« Un conte de Noël » : je suis le mal-aimé

Dans une famille déjà éprouvée il y a longtemps par la perte d’un enfant en bas âge, à l’approche de Noël, la grand-mère apprend qu’elle est atteinte d’un cancer nécessitant une greffe de moelle et le petit fils est hospitalisé en psychiatrie…

Avec Un conte de Noël, Arnaud Desplechin semble faire son Festen, et vouloir s’inscrire dans la longue lignée des films de famille autour d’un repas qui tourne mal. Pour cela, il s’amuse à réunir un casting presque entièrement composé d’habitué(e)s de son cinéma (à quelques exceptions près comme Melvil Poupaud, Laurent Capelluto ou le jeune Émile Berling), auquel il donne des noms qui font également écho à ses autres œuvres : Abel, Elizabeth, Sylvia, et bien sûr Paul Dédalus.

Après une délicate ouverture dont les marionnettes de papier permettent de montrer ce qui serait douloureux à présenter en live action (l’agonie d’un enfant), le film s’enclenche réellement avec le procès improbable lors duquel Elizabeth se substitue au juge pour énoncer le verdict du bannissement familial de son frère Henri, l’enfant-médicament non désiré pour lui-même dont elle rachète les dettes. C’est à Mathieu Amalric qu’échoit ce rôle, bien entendu, lui qui avait déjà tenu dans Rois et reine celui d’Ismaël, l’homme-enfant capricieux, toujours accro à diverses substances et légèrement inadapté à la société contemporaine, du moins celle de ses proches. Il faut l’intervention du neveu, lui-même interné après un « coup de folie », pour générer la réunion de toute la famille autour des fêtes de Noël. Dès lors, le film se présente comme un quasi huis clos, découpé en journées dont chacune est affublée d’un thème en titre. C’est évidemment l’occasion de régler quelques comptes, mais la grande scène de dîner qui dégénère, qu’on attendait évidemment, n’arrivera pas en tant que telle. Le cinéaste s’amuse plutôt à distiller son malaise et son humour de manière mêlée, à révéler peu à peu les secrets et les failles de chaque personnage.

La mise en scène met à profit les espaces de la grande maison, pour signifier visuellement l’état des relations entre les personnages : le cousin Simon qui range tout seul dans la véranda pendant que la famille réunie assiste au spectacle d’artifices créé par Ivan, l’ancien benjamin fragile qui se reconnaît un peu trop dans les troubles de Paul ; Henri le mal-aimé qui descend la façade au lieu de prendre l’escalier intérieur…

Moins clairement mythologique que dans son film précédent, l’intrigue s’articule plutôt autour de la question scientifique de la greffe de moelle, dont la démonstration au tableau par Hippolyte Girardot est inspirée par le travail de Cedric Villani. La greffe réelle que doit subir Junon pour survivre, dont il faut élire le donneur parmi les proches compatibles, est une forme de reprise de greffes préalables : celle qui n’a pu avoir lieu pour sauver le petit Joseph, celle de Simon, le cousin adopté par Abel, au sein de la fratrie, celle des « pièces rapportées », comme Sylvia ou Faunia.

S’il ouvre plusieurs pistes et questions, il ne faut pas forcément attendre du long-métrage qu’il y apporte des réponses. Le cinéaste préfère déjouer certains enjeux et livrer brute cette tranche de vie familiale en millefeuille complexe, où tout ne se résout pas nécessairement.

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