu’il y a ce moment, cette opportunité et cet engrenage qui se mettent en place qui fait que c’est « tu suis ou ce sera sans toi ». Mais la trajectoire du personnage de Julien m’intéresse particulièrement dans le film. Et celle de Franck elle me touche parce que c’est quelqu’un qui élève cinq enfants, travaille pour les nourrir, et quand il ne peut plus bosser, ne veut pas basculer dans une illégalité. Maintenant il est plein de remords de ce qu’il est en train de faire alors que les femmes ont décidé de le faire et elles l’assument. Mais je pense que c’est aussi parce qu’elles portent la vie, elles sont plus au contact, et les hommes sont plus loin. À Un moment il dit même « on va brûler en enfer ». »
- Mais en dehors de ce moment, on a l’impression que c’est moins une question d’ancrage religieux que de volonté de ce personnage en particulier de ne pas être hors-la-loi. D’ailleurs, contrairement au livre, dans ce qui se passe au début il est fondamentalement innocent. Il y avait une volonté de le ramener à l’honnêteté ?
L.L. : « Il y a eu deux choses. L’envie de ramener Franck comme un travailleur droit et et aussi par rapport aux clichés qu’on rapporte souvent aux voyageurs, à la fois sur l’illégalité et sur la religion. J’ai laissé le personnage de Sammy qui fait quelque chose d’illégal, mais je voulais vraiment que Franck soit pris dans cet engrenage et pas un moteur de ça. D’ailleurs, pour la scène chez la juge, on a essayé de monter ce personnage dans le silence. Il ne dit rien, mais il regarde tout le temps et à un moment on a l’impression qu’il va dire « mais ce n’est pas vrai ce qu’elle raconte », mais lui aussi capte sûrement l’intérêt de l’enfant. J’ai adoré ce que Damien Bonnard a proposé dans ses regards. »
- Après toute cette expérience sur ce film, qu’est-ce que vous allez avoir envie de faire maintenant ?
« Je sais maintenant l’investissement que c’est de faire un film »
L.L. : « Je ne sais pas. J’en ai pas mal parlé dernièrement, parce que je me demande ce que je vais faire. Le film s’est fini en janvier donc ça fait bien six mois que j’attends la sortie. C’est quatre ans de ma vie. Maintenant j’ai envie de trouver un sujet qui peut m’habiter pareil. Un sujet, ou alors une envie de faire rire par exemple, en tout cas quelque chose qui est très proche de moi, parce que je sais maintenant l’investissement que c’est de faire un film. Pour l’instant j’ai besoin que le film sorte et d’avoir des retours pour décider. Mais je sais que je vais aller vers des histoires qui me touchent, que ce soit une adaptation ou une histoire originale, qu’il faudra que ça me porte pendant le temps qu’il faut pour faire un film. »
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