Chéries-Chéris 2021 bis – Mascarpone, Women do cry

Mascarpone

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Antonio tombe des nues lorsque son mari lui annonce qu’il le quitte pour un autre. Le jeune homme doit trouver un toit et un emploi, et surtout se trouver lui-même…

Le duo de réalisateurs Matteo Pilati et Alessandro Guida, accompagné à l’écriture par Giuseppe Paternò Raddusa, s’est heurté à quelques difficultés pour financer ce film, qui a fini par devenir une autoproduction tournée en trois semaines. En effet, pas facile, en Italie comme ailleurs, de vendre l’idée d’un long-métrage ouvertement LGBT+ sur une tonalité autre que le drame. Or Mascarpone se présente sous les atours de la comédie romantique, même si, comme son titre original – Maschile Singolare – l’indique davantage, il est surtout question d’une histoire de quête de soi.

S’il use de passages obligés du genre de la comédie romantique (la rencontre avec un bel inconnu à la salle de sport, une scène de massage, l’intervention de la meilleure amie comme entremetteuse, l’amitié qui dérape vers une relation de sexfriends…), le scénario est cependant assez fin pour les détourner de manière récurrente. On s’attend à une rencontre amoureuse…mais en fait Antonio est marié et fidèle. On pense qu’il va conclure…mais il s’échappe. On imagine que l’homme présenté va avoir un impact dans l’histoire…mais il n’est que de passage. On peut y voir un côté malin qui réussit à nous tenir en haleine, faisant défiler les prétendants en nous laissant pronostiquer lequel sera « le bon ». Mais c’est surtout une façon de ramener toujours le long-métrage à son sujet, qui n’est pas une vraie comédie romantique. L’histoire amoureuse d’Antonio, on le comprend quand il révèle avoir été en couple avec son mari depuis très jeune, est simplement un aspect de son histoire intime. Il s’agit moins de trouver avec qui il veut être, que qui il veut être lui-même.

Et ce parcours, non vers l’autre comme dans une comédie romantique, mais vers soi, est mené avec beaucoup de dynamisme et de chaleur. Les couleurs douces et pétillantes illuminent le métrage, de même que l’atmosphère de la boulangerie et de la cuisine : les mains dans les gâteaux, tout paraît tout de suite moins grave ! Cet arrière-plan culinaire contribue à l’aspect doudou du film, qui use également du personnage de Denis (Eduardo Valdarnini) pour apporter un contrepoint de légèreté et d’inconséquence face à la mélancolie du protagoniste (Giancarlo Commare). En évoluant dans cet univers tendre, accompagné par un usage adéquat de ses musiques classiques ou plus contemporaines, on peut comme le personnage central s’interroger sur nos vies, sur le chemin apparemment tracé pour les trentenaires et les façons d’en dériver : s’installer en coloc, se reconvertir, choisir d’être célibataire, faire de ses ami(e)s des sexfriends… autant de détournements des normes de la famille nucléaire et de la réussite sociale qui s’appliquent ici à la communauté gay mais pourraient tout à fait trouver écho chez les hétéros. Avec son enrobage sucré et son cœur qui sait piquer où il faut, Mascarpone est le petit délice à ne pas manquer de cette édition.

À voir au mk2 Beaubourg vendredi 26 novembre à 9h10 ou au mk2 Quai de Seine mardi 30 novembre à 17h30.

Women Do Cry

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Deux sœurs ont des relations conflictuelles, mais quand la plus jeune craint d’être infectée au VIH, la famille se ressoude autour d’elle…

Avec sa binôme Mina Mileva, Vesela Kazakova embarque ses sœurs dans un film dont l’origine est l’idée de Bilyana (sa jumelle dans le film) d’écrire une œuvre autour de son expérience de dépression post-partum. C’est en effet un des aspects que traite ce film qui s’attache à évoquer une famille presque exclusivement féminine, ce qui permet d’aborder de nombreuses questions liées à la condition des femmes.

En Bulgarie, point de mouvement de colleuses, ce sont les Parisiennes qui ont inspiré aux réalisatrices l’hommage que constitue la typographie du titre et des crédits du film. Ce symbole de sororité représente bien le mouvement qui va rapprocher au cours de l’intrigue des femmes d’une même famille d’abord si éloignées par leur quotidien, leurs opinions, leurs querelles, qu’on ne sait pas lorsqu’on les découvre individuellement qu’elles sont liées par le sang.

Le drame semble survenir dans la famille lorsque la plus jeune est infectée au VIH par son partenaire régulier, qui lui avait caché son statut sérologique en plus de sa condition d’homme marié. Tout le parcours entre l’information du risque et l’annonce de la séropositivité est filmé de façon quasi documentaire et extrêmement prenante voire traumatisante, car on se rend compte que c’est le monde qui s’écroule. Plus tard, la réaction d’un professionnel de santé, totalement abjecte et illégale, prouve à quel point le SIDA peut encore est un critère de discrimination envers les personnes atteintes : pour Sonja, il y a donc un double risque, celui d’une mort physique mais aussi, avant cela, d’une mort sociale.

Mais en réalité, le drame rôde déjà dans cette famille, sous la forme de non-dits et de rancunes. À chaque génération, les sœurs se déchirent et font preuve d’incompréhension mutuelle, ce qui cache un amour prêt à s’exprimer dans la difficulté. La jeune mère fait mine de se plaire dans son rôle de femme au foyer mais est au bord de la rupture face à son bébé que son mari – qu’on ne verra jamais à l’écran – ne vient jamais prendre en charge. Sa jumelle n’accepte pas de la voir sacrifier sa carrière et son indépendance, elle qui en tant que lesbienne a accepté d’être en marge des attentes de la société normée. Et puis il y a l’unique figure masculine, celle d’un grand-père et père honni pour les mauvais traitements infligés à la grand-mère disparue. Comme dans la constitution du pays, donner la vie est un aspect essentiel de la vie des femmes, comme en témoigne les cigognes qui ponctuent le long-métrage, de son ouverture à sa clôture. Elles constituent une forme de porte-bonheur, une autre croyance que celle dans laquelle Sonja se réfugie, une religion quasi-primitive à base d’offrandes dans la forêt.

Très pur et simple dans son traitement à l’image, proche du documentaire, mais fin dans sa narration et son montage qui alterne les histoires jusqu’à les rassembler, Women Do Cry est un film douloureux mais réconciliateur, entre femmes, mais aussi peut-être avec les hommes quand ils savent délaisser leur violence.

À voir au mk2 Beaubourg dimanche 28 novembre à 18h05.

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