


Le binôme du film s’est reformé le temps d’une journée ensoleillée pour raconter leur rencontre sur le tournage de Petite leçon d’amour.
- Avant de rentrer dans le vif du sujet, j’avais envie de faire une petite allusion au titre du film et de vous demander un conseil, une petite leçon d’amour du cinéma…
L.D. : « Le Fils de l’homme, d’Alfonso Cuarón. C’est un film avec un long plan-séquence. Il y a beaucoup d’amour, mais c’est dans une situation un peu hostile, et c’est très très beau. »
P.D. : « Moi, ma petite leçon ce serait : quand on voit un film et qu’on l’aime, ne pas hésiter à s’intéresser au précédent de la personne qui l’a réalisé, parce que souvent on découvre une œuvre qui fait un tout. Je pense à Almodóvar, que j’ai découvert sur le tard. Je suis remonté dans le temps avec ses précédents films, et c’est comme ça que je suis devenu un fan inconditionnel de son travail, même s’il y a des films de lui que j’aime beaucoup plus que d’autres, mais c’est une œuvre, c’est comme une pléiade. »
- Pour parler du film maintenant, c’est votre première collaboration ensemble et avec la réalisatrice : qu’est-ce qui vous a donné envie de participer à ce projet ?
« On s’est beaucoup aidés dans le travail »
L.D. : « C’était de travailler l’un avec l’autre, je crois que tous les deux on avait envie de travailler ensemble, depuis longtemps. »
P.D. : « Oui, vraiment. On se connaissait de quelques années, mais on ne se voyait pas beaucoup. Mais moi j’ai vu Laetitia à travers les films qu’elle a fait entretemps, elle peut être aussi, mais en tout cas on apprécie l’un et l’autre ce qu’on fait comme choix. Je voyais Lætitia dans des interviews ; je voyais qu’elle faisait des spectacles nue avec un cheval… Je me disais : « quelle liberté, quelle inventivité ! ». Et je rêvais de travailler avec elle, et je ne me suis pas trompé, parce qu’en fait je me suis rendu compte que tout ce que je fantasmais sur elle était bien réel, même au-delà. »

L.D. : « Moi c’est pareil. En fait, les premières images que j’ai eues c’était lui dans le film d’Alain Guiraudie, et sa gravité, son anxiété, comme il était habité par ça… C’est rare les acteurs français qui sont habités à ce point, qui tremblent devant la caméra, il n’y en a pas beaucoup. Puis ne le connaissant pas, ou très peu, j’ai été vraiment surprise de sa liberté, sa fantaisie, sa bonne camaraderie dans le travail. On s’est beaucoup aidés dans le travail, on était comme des compères. »
- Sans être directement le sujet principal, le film évoque largement le métier de ses personnages. Comment vous êtes-vous glissé(e)s dans ces professions ? Par exemple, est-ce que vous auriez aimé être prof ?
P.D. : « J’aurais aimé être prof oui, à ce détail près que j’ai failli le devenir, mais je me suis rendu compte que j’allais vite m’ennuyer à toujours transmettre, et je me suis dit que pour que ma vie soit plus riche, j’avais envie d’apprendre toute ma vie. Je me suis dis que si je maîtrisais trop une matière, après j’allais m’ennuyer. Peut-être que c’est bête parce qu’on peut apprendre toute sa vie et puis changer de manière d’enseigner mais voilà. Et ce que je dirais de Mathieu dans le film, c’est que justement il s’ennuie dans son métier, parce que je crois qu’il le fait contre les élèves et pas avec eux. Et mon expérience d’élève me fait me rendre compte que les bons profs sont ceux qui font confiance, ceux qui encouragent, ceux qui sont exigeants mais empathiques, et qui vous donnent envie d’apprendre. Ce n’est pas juste « on doit apprendre », c’est aussi aux profs de donner envie d’apprendre, quand ils le peuvent bien sûr. Il y a des endroits et des classes avec qui c’est impossible ou beaucoup plus dur, mais je crois vraiment que le prof y est pour beaucoup dans certaines choses. Moi je l’ai vu en tant qu’élève, des profs qui m’ont rendu passionné de leur matière, alors qu’au départ je détestais cette matière, et d’autres qui m’ont dégoûté d’autres matières que j’adorais, parce que l’année s’est mal passée. Donc je crois quand même qu’il y a une part importante qui peut incomber au prof, même si encore une fois c’est pas une critique parce qu’être professeur c’est très difficile. »
L.D. : « Moi c’est par le métier que je suis rentrée dans le rôle, parce que je trouvais qu’une femme qui a été mannequin seins et qui devient dog-sitteuse, ça en dit long sur sa conception des choses. Elle quitte son métier par dégoût, ça en dit long sur son rapport au fait d’être un objet sexuel. Alors qu’est-ce qu’elle veut faire de sa vie ? Je comprends très fort ce truc de se rapprocher des animaux. C’est quelque chose qui pour moi est facile et donc c’est par le métier que je suis rentrée dans le personnage. »
- Comment ça s’est passé de tourner avec des animaux ? Il y a des chiens, une tortue…
« Des animaux humains rencontrent des animaux non-humains »
P.D. : « Ça apporte un petit peu de fantaisie. Et puis ce sont des animaux humains qui rencontrent des animaux non-humains ! Pour eux aussi ça n’a pas dû être facile tout le temps. La tortue, pour lui faire faire la prise où elle va tout droit, elle tourne à gauche… c’était un peu comme Paul le poulpe pendant la Coupe du monde ! Il a fallu la refaire plusieurs fois mais parce que les animaux ne sont pas acteurs. En plus, on ne leur demande pas leur avis et ils ne sont pas payés. Enfin, ils sont payés en croquettes. »
L.D. : « Mais c’est vrai, le fait qu’ils ne soient pas payés, on a quand même encore plus envie de leur faire passer un bon moment. Ils ne choisissent pas. Du coup, on peut se sentir responsable que ce soit agréable pour eux, qu’ils n’aient pas peur, qu’ils soient confortables. C’est vrai que même si c’est chiant des fois, il faut inverser le truc : se dire que plus le chien est heureux, moins ça va être chiant. »

- Pour une comédie, c’est un film qui ne se base pas que sur les dialogues, mais qui a aussi quelque chose d’assez physique, avec une importance du rythme et du mouvement des corps. Comment avez-vous appréhendé cela ?
P.D. : « Oui, c’est du comique de situation, donc comme il leur arrive des choses surprenantes, comme la soirée masquée ou quand ils sont enfermés dans une cave, il y a plein de moments où il y a le physique qui joue. Moi le souvenir le plus croustillant que j’ai, c’est avec Lætitia en vélo, parce qu’à un moment on est tous les deux sur le vélo, et je me souviens que c’était très touchant de faire cette scène, parce qu’il faisait nuit, on avait froid, très très froid, c’était en plein hiver, et il fallait faire une grande descente sur un vélo un peu brinquebalant. Et Lætitia avait peur au début, et je trouve que ça allait bien avec ce que le personnage vivait. Je trouve que la scène est jolie, parce qu’on voit dans les yeux de son personnage plus de choses qu’une descente en vélo avec un homme qui conduit une femme sur le guidon. »
L.D. : « Moi le souvenir que je garde, c’est une scène où on sortait d’une cave, et tu te cassais la figure et je te rattrapais, et puis hop je me cassais la figure. C’est un truc qu’on a inventé ensemble, c’est le genre de blague qui nous faisait rire, et c’est vrai que c’est un genre de blagues physiques qu’on n’a pas tellement l’occasion de faire. Ça représente bien nos personnages aussi. Ils se ramassent. »
P.D. : « C’est vrai, qu’est-ce qu’on avait ri ce jour-là ! »
- Les personnages sont aussi visuellement très marqués par leurs costumes, la façon dont ils s’habillent ou se déguisent. Avez-vous eu votre mot à dire sur leur look et comment vous l’êtes-vous approprié ?

P.D. : « On a toujours au moins un avis à donner et l’intérêt aussi de la mise en scène, c’est que les interprètes se sentent bien dans le costume qu’on leur prépare, donc à moins que ce soit vraiment catastrophique, en général on trouve toujours un terrain d’entente. Je n’ai pas vraiment choisi mon costume. C’était vraiment un pantalon en fin velours, une chemise avec un pull en laine trop petit pour moi, et une veste de costume par-dessus, mal fagoté quoi. Et Lætitia, c’était autre chose encore parce que tu avais la fausse poitrine… »
L.D. : « Oui, mon costume principal, c’était vraiment la fausse poitrine, parce que moi j’ai une toute petite poitrine. J’ai eu du mal à m’y faire, je les trouvais vraiment trop gros, ces seins. Ils étaient lourds, je trouvais que ça faisait vraiment des seins de mamie, je ne les aimais pas. Mais comme personnage le vit mal, ça allait. »
- Et comment s’est passé le tournage, qui est largement nocturne et doit donner l’impression que toute l’intrigue se joue en une seule nuit ?
P.D. : « Ça, c’était le challenge du tournage : il y avait beaucoup beaucoup de nuit, deux tiers je dirais. »
L.D. : « On bouffe beaucoup quand on travaille de nuit, on fait que de bouffer ! On perd le sentiment de satiété avec le manque de sommeil. »
P.D. : « Et puis on a froid, parce que c’était l’hiver, donc dehors il faisait quand même un peu froid. Et c’est marrant mais la seule scène où j’avais vraiment besoin qu’il fasse vraiment nuit, on l’a tournée en nuit américaine, en plein jour. Ça, c’était dur, mais je n’ai pas eu le choix. »
- C’est quelle scène ?
P.D. : « C’est la scène où il est saoul où il marche en chantant « Capri, c’est fini », toute cette scène où il est bourré, c’est en plein jour. Du coup, je n’étais pas content de moi dans cette scène. »
- Qu’est-ce qui a été le plus marrant à tourner, et le plus difficile ?
« On voulait se faire rire mutuellement »
L.D. : « Le plus marrant en fait, c’est un truc un peu général. Le plus marrant, c’était notre temps de maquillage tous les deux. On faisait des blagues, on essayait des choses, on était toujours en train de chercher quoi jouer, donc c’est moi une question de scènes qu’une question de moments où on se mettait vraiment ensemble et on trouvait plein de trucs. On voulait se faire rire mutuellement. »
P.D. : « Oui, on se portait l’un l’autre, c’était vraiment très agréable pour ça, parce qu’on était très complices. Et dans les bons moments comme dans les moins bons, l’un remontait le moral de l’autre. »
L.D. : « C’est ça qui nous a beaucoup aidé. Après ce qui est dur, c’est quand on était tout le temps dans une petite voiture, dans le froid, la nuit, souvent la fenêtre ouverte pour que les gens puissent filmer donc ça, c’est un peu compliqué. »

P.D. : « Et puis je dirais aussi que, c’est bizarre mais, le froid, quand on tourne une comédie, ça crispe un peu tout le monde, et je pense que c’est plus dur que quand il fait bon ou beau. »
L.D. : « C’est plus propice au drame en fait. »
P.D. : « Mais bon, Les bronzés font du ski, ils étaient aux sports d’hiver ! »
- En tout cas, est-ce que ça vous a donné envie de faire plus de comédie ?
P.D. : « Ah moi c’est le cas ! Depuis que j’ai fait ce film, j’en ai fait deux autres. Dont une avec Lætitia, qu’on adore. »
L.D. : « Oui, un film qui ressemble un peu aux films de Ken Loach quand il fait des comédies. »
- Genre La part des anges ?
P.D. : « Oui voilà, c’est une comédie sociale sur des ouvriers qui décident de ne plus se laisser faire par les patrons et donc c’est le pot de terre contre le pot de fer, et puis des gens qui ne s’y connaissent pas mais qui vont devoir mettre les mains dans le cambouis de la finance, donc ça crée des situations rocambolesques. Et c’est Gilles Perret qui réalise ce film, après avoir fait, entre autres, Debout les femmes, un très beau documentaire. Et ça s’appelle Reprise en main. »
- On ira voir ça, ça donne envie !
P.D. : « Et toi Lætitia, tu as fait d’autres comédies depuis ?
« Je réalise mon film, une tragi-comédie »
L.D. : « J’ai fait le film de Jérôme Commandeur, qui est plus comédie-comédie. Mais moi, au-delà de comédie ou pas comédie, c’est plutôt des films qu’il me ferait du bien de voir en ce moment. Donc là j’ai fait aussi un film autour d’un monde apocalyptique, qui n’est pas du tout une comédie, mais qui est un film de genre, ce qui m’a fait beaucoup de bien aussi. Et puis je réalise mon film qui est une tragi-comédie autour de questions qui m’importent aussi, le féminisme et le lien aux autres espèces. »
- J’ai lu que vous aviez été choisi(e)s au départ pour Petite leçon d’amour justement parce que vous n’étiez pas que des interprètes de comédie, mais que vous aviez l’habitude de rôles complexes…
L.D. : « Ce sont des rôles complexes, quand on les a joués, on les a pensés complexes. Mais ce sont des rôles qui au montage ont été tirés aussi beaucoup vers la douceur et la légèreté, ce qui était moins notre truc au départ. Après en fait les acteurs de comédie, les très très bons acteurs de comédie, ils ont des côtés très noirs. Ça demande un sens du rythme ou de la diction qui est particulier, donc il faut être bien nickel avec ça, on est moins libre en fait qu’en drame, parce que le texte est très important. C’est plus formel mais je ne dirais pas que les acteurs de comédie sont moins graves, ou alors c’est de la comédie que j’aime pas. »
- Mais comment on passe d’un rôle il faut se rendre sympathique ou attachant, à des rôles ou depuis des rôles où ce n’est pas ça le but ?
P.D. : « Je crois que dans pratiquement tous les rôles qu’on fait, que ce soient des drames ou des comédies, on est à la recherche de l’empathie pour que les gens puissent se reconnaître dans les parcours…
L.D. : « Pour être heureux de jouer même ! »
P.D. : « …ou alors l’opposé, parce que moi j’ai joué des personnages très très antipathiques. Mais je joue ma partition sans juger les personnages que j’interprète, en essayant de leur donner vie à partir du papier quoi. C’est très abstrait. Il y a écrit des choses qui sont et qu’ils font et il faut transformer ça en quelque chose de crédible, de vivant et d’intéressant. »
- Au final il n’y a pas de différence dans la façon de travailler.
« Le sérieux n’est pas toujours un gage de qualité »
P.D. : « Il y a une différence dans l’amusement. Je pense que dans une comédie, c’est plus propice à s’amuser, parce que comme on fait des choses qui sont drôles et légères, parfois on s’autorise de la légèreté et de la drôlerie en dehors des prises alors que dans le drame parfois on est un petit peu plongé dans quelque chose de lourd. Mais je me souviens que quand j’ai tourné le film d’Honoré Plaire, aimer et courir vite, c’était un film dramatique avec des scènes vraiment dures et avec Vincent et Christophe on rigolait beaucoup. Donc le sérieux n’est pas toujours un gage de qualité. »
Merci à Lætitia Dosch et Pierre Deladonchamps d’avoir accordé leur humeur à la douceur de l’air.
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