

Lorsque l’androïde chargé de veiller sur sa fille Mika et de l’initier à la culture chinoise, pays d’origine de la fillette, Jake se lance dans une quête pour essayer de faire réparer Yang…
Arrivé au cinéma par le montage, l’Américain d’origine sud-coréenne Kogonada, qui s’est initialement fait repérer pour ses « Supercut », ses montages consacrés à des thématiques phares de réalisateurs reconnus, présente cette année en ouverture du Champs-Élysées film festival son deuxième long-métrage (le festival avait déjà accueilli son premier long-métrage Columbus).
Dans un générique d’ouverture génial et ultra dynamique, tendance Black Mirror, le cinéaste a mis toute l’énergie et la joie de vivre de son film, dans une scène dansée et rythmée, qui permet également de repérer un beau travail de couleur et contribue à la peinture par petites touches d’une société futuriste technologique où la compétition et l’apparence de famille parfaite sont centrales.
Après ce coup d’éclat, l’ensemble du long-métrage se présente de façon beaucoup plus douce et nuancée, à la fois dans son ambiance visuelle, nimbée de lumière très tamisée et souvent couleur or liquide assortie au thé, le breuvage favori de Jake qui constitue aussi le cœur de son activité professionnelle, mais aussi dans sa façon de traiter des thématiques lourdes telles que les relations entre humains et androïdes, la difficulté à prioriser les différents éléments de sa vie et bien sûr le deuil, comme le titre l’indique.
Le questionnement sur le rapport entre l’humain et le non-humain, c’est-à-dire le technologique, la possibilité d’un supplément d’âme de la machine, rappelle à la fois le Her de Spike Jonze, dont il se rapproche par la mélancolie, par l’importance accordée aux souvenirs, mais aussi par les potentialités romantiques du robot, et également Ex-Machina pour cette maison vitrée de partout et l’idée que malgré toute la transparence supposée, il reste toujours une part de mystère qui nous échappe dans nos créations.
En tant que spécialiste du montage, Kogonada ne déçoit pas avec un soin particulier apporté au traitement des souvenirs, dont les répliques qui se répètent et les images qui semblent parfois tourner en boucle ou présenter la même séquence de différents points de vue donnent une légère impression d’enrayement de la machine, dont on ne sait très bien s’il provient du système en lui-même ou si c’est l’impact obsessif qu’il produit sur l’esprit de la personne qui les consulte.
Après Mise à mort du cerf sacré, Colin Farrell retrouve ici un rôle de père qu’un événement inopiné va pousser à réfléchir à la place qu’il accorde à sa famille et en particulier à son enfant. Alors que sa compagne, incarnée par Jodie Turner-Smith, ne cesse de prôner un rapprochement avec leur fille, jusqu’ici un peu trop babysittée par son frère androïde, Jake a besoin d’accomplir un cheminement solitaire qui est aussi sa façon à lui de faire le deuil de ce fils technologique perdu. C’est comme s’il avait besoin de constater que Yang avait une vie émotionnelle cachée pour se reconnecter à ses propres émotions d’humain. En seulement quelques plans, Justin H. Min impressionné par sa capacité à jouer sur le fil entre une grande sensibilité et le rappel permanent que ses réactions sont le résultat d’une programmation. La petite Malea Emma Tjandrawidjaja est confondante de naturel et d’un mélange de réaction de très jeune enfant et d’une certaine gravité, particulièrement belle dans les scènes nocturnes.
De l’idée d’un monde futuriste sombre, où les parents n’ont plus le temps de se consacrer à leurs enfants, Kogonada bâtit un film empreint de touches de lumière chaude et d’une infinie délicatesse, qui se traduit par sa bande-son planante. Un très beau choix pour célébrer le cinéma américain indépendant.
Je croise les doigts pour qu’un des cinémas qui m’entourent décident de le passer ! Parce que c’est une vraie attente de mon côté…
Vraiment je te le souhaite !