Lorsque sa tante Julia débarque à la maison, la petite Vicky, jalousement proche de sa mère, découvre dans les affaires de la nouvelle venue un flacon dont l’odeur la renvoie dans le passé…
On avait quitté Léa Mysius en tant que réalisatrice après son premier long, Ava, bombe solaire surexposée et progressivement mangée par la noirceur, l’ombre avalant la lumière au rythme où sa jeune héroïne perdait la vue. Après avoir révélé Noée Abita, la cinéaste a fait fructifier son talent de scénariste en collaborant à de nombreuses œuvres de grand(e)s auteurs/trices (Les Fantômes d’Ismaël, L’adieu à la nuit, Roubaix, une lumière, Les Olympiades, Stars at noon…). Pendant ce temps-là, son équipe technique a elle aussi mené sa barque et affiné ses compétences. Elle la réunit à nouveau pour un film qu’elle a voulu totalement opposé dans son ambiance et son décor à sa première réalisation. Exit la plage, le soleil, l’été, les vacances, bonjour la montagne, l’hiver, le froid, et un quotidien rythmé par les retards à l’école.
Le point commun, c’est d’avoir centré son intrigue autour d’un personnage féminin très jeune, encore plus jeune que dans Ava puisque la petite Sally Drame avait à peine 10 ans au moment du tournage. Si la fillette voit clair, elle a pourtant une singularité liée à un sens : un odorat surdéveloppé, semblable à celui des nez les plus entraînés, qu’elle cultive grâce à des boîtes à odeurs qui constituent autant de souvenirs réactivables à la moindre ouverture. L’aspect original de ce don vire au genre fantastique lorsqu’une mystérieuse fiole trouvé dans les affaires de la tante Julia permet à Vicky de plonger dans les souvenirs de la jeunesse de sa tante et de sa mère, de manière extrêmement immersive. La thématique de la transmission des traumatismes n’est pas neuve en elle-même, mais Léa Mysius et son coscénariste Paul Guilhaume vont un coup plus loin en imaginant une transmission réversible en quelque sorte : l’enfant, par sa curiosité qui la pousse à visiter le passé de sa famille, peut avoir une incidence dans celui-ci, dans la mesure où l’un des personnages de ses souvenirs la voit apparaître. Cet aspect complexe des interactions passé-présent est très finement mené tout au long de l’œuvre qui réussit à ne jamais se prendre les pieds dans le tapis. Et même si c’est l’odorat qui guide l’intrigue, ce qui est remarquablement compliqué à faire passer à l’écran, on note que le regard a conservé son importance, à la fois à travers des gros plans sur les yeux des protagonistes, mais aussi avec une forme de jeu de miroirs entre les personnages : la petite Vicky partage avec sa tante son regard noir et perçant, celle-ci (Swala Emati) a lors de sa première apparition l’œil gauche comme poché et à demi fermé, alors que le personnage de Daphne Patakia souffre à l’inverse d’une infirmité qui lui maintient l’œil droit clos. Le regard, c’est aussi celui porté sur les autres : un regard de curiosité puis de désir de la part de la jeune Joanne, un regard compréhensif porté par Jimmy (Moustapha Mbengue, repéré dans Amin), un regard de suspicion associé à une perception réac chez le père (Patrick Bouchitey)… C’est aussi le regard social, dont Léa Mysius interroge la rapidité à coller des étiquettes aux personnes dont les comportements ne semblent pas rentrer dans la norme. Le personnage de Julia est particulièrement intéressant en tant qu’elle semble affublée de tous les maux : l’alcoolisme évident, mais aussi l’accusation de folie ou de maladie mentale, alors que le film lui donne une explication fantastique qui correspondrait plutôt à une ultra sensibilité à certains phénomènes, et bien sûr la réactivation de l’image de la sorcière avec l’incendie. Et comme souvent, peut être qualifiée de sorcière toute personne de genre féminin dont le physique ou les comportements sortent un peu de l’ordinaire : on voit bien le racisme dont les enfants font preuve à l’égard de Vicky et de son afro naturelle…
Efficace dans son montage et dans la façon de révéler petit à petit les événements passés et présents de façon entremêlée, le film apporte aussi une réflexion intéressante sur la façon de construire une famille, et ce que les enfants peuvent comprendre et accepter de la vie intime de leurs parents. Le tout dans une atmosphère glaciale et étrange, quelque part entre Zombi Child et Les Revenants. Au beau milieu, en vraie tête d’affiche, Adèle Exarchopoulos trouve ici un rôle de mère d’une enfant déjà mature, et y est étonnamment crédible, aussi bien que lorsqu’elle interprète Joanne avec près de 15 ans de moins.
J’ai justement vu la bande-annonce il y a peu et elle m’a immédiatement intrigué, je l’ai trouvé mystérieuse et j’ai très envie d’en savoir plus ! Pour autant, je vais attendre sagement une sortie VOD ou télé, parce qu’il ne passera pas chez moi celui-là lol
Toujours ce souci de la programmation des cinémas malheureusement…
Eh oui, mais je fais avec, tant que je peux y aller malgré tout…