« Un monde » : microcosmos dans la cour

Nora entre à l’école primaire. Si elle pense retrouver son frère Abel à la récré, celui-ci la repousse pour éviter qu’elle ne soit mêlée au harcèlement dont il est victime. Nora décide d’alerter les adultes…

Pour son premier long-métrage, Laura Wandel frappe fort avec un film sobrement intitulé Un monde, en l’occurrence le microcosme que représente une école. En France, nous avons eu La Vie scolaire, en Belgique c’est donc ce « monde » qui semble réduit à l’établissement, et même presque à la cour de récréation. Impossible de ne pas penser au documentaire de Claire Simon, Récréations, qui présente le quotidien des enfants dans leurs jeux comme dans leurs violences.

Mais ici, en dépit de son esthétique réaliste, le film est très loin du documentaire. C’est une école vidée par les vacances qui a servi de décor pour abriter une troupe d’enfants avec lesquel(le)s la réalisatrice a travaillé régulièrement pendant plusieurs mois pour créer la possibilité des relations sociales visibles à l’écran, mais aussi offrir la confiance nécessaire à ses jeunes acteurs/trices pour obtenir une palette d’émotions à l’écran.

Entièrement tourné en caméra portée par le directeur de la photo Frédéric Noirhomme, à hauteur de Nora, le film en devient totalement immersif dès sa bouleversante ouverture. Du point de vue de la petite fille, l’école est un gros bâtiment gris inquiétant, et son frère le seul point de repère rassurant dans ce nouvel univers, tantôt bruyant lors des récréations, tantôt silencieux dans les classes (on notera d’ailleurs le subtil travail du son qui contribue à l’immersion). Le cadre s’élargit parfois pour montrer la solitude du personnage (lorsqu’il faut prendre la parole en classe par exemple), se concentre pour capter au plus près les émotions qui la traverse, se retourne en caméra subjective pour nous faire découvrir les horreurs auxquelles la petite fille assiste. Un rôle bien dur pour la jeune Maya Vanderbeque, qui a malheureusement elle-même connu de près le sujet du harcèlement scolaire, et qui fait preuve d’une intensité et d’une concentration remarquables. Mais aussi pour Günter Duret, qui joue son frère Abel, principale victime d’un groupe de garçons qui nous paraissent immenses du point de vue de Nora.

À travers les parcours du frère et de la sœur, chacun(e) reconnaîtra forcément des éléments de sa propre enfance : des défis pour gagner l’estime d’un(e) camarade, des moments d’intense solitude au milieu du groupe, des cours de sport en forme de mise à l’épreuve permanente, des renoncements à soi pour se fondre dans la masse. Pour Nora, le conflit de loyauté se joue à plusieurs niveaux : entre son frère qui lui demande le silence et son père qui veut qu’elle lui raconte tout, mais aussi entre sa famille qu’elle aime et ses copines qui jugent aussi bien son père en tant qu’homme au foyer que son frère devenu victime officielle de l’école. Le scénario évite le manichéisme en présentant des adultes qui font ce qu’ils/elles peuvent, du papa très concerné mais impuissant sitôt l’enceinte de l’établissement franchie (Karim Leklou, qu’on n’avait pas l’habitude de voir avec des enfants mais se révèle d’une sensibilité très juste à leur contact), à l’institutrice inquiète et tendre envers Nora (Laura Verlinden). Rien n’est noir ou blanc, chacun(e) a ses moments de lâcheté voire de cruauté et ses élans d’humanité, y compris Nora qui de rébellion en obéissance ou l’inverse apprend peu à peu à se faire confiance (métaphore de la poutre) et à frayer son propre chemin à travers les codes sociaux d’une école primaire.

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