La plume
Passionnée de littérature sous toutes ses formes (son champ de compétence professionnelle est le livre audio mais elle peut aussi rendre hommage aux textes sur scène avec sa troupe de théâtre), Hermine alias Born to Be a livre nous régale de ses chroniques littéraires chez Baz’art et sur son propre blog. L’œuvre qu’elle a choisie peut à la fois se lire, mais aussi s’écouter et se voir…
L’œuvre
Quand Lily m’a proposé de participer au projet « 1 mois, 1 plume, 1 œuvre » (quel honneur !), il ne m’a pas fallu beaucoup de temps pour prendre ma décision : forcément, j’allais choisir un livre, plutôt qu’un film. Et parmi les livres qui m’ont le plus marquée dans ma vie de lectrice, il y a La Servante Écarlate de l’autrice Margaret Atwood, publié pour la première fois au Canada en août 1985, et publié deux ans plus tard aux Éditions Robert Laffont avec la traduction française de Sylviane Rué.
Dire qu’il s’agit d’un roman phénomène est presque un euphémisme, lorsque l’on considère les 8 millions d’exemplaires vendus à travers le monde depuis sa sortie, son adaptation en film par Volker Schlöndorff en 1990 (que je recommande), puis en série par Bruce Miller, en 2017.
Dès sa sortie, une pluie de prix littéraires est tombée sur ce roman choc : lauréat du Prix canadien du Gouverneur général en 1985, finaliste des Prix Booker et Nebula en 1986, lauréat du Los Angeles Times Book Prize la même année et du Prix Arthur-C.-Clarke la suivante… La sortie de la série a évidemment remis un aveuglant coup de projecteur sur ce chef d’œuvre qui fait, selon moi, partie des livres à avoir lus dans sa vie – selon l’expression consacrée et usée jusqu’à la corde. Et je dois dire que l’hallucinante série qui en a été tirée, fait, aussi, partie de celles à avoir vues absolument : vous attendez d’ailleurs peut-être, comme moi, que la saison 5 débarque le mois prochain sur Hulu… Encore un peu de patience et de courage.
Le pitch de cette dystopie ? Nous sommes aux États-Unis, plongés dans un monde d’après-guerre, régi par une République aux airs de théocratie patriarcale. Créée par des fanatiques religieux, la République de Gilead fait de l’asservissement des femmes un de ses principaux chevaux de bataille. Elles ont interdiction de lire, de penser, d’écrire et encore moins de travailler. Chacune d’entre elles est réduite à un statut, une fonction : elles sont épouses, gouvernantes ou encore esclaves sexuelles à la solde du régime établi. L’utilité de ces dernières n’est pas bassement vulgaire, elles servent véritablement de ventres à cette société qui entend lutter contre la dramatique baisse de la natalité. Un rôle endossé par ces femmes fertiles surnommées Servantes écarlates, en raison de ces immenses capes rouges dans lesquelles elles sont enveloppées – symbole de sang, bien sûr, mais aussi celui de la sexualité et du danger – et ces coiffes blanches, véritables œillères les empêchant de voir.
Nous y suivons une jeune femme, Defred (à laquelle l’excellente comédienne Elisabeth Moss a donné son inoubliable visage dans l’adaptation en série), à travers une narration glaçante à la première personne. Elle nous livre le détail de journées qui se ressemblent en tous points. Ses pensées, ses souvenirs aussi de jadis, qui n’ont pas été effacés de sa mémoire : des bribes insouciantes et banalement heureuses de sa vie d’avant, ces moments partagés avec sa fille et Luke, l’homme qu’elle aimait, ainsi qu’avec sa meilleure amie Moira. Un récit de vie qui fait forcément écho à la nôtre, ce qui renforce cette sensation vertigineuse que tout peut basculer d’un monde vers un autre, si, si et si… Defred nous parle de ses visites au Commandant, un dirigeant du régime avec qui elle se doit d’avoir des relations sexuelles pour que sa femme et lui puissent avoir un enfant. Celle-ci assiste à leurs mornes ébats comme à un spectacle dont elle se serait lassée depuis bien longtemps. Elle nous parle aussi de cette peur qui lui cisaille le ventre lorsqu’elle croise un regard, craignant d’être soupçonnée, dénoncée et déportée aux Colonies, comme toutes celles qui ont osé défier l’autorité, en actes ou, pire, en pensées. De cet espoir de trouver une échappatoire ailleurs que dans son esprit, dans le regard d’une autre servante ou d’un médecin bienveillant. Je ne peux que vous encourager à lire ce roman d’une grande force d’évocation – impossible de ne pas voir se matérialiser sous nos yeux, comme face à un tableau, chaque scène décrite par l’autrice.
Vous penserez certainement à d’autres fictions, en lisant La Servante Écarlate. 1984 de George Orwell – lequel, aux dires de l’autrice, regardait par-dessus son épaule lorsqu’elle écrivait son texte – ou encore Le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley ou les livres de Ray Bradbury. N’importe quelle dystopie aussi puissante que la sienne, en somme. Mais vous penserez aussi à cette réalité, qui, une fois encore dépasse largement la fiction. Saviez-vous que la seule règle que s’était imposée Margaret Atwood en se lançant dans l’écriture, c’était de ne rien inventer ? Malheureusement, et c’est stupéfiant : oui. Elle est allée piocher dans ces événements dramatiques qui ont marqué l’Histoire au fer rouge, dans ces idées qui ont traversé les cerveaux malades de dirigeants du XXe siècle. Ainsi, elle convoque le souvenir des mères porteuses d’Hitler, chargées de « pondre » un maximum de futurs parfaits petits S.S. Celui des mères roumaines qui, pendant le régime de Ceausescu, se devaient d’avoir quatre enfants. Des tests de grossesse leur étaient distribués chaque mois et, si elles n’étaient pas enceintes, elles devaient expliquer pourquoi. Elle s’est également inspirée de la secte des 1 100 qui, dans les années 1980 réduisaient les femmes au rang d’esclave et les appelaient des servantes. Dans le documentaire Margaret Atwood : De la force des mots réalisé par Nancy Lang et Peter Raymont et diffusé en 2020 sur Arte, elle martèle : J’ai voulu mettre en place cette règle pour que personne ne puisse dire que j’avais l’esprit tordu et que j’avais inventé toutes ces horreurs. Je n’ai rien inventé.
L’engagement de l’autrice pour la liberté, la défense de la démocratie et des droits des femmes n’est plus à prouver. En 2019, elle publie la suite de La Servante écarlate sous le nom de Les Testaments, alors même qu’elle s’était promis de passer à autre chose. C’est l’élection de Donald Trump qui l’a incitée à reprendre la plume.
Aujourd’hui, c’est elle qui inspire les femmes du monde entier. Elle est devenue une véritable porte-parole des droits des femmes. Son œuvre est brandie comme un symbole. Le costume de la servante arborée par des manifestantes en Pologne, en Argentine, en Islande… Elles étaient également nombreuses, les femmes qui portaient l’emblématique cape rouge, devant le bâtiment de la plus haute instance juridique américaine de Washington D.C. après l’annulation de l’arrêt Roe vs. Wade protégeant le droit constitutionnel à l’avortement.
Vous l’aurez compris, lire La Servante écarlate est aussi incontournable que nécessaire. À bon entendeur…
Et si vous aimez les romans graphiques, ne manquez pas la superbe adaptation parue récemment chez Robert Laffont, illustrée par l’artiste canadienne Renée Nault – dont je parle sur mon blog avec force admiration.
Born To Be A Livre
Je n’ai pas lu le roman, mais j’ai vu les 4 saisons et je peux dire que cette série est une véritable claque et fait sûrement partie de mes préférées ! Un univers effrayant et malheureusement, d’une réalité effarante au vue de tout ce qui se passe dans nos sociétés…
Je confesse, j’ai le livre mais je ne l’ai pas encore lu et je n’ai pas vu la série, j’ai peur que ce soit trop angoissant pour moi !
J’aime beaucoup la série (surtout la 1e saison) et ça m’a donné très envie de lire le lire. Il faudrait que je m’y mette !