Ruben a quitté la France et sa famille juive envahissante pour vivre en Finlande. Il y a rencontré Teemu, son amoureux, et a trouvé un job de facteur. Mais lors d’une tournée, un vieil homme tient à toute force à refuser un recommandé contenant beaucoup d’argent…
Movie Challenge 2022 : un film qui contient une ouverture/fermeture à l’iris
France.tv a eu la bonne idée de promouvoir la diversité du cinéma français à travers une collection de films passés par l’excellent festival du Film Francophone d’Angoulême, dont le premier long-métrage de Mikael Buch, dont le titre met d’emblée en tête la voix rocailleuse d’Armstrong chantant le voyage de Moïse sortant d’Égypte.
Vous vous croyez dans Les dix commandements ? C’est normal, c’est aussi le cas de Ruben, qui au fil du récit se voit confronté à ce rappel constant de sa judéité à travers les postes de télévision qui égrènent des images de la fresque de Cecil B. DeMille. Mais avant cela, l’univers que nous découvrons initialement est bien différent. L’ouverture à l’iris sur un paysage aux couleurs artificielles comme du Technicolor bizarrement saturé, avec ses petites cabanes aux toits rouges flashy dans des décors naturels paisibles, nous entraîne en Finlande, où Ruben mène une vie qui le remplit de joie. On a la surprise de voir Nicolas Maury donner la réplique en finnois à des acteurs locaux, dans un petit uniforme de postier presque cartoonesque. Rapidement, avec la confrontation avec le destinataire du recommandé contenant une grosse somme en petites coupures, le film adopte une tonalité qui rappelle le Dupontel des débuts : des bagarres qui ne ressemblent à rien, où tous les coups sont permis, y compris plus tard un vol plané surréaliste, bref un côté décalé dans le mal qui ne peut que faire sourire.
La fantaisie semble coller aux semelles de Ruben, dont le prénom est fort signifiant : « regardez un fils », et en effet, à partir de son arrivée en France, l’homme que l’on avait perçu pour lui-même est assigné à sa place au sein de sa famille, celle du fils prodigue d’une famille juive traditionnelle. Privé de l’argent et de l’amour, il n’a d’autre choix que de rentrer dans ses pénates tout en gardant cette incapacité fondamentale à correspondre à ce qu’on attend de lui. Mais peu à peu, l’enchaînement des événement à l’approche des fêtes de Pessa’h lui donne l’occasion de constater qu’il n’y a pas que lui qui se débat avec ses démons intérieurs. Mikael Buch a composé pour son anti-héros sympathique une famille de bric et de broc avec un casting hétéroclite qui fonctionne étonnamment bien ensemble, en particulier le couple Carmen Maura/Jean-François Stévenin. Les problématiques familiales se mélangent et se cumulent : les rivalités au sein de la fratrie, la sœur (Amira Casar) sur le point de divorcer, le frère qui ne sait pas gérer ses impulsions (Clément Sibony), le père qui entretient une double vie, la mère qui croit toujours que son fils gay va finir par épouser une femme… L’avocat (Jean-Luc Bideau) soudainement libidineux vient instiller un vaudeville pas toujours des plus fins dans ce panier de crabes qui se déroule dans un décor classique d’appartement vintage associé à un pressing (on pense à une version comique de Two Lovers). Entre l’homme chenu à la bonne situation qui le poursuit de ses avances non sollicitées, et son prince charmant nordique dont il espère le retour, Ruben traîne sa mélancolie, un état que Nicolas Maury sait endosser avec grâce et poésie.
Foutraque et coloré, la chronique familiale tient aussi de la comédie romantique, et si le titre fait signe du côté d’une libération, il s’agit bien plutôt de s’accepter tel que l’on est et avec la famille dont on vient, ses traditions et ses défauts. Une petite fable rigolote et dynamique sans prétention qui malgré quelques points faibles fait passer un bon moment.
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