Complément d’« Enquête sur un scandale d’État »

Hubert Antoine prend contact avec le journal Libération pour faire des révélations. Infiltré par les hautes sphères des stups, il dénonce Jacques Billard qu’il accuse de participer au trafic.

Présenté comme un thriller, un film de drogue ou d’enquête, précédé d’une bande-annonce laissant présager de la tension et du danger, Enquête sur un scandale d’État s’appuie sur une histoire vraie qui a en effet de quoi susciter quelques sueurs froides, celle d’un infiltré dénonçant dans les médias une corruption au plus haut niveau de la lutte anti-drogue en France.

Il est pourtant indiqué avec insistance au début du film que celui-ci est une fiction, et le réalisateur a utilisé tous les moyens en son pouvoir pour éviter de « faire documentaire » : changement des noms des protagonistes, format carré, caméra stable, jamais à l’épaule, et casting grand luxe associant Roschdy Zem, Pio Marmaï et Vincent Lindon dans les rôles principaux. Tous ces choix qui l’éloignent de la réalité de l’affaire, avec comme repoussoir directement cité dans le film les émissions type « Complément d’enquête », c’est ce qui fait du film à peu près tout sauf ce que sa catégorisation et sa bande-annonce laissaient présager. C’est-à-dire pas vraiment un film de drogue, pas complètement un film d’enquête, et certainement pas un thriller.

Le résultat, c’est que malgré l’intérêt intellectuel et politique évident de l’affaire narrée, et les questionnements éthiques voire philosophiques, souvent placés dans les répliques du personnage de journaliste de Pio Marmaï, le film ne captive aucunement. Faute de background (qui finit par être distillé trop tardivement pour qu’on en ait encore quelque chose à faire), les personnages nous indiffèrent, alors même que les acteurs sont crédibles et ne déméritent pas. Faute d’une écriture tendue, on se perd dans des scènes qui ne font rien avancer et donnent une impression répétitive, et on laisse hors champ la violence qui aurait pu susciter au moins une réaction (même lorsqu’il n’y a qu’intimidation, comme lors de la conversation entre le personnage de Roschdy Zem et celui de Sofian Khammes, celle-ci se passe hors du cadre dès que le ton commence à monter). À l’écran, ce qu’on voit, ce sont la plupart du temps des conversations, ou quelques plans illustratifs, toujours très beaux grâce à la photographie de Claire Mathon, certes, mais pas passionnants narrativement parlant. Le plus original reste le traitement du métier de journaliste « de terrain », celui qui va chercher des sources, se déplacer pour voir les lieux réels des histoires qu’il s’apprête à raconter, et obtenir l’espace suffisant pour détailler son récit dans les pages du journal.

Il n’empêche qu’on reste très largement sur notre faim, et qu’on se prend à rêver à ce qu’aurait pu donner une telle histoire vraie dans les mains d’un cinéaste plus adepte du suspense et du film noir. Quelqu’un sachant créer le doute sur une personnalité trouble comme un Yann Gozlan qui aurait accentué les failles d’Hubert et de Billard pour qu’on ne sache plus qui croire, et qu’on se triture le cerveau pour choisir un camp, quelqu’un produisant la tension rien que par ses placements de caméra et sachant créer une atmosphère poisseuse et menaçante, comme un Sorogoyen. À défaut, on préférerait encore un Complément d’enquête sur le sujet, qui nous aurait davantage stimulé(e)s.

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