Philippe et son frère aîné tiennent une radio pirate dans les années 80. Au lendemain de l’élection de Mitterrand, Philippe est appelé au service militaire…
Pour son premier long, Vincent Maël Cardona s’offre une sélection à la Quinzaine des Réalisateurs et le Prix d’Ornano-Valenti de Deauville. Un joli doublé pour un joli film, qui aurait pu faire craindre de tomber dans le déjà vu avec ses premières images en noir et blanc au moment de l’élection de Mitterrand, un poncif de ces dernières années au cinéma. Pourtant, rapidement, le scénario nous emmène ailleurs grâce à la voix off du narrateur qui nous explique qu’il ne s’intéressait pas à la politique. C’est moins le portrait d’une génération comme dans Des lendemains qui chantent que celui d’un jeune homme, incarné par Thimotée Robart, qui séduit par son côté rêveur et en retrait par rapport à son aîné Jérôme (Joseph Olivennes). Alors que son frère enchaîne les frasques, boit comme un trou, s’engueule avec son père, Philippe se satisfait d’être dans son ombre et d’apaiser les choses. Mais quand Jérôme se met en couple avec Marianne (Marie Colomb), Philippe s’éprend de la jeune coiffeuse et les problèmes commencent. D’autant que sur ces entrefaites, le jeune homme doit partir pour l’armée. L’occasion, sans entrer tellement dans le détail de la vie militaire, de subtilement faire ressentir la distance entre Philippe et les autres. La masculinité est présentée comme un idéal problématique, les « mâles alpha » étant dénigrés dans leur volonté de paraître toujours forts, de ne connaître comme émotion visible que la colère. On le voit autant dans les quelques plans des chambrées militaires que dans la propre famille du protagoniste où les mêmes règles sont à l’œuvre. Un mec, ça gueule, ça ne pleure pas, ça ne dit pas que ça va mal.
Pendant ce temps, Philippe, lui, tente de trouver une façon élégante de répondre à la déclaration que Marianne a subtilement glissée sur une cassette au milieu de morceaux de groupes allemands. Ses deux amours s’entremêlent lorsque son nouvel ami le pistonne pour un poste à la radio : Philippe peut enfin retrouver sa passion d’adolescence mais aussi une façon de transmettre son message personnel. La scène du happening audio est particulièrement réussie dans son mouvement visuel, ses gros plans sur les mains qui s’agitent, et son résultat sonore, quelque part entre un travail de DJ et de la musique à la John Cage. Sur l’aspect musical, et la façon dont les jeunes des années 80 et suivantes ont pu apporter du sang neuf, Les Magnétiques fait penser à Eden, en plus réussi car plus fictionnalisé, moins redondant et plus tendre.
On s’attache à Philippe, justement parce qu’il n’en dit pas trop, ne fait pas d’esbroufe, admet sa sensibilité et ses failles. Mais aussi parce que, malgré tout, il ne veut rien lâcher : ni son amour pour Marianne bien qu’elle soit déjà prise, ni son affection à la fois pour son frère et son père, ne prenant jamais parti dans leur conflit, ni son rêve de radio qu’il peine à exprimer. Ce parcours sensible parvient à émouvoir et à sonner nouvellement, quand bien même les coming of age de cette période pullulent déjà. Vincent Maël Cardona trouve aussi comment sublimer à l’écran la province, non pas dans ses beaux paysages ruraux mais dans ses petites villes vieillottes, qui prennent une autre dimension nocturne à la lueur des phares. Trouver la beauté dans le plus banal, faire jaillir la lumière du plus discret, c’est tout le succès de ce premier long.
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