« Tous les chats sont gris » : celui qui manque

Dorothy a quinze ans et l’impression d’être en inadéquation avec sa famille. Elle sait que son père n’est pas son géniteur mais sa mère esquive le sujet. Quand elles croisent un détective privé dans leur quartier, son amie Claire la pousse à lui demander de l’aider…

Après des études en Angleterre, la réalisatrice belge Savina Dellicour se lance dans l’aventure du long-métrage avec un premier film 100 % financé par son pays de naissance, et également entièrement belge par son casting.

Il y a quelque chose d’assez classique dans la thématique du film, la recherche d’un parent biologique par une adolescente, qui doit pour trouver des réponses contourner le secret familial. Pour autant, Savina Dellicour, Matthieu de Braconier et Matthieu Reynaert ont réussi à ficeler un scénario qui ménage des rebondissements et des espaces d’originalité qui évitent un trop important effet de déjà-vu.

La première spécificité du scénario, c’est ce double point de vue : d’un côté, on suit la jeune Dorothy (Manon Capelle), qui comme celle du Magicien d’Oz cherche à retrouver ce qui lui manque, de l’autre, Paul Daens, ce détective moralement mal en point après le décès de son père dont il occupe à nouveau la maison après une vie conjugale en Angleterre. Paul sait, lui, qu’il est le père de Dorothy, et c’est parce qu’il l’épie en rêvant de créer un lien avec cette enfant élevée loin de lui qu’il se fait repérer de la jeune fille. Le voilà dans la délicate situation de l’aider dans son enquête, dont il détient en fait la clé. Mais comment dire à Dorothy qu’il est celui qu’elle recherche, alors que la mère de l’adolescente (Anne Coesens) s’y oppose fermement, menaçant de mêler la justice à l’affaire ?

C’est un départ de comédie, cette identité cachée, et cette relation étrange mais non dénuée de tendresse qui s’initie entre la jeune fille un peu perdue et ce type ténébreux et solitaire, qui ne fréquente que les piliers du bar où il vient noyer ses problèmes et son cousin, un type pas très futé et souvent gênant. Et puis ce métier de détective, c’est une sorte de deus ex machina bien pratique pour résoudre tous les mystères, dans un temps record par toujours réaliste, et c’est d’ailleurs le principal reproche qu’on pourrait faire au film, celui d’utiliser un peu trop allègrement ce joker, notamment dans sa deuxième partie.

Car peu à peu, on vire vers le drame, à mesure que le mystère s’épaissit. Et si finalement aucun des adultes n’en savait autant qu’il ne le laissait à penser sur le sujet ? Plus l’intrigue avance, plus les pistes s’évaporent et plus l’image s’assombrit, reflétant l’état des protagonistes de plus en plus suffoqués par le manque de réponses et de repères. Tout le casting est remarquable de justesse, la jeune Manon Capelle en ado que le secret ronge, Anne Coesens en mère qui a voulu la vie de famille la plus lisse et stable pour effacer le péché originel, et Bouli Lanners avec son mélange parfait de rugosité et de douceur.

Avec une certaine sobriété, Tous les chats sont gris révèle le terrible danger pour une jeune femme des fêtes alcoolisées dans une société malveillante, et la métaphore des déguisements souligne le postulat du titre : quand on perd la conscience, tous les hommes deviennent de potentiels loups prêts à profiter de l’occasion, de la fameuse « zone grise ». Et il n’y a pas toujours un Sherlock pour assurer protection.

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