« Amants » : pour tout le reste, il y a Mastercard

Simon et Lisa s’aime depuis l’enfance. Alors que la jeune femme étudie en école hotellière, son compagnon subvient à leurs besoins en dealant. Il sympathise avec un gros client qui les invite à des dîners…

Après l’adaptation Mal de pierres, Nicole Garcia retrouve son comparse Jacques Fieschi à l’écriture pour un thriller amoureux sombre. D’emblée, en dépit de l’amour passionné que se portent Lisa et Simon, les protagonistes, la menace plane sous la forme d’une photographie où la couleur tend au noir et blanc avec un panel de nuances de gris bleuté, qui s’inscrit dans les décors (murs peints en anthracite dans l’appartement que le couple occupe) et les vêtements (Lisa porte un uniforme noir et blanc ou un pull gris bleu). On est loin de l’esthétique traditionnelle de la passion avec ses couleurs chaudes et sa flamboyance.

Pourtant, il ne faut pas croire que le rendu soit glauque : l’image est magnifique et sublime à l’écran le couple crédible et glamour incarné par Stacy Martin et Pierre Niney. Mais leur passion semble d’autant plus touchante qu’on la sent fragile et menacée. La menace, elle aussi, est sans couleur : c’est la poudre blanche dont le jeune homme tire ses revenus et qui lui fait courir des risques bien plus grands que ceux qu’il imagine. Alors qu’il semblait vivre en quasi-autarcie, le couple accepte de s’ouvrir à l’amitié offerte par un bon client de Simon, Pierre Henri (Christophe Montenez, qui pour le cinéma laisse de côté le côté maniéré de son jeu théâtral). Le premier chapitre parisien de l’intrigue se clôture sur un drame qui fait voler en éclat la routine du jeune couple et cause une séparation aussi brutale qu’involontaire.

Un chapitre nouveau s’ouvre plusieurs années plus tard dans un nouveau décor. Direction l’île Maurice et une recrudescence de couleurs qui peut laisser penser que l’aspect sombre du récit est derrière nous. Mais celui-ci a d’autres moyens de recréer du drame. On commence alors à s’interroger sur le sujet du métrage. Le titre laisse penser à une histoire d’amour, possiblement adultérine, mais qui serait ici traitée moins du point de vue du vaudeville que du drame et du poids du secret et de la double vie. On pourrait aussi voir dans les retrouvailles inopinées de Lisa et Simon une réflexion sur le hasard qui nous guide vers les coïncidences les plus improbables.

Mais à mesure que le film se déploie, nous invitant à Genève et à une retour au nuancier de gris initial, et que l’étau semble se resserrer autour du jeune couple, avec une opposition frontale entre le personnage de Pierre Niney et celui de Benoît Magimel, dont chaque action ou réplique paraît avoir pour visée de nous le rendre un peu plus antipathique, la thématique amoureuse est de plus en plus corrélée à un autre sujet. On peut même se demander à quel point c’est conscient dans le scénario et la mise en scène, qui cherchent toujours à faire éclater la passion et à tendre comme un arc les rapports humains, menant inéluctablement au pire. Mais derrière les motivations amoureuses, chacun(e) des pointes du triangle amoureux n’est qu’un(e) égocentrique obsédé(e) par la possession. Celle de l’autre comme « conquête » amoureuse qu’on refuse de perdre, mais aussi celle d’un statut financier.

En effet, depuis le début, c’est la quête de l’argent qui détruit le couple, le pousse à prendre toutes les mauvaises décisions et à se mettre en péril. Mais par la suite, et le personnage de Stacy Martin ira le formuler très explicitement, l’argent devient indissociable des relations humaines, primordial même dans les choix amoureux des personnages. C’est lui qui complexifie et gâche toute possibilité de bonheur. Vivre « d’amour et d’eau fraîche » n’aurait-il pas été possible ? Conditionné(e)s par leurs normes sociales – ou par celles des auteur/trice du film –, les protagonistes n’envisagent jamais cette option, produisant une œuvre tendue et tragique où l’on ne peut acheter ni le bonheur ni d’échapper au pire.

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