L’équipe du film Les Meilleures était présente cet été pour le présenter lors du Festival du Film Francophone d’Angoulême. On a rencontré la réalisatrice et les deux actrices principales…
- Comment est née l’envie de faire ce film par rapport à votre travail avec les jeunes ?
M.D.R. : « En parallèle de mes études, j’ai été bénévole dans une association qui faisait du soutien scolaire, des sorties pédagogiques avec tout un groupe de jeunes du Nord-Est parisien, souvent issus de l’immigration. J’ai passé beaucoup de temps à les accompagner. Et à cette période est arrivé le mariage pour tous et toutes les manifs autour qui ont beaucoup interpellé les ados à l’époque. Je me souviens de séances où on ne faisait pas du tout les devoirs, on débattait ; s’il y avait eu un reportage à la télé ou la manif qui était passée dans la rue, ils avaient besoin d’en parler. Leur toute première réaction, ça avait été de dire « les homos chez nous ça n’existe pas, c’est un truc de babtou ». Et bien évidemment c’est plus complexe que ça et plus surprenant. Le film est né de cette inspiration-là, de ce sujet qui me touchait personnellement. J’ai eu envie de raconter une histoire d’amour d’une jeune femme qui aurait pu faire partie de ce groupe. »
- Vous avez choisi le quartier où vous aviez travaillé pour le film ?
M.D.R. : « C’est dans le même coin de Paris mais pas exactement au même endroit, car on a commencé à se poser des questions comme « quel décor est visuel ? qu’est-ce qui est intéressant en termes d’espace et de son ? ». On a bougé de la Goutte d’Or vers Belleville qui est un quartier plus en hauteur, qui permettait d’avoir ce côté tourné vers le ciel, aérien dans les extérieurs, que je voulais mettre en avant. Mais ça reste le Paris populaire. »
- Vous parlez d’un côté aérien et en effet beaucoup de scènes ont lieu sur les toits, comment leur tournage s’est-il passé ?
L.E.A. : « Moi j’ai un peu le vertige, mais ce qu’on ne voit pas à l’écran c’est que les toits étaient plats, avec différents niveaux de hauteur mais il n’y avait jamais vraiment de vide en-dessous, pas plus de quelques mètres avec des échelles sécurisées. Et c’était génial d’avoir accès à cet espace-là. À Paris il y a plein de toits sur lesquels on peut monter mais là c’était un immeuble très haut, et on avait une vue incroyable. J’ai beaucoup aimé cette expérience. »
M.D.R. : « Je n’avais pas idée qu’il y avait autant de toits avec ce genre de vue à des endroits qu’on ne soupçonnerait pas. J’étais assez impressionnée. Normalement on n’y a pas accès quand on y vit, c’est assez sécurisé, donc c’était une chance d’avoir ce spot-là. »
- Le toit symbolise le refuge des personnages alors que l’idée de refuge est souvent plutôt associée à des espaces fermés qu’ouverts…
« C’est le paradoxe qui me plaisait »
M.D.R. : « C’est le paradoxe qui me plaisait. C’est le seul endroit où elles peuvent vivre leur histoire d’amour et en même temps il n’y a pas plus exposé. Le film se passe pas mal de nuit, et sur le toit elles ne peuvent plus se cacher, elles sont obligées d’être en pleine lumière, comme dans la scène de fin avec une lumière assez forte. C’est aussi venu d’une histoire vraie. Quand j’étais dans cette association, on a fait des petites vidéos avec les ados dont je m’occupais, et une des filles vivait dans un immeuble où elle avait une petite terrasse, et elle avait installé une échelle qui permettait de passer de son balcon au toit. Et on y avait tourné des scènes, pour le coup sans autorisation, et c’était assez magique. Très égoïstement, j’ai fait les scènes que j’avais envie de kiffer tourner sur les toits, pour en profiter à fond. »
- Comment avez-vous créé l’alchimie entre les personnages, alors que les jeunes filles sont censées faire semblant de ne pas s’apprécier quand elles se voient en public ?
« J’ai eu une fascination pour ce qu’elle dégageait »
L.E.A. : « Ce que j’ai vraiment aimé dans le travail avec Marion c’est qu’on a beaucoup répété. On se retrouvait dans des appartements et on répétait des scènes pour trouver des trucs. Pas tellement pour de l’impro, car tout était assez écrit, mais ça m’a beaucoup aidé d’avoir un travail de préparation. Et pour l’alchimie avec Esther, dès la première fois que je l’ai vue j’ai eu une fascination pour ce qu’elle dégageait, qui m’a beaucoup impressionnée. Et ça m’a aidée pour jouer parce que j’ai utilisé cette fascination avec le personnage de Nedjma. C’est ça, la rencontre « C’est quoi cette meuf qui me fait ressentir un truc bizarre ? » et c’est la panique, parce qu’elle est différente de toutes les personnes qu’elle connaît. »
M.D.R. : « Ce binôme-là, j’en suis très contente et je trouve qu’il marche très bien. Lina est arrivée très tôt sur le projet, ça a tout de suite été une évidence que ce serait elle. Avant de rencontrer Esther, on a rencontré beaucoup de Zina potentielles. On voyait des filles en casting, et ça ne marchait pas, il ne se passait pas ce petit quelque chose en plus. Et quand Esther est arrivée, on s’est dit « ça y est on a trouvé ».
E.R. : « Il y avait un truc assez intense entre Lina et moi, même dans la vie où c’était tout ou rien tout le temps. C’est mon premier tournage, donc je n’avais pas d’expérience, et je me rattachais à des trucs que je pouvais ressentir, de l’ordre de l’instinct. À ce niveau-là ça m’a aidée. Lina est super pro, elle avait un niveau de jeu très présent. Elle savait ce qu’elle faisait quand ce n’était pas du tout mon cas ! »
L.E.A. : « Toutes les deux, on a beaucoup de notre personnage aussi. Sur plein de points ils sont assez proches de nous. Peut-être qu’à des moments ça nous a demandé de travailler plus, mais ça nous a servi pour plein de choses. »
- Comment avez-vous composé le casting avec les autres personnages ? Vous disiez en présentant le film que ça avait été assez compliqué ?
M.D.R. : « Oui, il y a une histoire que j’aime bien raconter, parce que je la trouve assez symptomatique. Bien avant de rencontrer Esther, au tout début du casting, avec ma directrice de casting Anaïs Duran, qui est super, on va dans un théâtre voir une pièce avec des comédiennes semi-professionnelles qui avaient à peu près l’âge qu’on recherchait, et on trouve une fille vraiment bien. On se dit « elle a quelque chose » et on lui propose de prendre un café. Elle arrive au café, on est là toutes les deux, on lui explique que c’est pour un long-métrage de cinéma, qu’on a le budget, qu’on va partir en tournage bientôt, et je vois le regard de cette jeune fille s’allumer à l’idée d’un rôle principal de cinéma. On sentait son enthousiasme. Et puis comme on ne voulait pas lui faire de « mauvaise surprise », on lui dit que c’est une histoire d’amour, avec des scènes de baisers et des scènes de sexe même si elles sont très soft, et là on la voit se fermer et elle nous dit : « Si je joue dans ce film, ma mère ne pourra pas le voir. » On lui a dit de lire le scénario, de réfléchir et de nous rappeler. Elle est partie en prenant le scénario, elle le tenait fort contre elle, comme quelque chose de vraiment précieux, elle nous a dit « au revoir, à bientôt » et quand elle a passé la porte on s’est dit « on ne la reverra plus ». Et elle ne nous a jamais rappelées.
Si on a mis du temps avant de rencontrer Esther pour le personnage de Zina, c’est qu’on a rencontré plein de comédiennes, professionnelles ou non, qui me disaient « le scénario est beau, c’est intéressant, mais je ne suis pas à l’aise avec le fait de jouer une lesbienne. » Parfois ça leur posait problème directement, et parfois c’était juste le poids de la famille en fait. Pour la petite sœur ça a été un souci, parce que comme elle était mineure, on avait besoin de l’autorisation des parents, c’est normal. Les enfants disaient « je vais jouer dans un film, super », et les parents demandaient à lire le scénario, et là… ils disaient non.
Pour les autres personnages, j’avais fait un court-métrage avant où j’avais déjà rencontré des actrices comme Mahia Zrouki et Tasnim Jamlaoui qui font les copines de Nedjma, donc je les connaissais déjà bien. Et pour les autres rôles, on a fait un truc assez réjouissant, on a rencontré les gens, on leur a dit « venez nous voir et passer le casting » sans forcément avoir d’a priori sur qui allait faire quel personnage. Je savais que j’avais deux bandes de quatre et après ça a beaucoup bougé. Par exemple le personnage de Zoé Marchal, quand on l’a vue on s’est dit « elle est super, il faut qu’on lui fasse une place ». C’était assez amusant à faire. »
- Il y a quatre jeunes filles dans chaque groupe, un chiffre qu’on a déjà vu dans d’autres films : pourquoi quatre ?
M.D.R. : « Parce que cinq c’est trop cher ? Je blague ! Je crois que c’était assez instinctif, quand j’étais ado j’avais un groupe de copines comme ça et il me semble que c’est un chiffre où ça se passe bien.
L.E.A. : « Quand j’étais jeune, ma mère me disait « évite les groupes de trois », parce qu’il y en a toujours deux qui se retournent vers une. Quatre, il y a un côté « chaise », stable avec quatre pieds. D’ailleurs dans le film on voit bien quand il y a la brouille entre Nedjma et ses amies, elles en prennent une autre pour la remplacer ! Parce que deux c’est pas une bande, c’est un binôme, trois il y a ce truc de triangle qui fonctionne rarement bien. »
M.D.R. : « Après je tenais à ce qu’il y ait une sorte d’effets miroirs entre les deux bandes, qu’elles se ressemblent tout en étant très différentes. »
- En quoi sont-elles si différentes ? On voit peu les cousines mais au-delà de leur réputation, quand on les voit elles ne sont pas méchantes…
« J’avais envie de jouer avec les spectateurs »
M.D.R. : « J’avais envie de jouer avec les spectateurs, de leur dire « regarder ce sont les grosses méchantes, elles tapent, elles sont badass » et en fait ce sont les plus ouvertes à la fin et les plus compréhensives. Créer un effet de surprise, parce que les réactions des gens ne sont jamais ce qu’on en attend. C’est quelque chose que j’ai pu expérimenter dans ma vie. Au moment du mariage pour tous, il y a eu des gens autour de moi dont je ne m’y attendais pas du tout qui ont eu des propos très durs sur l’homosexualité, sur le couple que je formais à l’époque. Et d’autres où je pensais que ça allait être chaud et qui ont été beaucoup plus ouverts. J’aimais bien cette complexité-là du réel. C’est difficile d’avoir un a priori sur comment les gens vont réagir sur cette question-là. »
- En parlant d’ouverture, le personnage de la mère intervient assez peu, mais quand elle le fait c’est pour tenir des propos sur la liberté. On peut donc se demander comment elle réagirait… Est-ce que vous vous êtes demandé à l’écriture si Nedjma allait lui parler ou pas ?
M.D.R. : « Bien sûr, à l’écriture il y a eu mille versions de scénario. Je trouve que dans le cinéma français, dès qu’il y a une mère maghrébine, elle est souvent dans sa cuisine. J’aimais bien l’idée de casser cette image-là. Les femmes que j’avais pu rencontrer dans ma vie, elles avaient des métiers, elles s’habillaient avec goût parfois… Sur sa réaction, il va sûrement lui falloir du temps, mais il va surtout en falloir à Nedjma. Si la discussion ne va pas plus loin, c’est que faire un coming out à ses parents c’est un processus qui prend du temps. L’échelle du film, de quelques semaines à peine, est trop courte pour qu’on puisse aller jusque-là. Elle arrive à le dire à sa sœur, à ses copines, c’est déjà beaucoup. Je pense que la mère, peut-être qu’elle acceptera, dans quelques années. »
L.E.A. : « Je pense aussi, de ce qu’on voit d’elle, dans les scènes importantes qu’elle a, qu’elle symbolise tous ces gens qui sur l’homosexualité sont très ouverts d’esprit – ça paraît dingue d’ailleurs de parler d’ouverture d’esprit comme si c’était un truc qu’il fallait « tolérer », mais c’est un autre sujet – mais pour qui ce n’est pas un sujet. Elle ne pense pas que sa fille pourrait être homosexuelle. Pour elle, même si elle se dit que si sa fille ne va pas bien, ça peut être un chagrin d’amour, mais ça ne lui vient pas à l’esprit que ça pourrait être avec une fille. On en revient à cette idée que « ça n’existe pas ». C’est inconscient, c’est un truc de société. Ça symbolise aussi une partie de la population. Ça c’est aussi quelque chose qui doit être difficile à vivre quand on est homosexuel, de se dire qu’il y a non seulement les gens qui ne t’aiment pas, mais aussi ceux qui n’imaginent même pas que tu puisses exister. Je pense que c’est très violent. »
« Être lesbienne ça symbolise l’émancipation féminine »
E.R. « C’est hyper générationnel. Pour la génération de nos parents, c’était très tabou. Ma mère, quand j’ai des conversations avec elle à ce sujet-là, elle a énormément de mal à comprendre. »
L.E.A. « Et encore plus l’homosexualité féminine. Encore l’homosexualité masculine, la génération de nos parents en a entendu parler même si c’était directement associé au Sida. Alors que pour les filles, ce n’est même pas envisageable. Et si ça l’était ce serait « parce qu’elle n’a pas rencontré le bon garçon ». »
E.R. « Dans l’imaginaire social, jusqu’à très récemment, ça symbolise l’émancipation féminine. Or quasiment toutes les femmes sont élevées à travers le regard des hommes qu’on leur impose, donc être lesbienne ça veut dire aussi ne pas en avoir besoin, être émancipée de ça, et je pense que c’est un truc qui socialement fait très peur. C’est peut-être pour ça que ça a été très tabou très longtemps. »
- D’ailleurs dans le film, il n’y a presque pas de personnages masculins. C’était volontaire de minimiser le nombre de personnages d’hommes pour voir purement les rapports entre femmes ?
M.D.R. « Oui et non. Moi quand j’étais ado, je traînais avec ma bande de copines comme les personnages, ma famille a beaucoup de femmes, et je me souviens qu’en allant au cinéma, je ne voyais que des garçons. Je me souviens de la frustration devant les films qui ne me ressemblaient pas. Je me reracontais les films en me disant « si c’était une fille qui faisait ça ? », « et s’il y avait une histoire d’amour avec une autre fille ? ». Pas pour que ça me ressemble au niveau biographique, ça peu importe, mais en termes de représentativité. Donc quand j’ai écrit ce film, c’était très naturel. Le monde que je connais est féminin, ce que j’ai envie de montrer c’est des femmes. Et ensuite dans les processus d’écriture, je trouvais que c’était plus fort d’avoir un seul personnage masculin avec une jolie partition plutôt que d’avoir plein d’hommes secondaires. »
- En termes symboliques, il y a le banc rose qui est « le banc des filles », pourquoi cette couleur ?
M.D.R. « Il y a deux réponses. Déjà il est tiré d’un truc vrai. Quand j’étais animatrice, dans le square à côté il y avait des bancs réservés à certaines personnes. Ils n’étaient pas repeints, mais ils étaient tagués. Il y avait un groupe de filles qui avaient tagué leurs initiales sur le banc. Quand j’ai dû faire le banc des filles j’ai pensé à ça, pour qu’elles se soient approprié le banc. Et le rose… Quand j’étais enfant, je détestais le rose, parce que les garçons en bleu, les filles en rose, les Barbie… Je faisais des crises à ma mère dès qu’elle essayait de me mettre une jupe rose. Et en grandissant je me suis dit que c’était dommage parce que je détestais cette couleur pour l’assignation girly qu’elle a alors que visuellement je trouve la teinte belle, puis c’est une des couleurs parmi d’autres et pourquoi je m’interdirais de porter celle-là ? Donc je me suis dit, je vais prendre ce rose presque Barbie, caricature de la féminité, pour le réinventer dans une histoire queer. Ça, ça me faisait assez marrer. Après j’en ai parlé à la chef op qui a adoré, du coup elle en a mis partout. La costumière aussi en a mis partout, tout le monde a aimé l’idée, ça a grossi et à la fin il y a du rose partout dans le film. »
- Jusque dans les textos que les filles s’écrivent, elles ont chacune une couleur, du rose et du jaune. Comment les couleurs ont-elles été choisies ?
M.D.R. : « La première couleur qui est arrivée c’est le rose pour le personnage de Zina, parce qu’elle s’habille en rose, il y a tout un réseau de rimes visuelles donc c’était assez clair. Et il fallait une autre couleur qui se marie visuellement assez bien. Le jaune était intéressant parce que ça évitait le « bleu garçon » et c’est lumineux, joyeux, et pas connoté en termes de genre. J’avais besoin de ce code couleur comme les messages apparaissent plein cadre sans autre référent. Il fallait que le spectateur puisse savoir qui parle. »
- Est-ce que cela a un rapport avec le choix de leurs prénoms et la signification de ceux-ci ?
M.D.R. : « Non, Nedjma ça veut dire « étoile ». »
- Justement, le jaune lumineux…
M.D.R. : « Je n’y avais pas pensé. Nedjma je trouvais ça vraiment très beau, mais il n’y a pas vraiment de signification si ce n’est que ça me plaisait. »
L.E.A. : « Zina ça veut quand même dire « belle ». »
M.D.R. : « Ouais je sais… »
L.E.A : « C’est peut-être inconscient. »
E.R. : « Mais ça marche. »
L.E.A. : « Parce que t’es belle et que je suis une étoile ! » (rires)
- Qu’est-ce qui a été le plus amusant à tourner ?
M.D.R. : « Peut-être qu’on n’a pas la même réponse… »
E.R. : « Je vais dire un truc qui va faire vriller Lina ! »
M.D.R. : « Je trouvais ça super drôle qu’elle tombe à l’eau. »
E.R. : « J’ai adoré te pousser ! »
L.E.A. : « Ah qu’est-ce qu’on a ri dans ce canal de l’Ourcq ! Mais en vérité, ce film était tellement important pour moi… Je le prenais vraiment au sérieux. Je voulais que ce soit bien, que Marion soit heureuse. Évidemment qu’on s’est marrées, il y a plein de bons moments de vie en répétition. Mais sur le tournage, j’avais du mal à prendre ça à la légère. On n’a pas eu des grands fous rires qui nous empêchaient de tourner, par exemple. Mais j’ai rencontré des actrices et des potes extraordinaires. »
E.R. : « On rigolait en pause mais pendant le tournage, c’était intense. »
M.D.R. : « Quand on était au local avec les petits jeunes on se marrait bien. »
« Un premier film, les gens ne se rendent pas compte à quel point c’est un long chemin »
L.E.A. : « Oui mais j’étais cohérente avec la scène, ce n’était pas un truc qui nous sortait de la scène. Oh j’ai l’impression d’être hyper rabat-joie, « ne rigolez pas sur les tournages », pas du tout ! C’est juste que c’est un premier film, c’est important, Marion a dû beaucoup travailler, les gens ne se rendent pas compte à quel point c’est un long chemin. Écrire, c’est hyper dur, je suis admirative des gens qui écrivent et après portent un projet. Du coup une fois qu’on y est, c’est trop important. »
E.R. : « Sur le toit on a bien rigolé quand même. »
L.E.A. : « Ah oui pour les scènes d’amour sur le toit ! »
- Il y a un sujet aussi sur les réseaux sociaux dans le film, c’est très générationnel. Dans la vie, les réseaux ça peut aussi être un endroit de rencontre, où on se rend compte qu’on n’est pas tout seul, mais là ils sont utilisés pour faire du mal aux autres. C’est une volonté d’alerter sur les dangers ?
M.D.R. : « Ce n’étais pas une volonté aussi pédagogique, je crois. Ce qui m’intéressait c’était de montrer que les réseaux sociaux peuvent être un endroit de très grande violence. C’est quelque chose que j’ai pu constater en travaillant avec les ados. Il y a des mécanismes dus aux réseaux sociaux, de réputation, de rumeurs, qui accentuent certaines omertas. Dans le film, les réseaux sociaux c’est le pire, mais les téléphones deviennent aussi l’expression de la parole amoureuse. Les premiers mots d’amour, même s’ils ne sont pas premier degré mais en sous-texte, passent par le même objet où transitent « Zina est une sale pute » et « je t’ai embrassée, ça m’a plu ». Ça peut être tout et son contraire. »
- Il y a même une scène qui est une sorte de cauchemar avec ce téléphone, c’est d’ailleurs la seule scène qui n’est pas complètement réaliste dans le film…
M.D.R. : « Une des lignes directrices à l’écriture, c’était qu’on rentre dans la tête de Nedjma. C’est une obsession que j’ai essayé de traduire dans la mise en scène. Rentrer dans sa tête ça veut dire essayer de mettre en images ses ressentis les plus extrêmes. Quand on découvre l’homosexualité, encore plus dans un milieu où ce n’est pas présent, ce qu’on vit c’est une perte des repères. On avait des schémas préétablis, sur la sexualité, l’amour, le futur. Et quand on désire quelqu’un du même sexe que soi, il faut réinventer quelque chose. Très littéralement, ce que vit Nedjma dans cette scène c’est une sorte de tremblement de terre. C’était assez absurde à tourner. »
L.E.A. : « Ça, c’était assez marrant à tourner ! »
M.D.R. : « Elle était sur une espèce de plaque vibrante qui tremblait très fort. »
L.E.A. : « Ça fait partie des choses où, à la lecture, il n’y a que Marion et Lucile, la chef op, qui savent ce que ça va rendre. Toi, il faut vraiment que tu fasses confiance. Avec les techniciens qui font tomber des trucs du placard ! »
M.D.R. : « Et finalement c’est une de mes scènes préférées, je la trouve hyper forte. »
Merci à l’équipe du film pour leur temps, leur implication et leur bonne humeur.
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