« Étreintes brisées » : toi le film que je n’ai jamais vu

Harry Caine, scénariste aveugle, apprend la mort d’Ernesto Martel. Le fils de ce dernier vient lui rendre visite, avec un projet d’intrigue autour de ses mauvaises relations avec son père. Harry se souvient de la façon dont il a perdu la vue quatorze ans plus tôt…

Avec Volver, Almodóvar faisait comme une annonce dans le titre : celle d’un désir de revenir à des éléments marquants de son cinéma (la comédie, le film de femmes). Étreintes brisées lui donne une nouvelle occasion d’opérer un mouvement de retour, cette fois-ci davantage vers le thriller autour d’un triangle amoureux (comme dans La Loi du désir ou En chair et en os) mais aussi, et surtout, vers l’œuvre méta autour du cinéma.

Pour la première fois, cet hommage au septième art n’est pas condensé dans un aspect du cinéma ou une partie du film, mais en constitue la trame principale, puisque la totalité de la partie flashbacks, quatorze ans avant l’introduction, se déroule dans le cadre d’un tournage, et qu’au présent, on suit également les activités de scénariste d’Harry, qui accompagné de son assistante et du fils de celle-ci, passe son temps à chercher des idées et rédiger des projets (on aimerait d’ailleurs voir le résultat du film de vampires envisagé dans un centre de don du sang !).

Et surprise, le film tourné dans le film n’est autre qu’un double d’une précédente œuvre du cinéaste : sous le titre Chicas y maletas, c’est une revisite de Femmes au bord de la crise de nerfs qui se déroule sous nos yeux, avec Penélope Cruz dans le rôle de Carmen Maura. Mais lorsque le réalisateur (Lluis Homar) découvre son film à la télévision des années plus tard, surprise ! Les actrices jouent faux. On imagine le plaisir du cinéaste qui s’est amusé à retourner dans les mêmes décors sa propre œuvre dans une version volontairement mal rythmée, et l’idée est tellement géniale qu’on aimerait en voir plus, au lieu de suivre l’intrigue principale.

Il faut dire que celle-ci tient du thriller assez classique, deux hommes désirant la même femme, dont l’un tenant l’autre par l’argent et le pouvoir. Si la construction avec deux époques distinctes permet de faire languir un peu les spectateurs/trices, on n’en est pas moins rapidement confronté à des évidences, là où l’on aurait apprécié un certain suspense. En dépit de son esthétisme et du charisme de Penélope Cruz, oscillant entre des looks Hepburn ou Marilyn lors des séances d’essayages, la romance n’affole guère, et ce qui touche le plus est la beauté des paysages de Lanzarote (avec une référence à Blow up dans la photo, prise par Almodóvar lui-même). Là où l’on aurait dû éprouver de la tension, on ne ressent qu’une attention polie, puisque l’infirmité d’Harry nous a laissé comprendre depuis le début que l’histoire avait mal fini.

S’il ne peut pas toujours y avoir de victoire de l’amour dans la vraie vie, le cinéma est là pour réparer les torts et faire perdurer le souvenir de la beauté, c’est ce que semble démontrer ce métrage qui a sur le papier beaucoup d’atouts pour séduire, mais qui manque quelque part d’intensité. Peut-être aussi est-ce dû au choix de ses interprètes masculins, qui jamais n’arrivent au niveau de leurs partenaires féminines, incarnant fort bien la jalousie ou la possessivité, mais moins les sentiments positifs.

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