« Le Cœur arrière » : un, deux, trois, ta force et ta foi

À 12 ans, Victor, qui vit seul avec son père depuis le départ de sa mère, découvre par hasard le saut en longueur. Il se prend de passion pour ce sport et commence à pratiquer dans le club d’athlétisme voisin…

On avait quitté Arnaud Dudek chez Anne Carrière, avec un roman explorant la filiation et en particulier le rapport père-fils. On le retrouve chez la toute jeune maison d’édition Les Avrils, où il pose ses valises en approfondissant ce thème qui lui est cher.

Le roman s’ouvre sur une image cinématographique, un plan d’ouverture parfait décrit avec précision pour nous permettre de visualiser ce duo silencieux, maladroit dans sa communication, comme empêché par le fantôme de l’absente qui flotte entre eux. Ce père et son fils qui sortent de la boulangerie et marchent sous le soleil d’hiver, c’est une image forte qui pose une ambiance, celle d’une intimité masculine avare de mots mais pourtant pas d’attachement, quelque chose qui lorgne du côté de L’Été de Kikujiro, où on pourrait imaginer que la suite va concerner le rapport à la mère, une quête pour renouer avec elle.

Mais très vite, il y a cette autre image, improbable, celle d’un homme qui s’entraîne seul dans un parc au saut en longueur. Un basculement dans la vie de Victor qui fait également changer le récit, qui devient une autre forme de quête intime : non plus celle de quelqu’un d’autre, mais celle de soi-même, ce dont on est capable, ce qu’on peut devenir, mû par ce qui nous anime et nous transcende. Victor a découvert ce que c’était d’avoir une passion, une flamme qui fait battre ce « cœur arrière » et qui va présider à tous ses choix de vie par la suite.

La suite du récit rappel vivement le sublime roman de Fanny Wallendorf, L’Appel, qui romance l’ histoire vraie d’un sauteur en hauteur de légende, depuis son enfance et la découverte de son sport, en passant par son entrée dans l’âge adulte et la confrontation entre les exigences de la compétition de haut niveau et les aspirations humaines communes au jeune homme et à ses semblables.

Mais Le Cœur arrière n’est pas une histoire vraie, en tout cas pas la biographie d’un champion au nom connu, plutôt l’histoire beaucoup plus courante de tous ces aspirants qui parfois ont eu du succès, mais pas forcément dans des disciplines reines, et dont le grand public pourrait éventuellement reconnaître vaguement le visage mais a oublié le nom. On n’en attendait pas moins d’Arnaud Dudek, ce grand spécialiste des êtres écorchés, qui n’aime rien tant que faire courir sa plume sur le fil de l’équilibre instable entre les forces et les faiblesses, la grandeur d’âme et les blessures de personnages tellement humains.

Porté par le souffle de l’espoir et l’élan de la jeunesse, densifié par les doutes et les douleurs qui remuent l’intériorité de son protagoniste, ce roman dont le titre évoquerait volontiers une mystérieuse figure sportive est surtout magnifié par ses réflexions philosophiques rendues plus vivantes et bouleversantes par des images toujours parfaitement trouvées (une page sublime sur l’amitié par exemple). Au fil des livres, l’auteur affine son style et cette capacité à faire éclore des pensées justes et universelles au détour d’intrigues intimes et romanesques.

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