Deux journalistes enquêtent sur la rumeur d’un homme déguisé en chauve-souris à Gotham City : est-il un criminel associé au parrain Grissom ou un justicier ? Quelque temps plus tard, alors que Gotham pensait avoir retrouvé le calme, un gang de clowns sème à nouveau la terreur…
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Lorsque Tim Burton s’empare de la franchise Batman à la fin des années 80, il n’est pas le premier à porter sur écran le héros masqué. En effet dès les années 40, peu après le début de la parution des comics, le personnage a déjà fait l’objet de plusieurs adaptations pour le grand et le petit écran.
Sollicité par la Warner, Burton se laisse séduire par l’univers plutôt sombre du personnage, qui peut coller à son esthétique gothique. Le scénario est plusieurs fois remanié pendant qu’il réalise Beetlejuice, et Burton réussit à imposer au studio son acteur fétiche du moment, Michael Keaton, en Batman.
Son interprétation du personnage est plutôt intéressante, en ce qu’il incarne volontiers la dualité entre le justicier masqué, dirigé par des valeurs héritées de son enfance, investi d’une mission pour laquelle il serait prêt à tout sacrifier, et le milliardaire séducteur, doté d’un humour élégant, qui semble aspirer à profiter de son château en bonne compagnie. Ce Bruce Wayne n’est pas encore trop sombre ni torturé, et même si un flashback dans le premier opus fait office d’origin story, et si quelques conversations avec Selina dans le deuxième volet évoquent le tiraillement entre vie publique et vie sous le masque, on est loin d’un dilemme cornélien dans son quotidien. Il ne s’agit pas tellement pour Burton de plonger dans les failles psychologiques du héros, mais plutôt dans celles des grands méchants.
En effet, après une simplification du scénario du premier long-métrage par Steve Englehart et Sam Hamm, le nombre de personnages, déjà conséquent, est un peu resserré autour d’un méchant principal, le fameux Joker. C’est Jack Nicholson qui accepte le rôle, à ses conditions, créant une version du personnage ricanant et coloré, assez amusante grâce à l’usage des musiques qui lui permettent des petites chorégraphies déjantées, en particulier lors de la scène au restaurant du musée. Dans le deuxième volet, c’est le Pingouin qui fait office d’adversaire principal, un rôle qui échoit à Danny DeVito, assez différent du Joker. Alors que le premier a eu l’habitude d’agir aux côtés des parrains de la pègre locale, bien intégré dans ce réseau jusqu’à sa plongée dans l’acide qui le défigure définitivement, le Pingouin est d’emblée une créature hybride, rejetée par ses propres parents dans la scène d’ouverture, faisant appel bien davantage à la thématique du freak ou du monstre qu’à celle du psychopathe. Dans Batman : le Défi, on peut aussi découvrir une adversaire secondaire en la personne de Catwoman, à laquelle Michelle Pfeiffer apporte une dualité qui reflète celle de Batman mais de façon plus exacerbée et fun.
Les deux films sont rassemblés par une thématique commune, celle de la vie politique de Gotham City, une métropole troublée que les forces de l’ordre, plus ou moins corrompues, et les politiciens, manquant clairement d’envergure et de perspicacité, ne parviennent pas à sortir de la coupe de divers gang mafieux. Le scénario ne se gêne pas pour critiquer l’influence sur la vie politique de riches industriels ou rentiers qui sont prêts à toutes les bassesses pour accroître leur fortune (le personnage de Christopher Walken ne déparerait pas à notre époque en tant qu’ultra-capitaliste). Mais c’est aussi leur univers visuel et leur mise en scène qui les unit. Burton offre à Batman un décor très sombre, à la fois industriel et gothique avec des ponts et des immeubles en forme de flèches de cathédrale, tout en hauteur, contrastant avec le côté poisseux des rues et des égouts. Son goût pour les personnages de laissés-pour-compte et la bizarrerie s’accorde bien avec les bandes de malfrats comme celle des clowns dans le deuxième opus ou le zoo abandonné. La mise en scène est une vraie réussite, qui permet un pur plaisir de divertissement : les gadgets sont bien employés, la Batmobile soignée avec son effet bouclier qui n’a pas pris une ride, les combats bénéficient d’une grande lisibilité, et tout au long du film les placements de caméras sont particulièrement malins, offrant des plans originaux es très beaux même en plein milieu de l’action. Si lors de leur sortie, les films ont pu se voir reprocher un univers trop sombre, ils incarnent aujourd’hui une base dans la compréhension de l’univers de Batman, distingué des super-héros à pouvoirs par son seul usage des gadgets, qui le rapprochera davantage d’un agent secret à la James Bond, et marqué par son fond politique.
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