Pendant 26 jours, Gaëlle dite Geisha, Léonie et Eugénie vont vivre dans une maison à la campagne, encadrées par une psychologue et un éducateur spécialisé. L’occasion de prendre du recul par rapport à leur addiction au sexe…
Movie Challenge 2022 : un film sensuel ou érotique
Le cinéaste canadien Denis Côté, réputé pour appartenir à un mouvement du renouveau artistique québécois, a eu l’idée de son nouveau film en jugeant le cinéma de son pays trop tiède par rapport aux questions de sexualité. Ses recherches le conduisent à vouloir écrire un film qui ne juge pas mais présente avec un réalisme quasi documentaire le parcours de personnages addicts aux rapports sexuels.
De fait le cadre du film est celui d’une forme de cure de désintoxication, et pourrait rappeler une œuvre comme Nos vies formidables : une maison de campagne reculée, dont il n’est possible de sortir qu’une seule fois pour 24 heures au milieu du séjour, régie par des règles et supervisée par du personnel spécialisé. On se rend quand même compte rapidement qu’on n’est pas dans le cadre totalement réaliste d’une cure, plutôt dans celui d’une expérimentation plus ou moins fantasmée, dans laquelle il est autorisé de boire ou de consommer de la drogue, et dont le résultat ne doit pas tant être médical qu’intellectuel. Il est question régulièrement des notes que la thérapeute allemande doit prendre, mais on ne voit pas très bien à quoi cela va aboutir.
Et finalement c’est sans doute cette absence d’enjeu qui donne au film son ambiance particulière, presque colonie de vacances par moments, lorsque les filles s’amusent au lac par exemple, à d’autres plus pesante, comme écrasée de canicule, et seulement parfois teintée de malaise, en particulier lors de deux scènes d’hallucinations visuelles très frappantes dans leur mise en scène. Perpétuellement aguicheuses, en particulier envers Samy (Samir Guesmi), parfois fières d’elles-mêmes et assumant totalement leur goût pour le sexe, parfois visiblement hantées par des traumas, en particulier le personnage incarné par Larissa Corriveau, les trois femmes sont bien singularisées, et leurs interprètes très investies. Étonnamment au vu du sujet, le film reste très mesuré, les scènes qui pourraient choquer sont simplement décrites oralement, et ce qu’on voit de la sexualité à l’écran, parfois il est vrai sortant un peu du cadre, apparaît toujours comme des expériences consenties voir réclamées. Le scénario s’amuse aussi à inverser les rôles, montrant bien que les thérapeutes n’ont pas forcément un équilibre plus stable que les patientes. En revanche l’éducateur et la cuisinière apparaissent comme beaucoup plus maître(sse)s de leurs actes et de leurs émotions. Le personnage de Samir Guesmi constitue une forme de garde-fou qui vient replacer les filles en douceur dans un cadre acceptable dès qu’elles tentent une approche.
Malgré tout, le film reste imprégné de la sensualité de ses personnages et s’autorise l’érotisme dans des relations suggérées inabouties ou dans des scènes de masturbation dénuées de fausse pudeur.
Bien conscient de son statut d’homme auquel on pourrait reprocher le male gaze, Denis Côté garde un focus sur les visages de ses personnages, leur regard intense ou perdu dans le vague, leurs mimiques de séduction telle le tic de Geisha qui fait jouer le bout de sa langue sur son piercing à la lèvre. La nudité finit par devenir presque transparente à nos regards, une nouvelle norme dans cette retraite en forme de paradis retrouvé, lieu de convivialité, de paix et de nouvelles amitiés. Il se passe finalement peu de choses en 2h17, et pourtant on ne peut pas dire qu’on s’ennuie, car les personnages sont suffisamment forts pour nous attacher et leur discours fascinant de nuance et d’intensité.
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