Prisoners of the Ghostland
Alors que sa favorite Bernice a disparue, le Gouverneur fait appel à un criminel emprisonné pour tenter de la retrouver et la ramener. Pour être certain qu’il n’agresse pas la jeune femme et ne s’enfuie pas, il est enfermé dans une combinaison munie d’explosifs…
Les Utopiales présentait le nouveau film d’un de ses grands habitués, Sono Sion, Prisoners of the Ghostland, très attendu pour la participation surprenante de Nicolas Cage. Initialement prévu pour être tourné en Amérique, il a finalement été réalisé au Japon en raison de la santé du cinéaste. Mais c’est un monde imaginaire qui nous est présenté, à mi-chemin entre celui des samouraïs et des geishas ou celui des westerns.
Dans cet univers violent, le pouvoir officiel est aux mains du Gouverneur, homme blanc habillé de blanc et coiffé d’un chapeau faisant de lui la figure emblématique de l’impérialisme américain. Le colonisateur a pour lui une armée de combattants aux sabres qui donnent lieu à des scènes de combat chorégraphié dont on aurait pu espérer un peu plus de grand spectacle. Il est également entouré de ses « petites-filles » qui semblent en réalité constituer une sorte de harem, même si leurs rapports ne sont jamais concrètement explicités à l’écran. Parmi elles, la jeune Bernice, incarnée par une Sofia Boutella malheureusement sous-exploitée dans ses capacités de scènes d’action, qui s’enfuit pour tomber de Charybde en Scylla. Car une forme de contre-pouvoir tout aussi violent règne sur une partie de cet univers, dominée par une immense horloge comme un rappel de l’accident nucléaire qui a condamné cette partie de la population à l’ostracisme. Dirigé par une sorte d’avatar de Freddy Krueger au visage ravagé, ce groupe rappelle fortement l’univers de Mad Max, mais ce n’est pas la seule référence du métrage, qui fait feu de tout bois entre ses lectures d’œuvres classiques à voix haute et des allusions shakespeariennes.
Au milieu de tout cela, Nicolas Cage surjoue encore plus qu’à l’ordinaire en criminel repenti qui voit partout l’enfant abattu par son complice de braquage des années plus tôt, et se sent une étrange responsabilité envers Bernice. Son costume explosif donne lieu à quelques scènes comiques attendues, mais on se demande tout de même un peu ce que ce personnage vient faire au sein de cet univers, tant l’explication, tardive, des liens entre les personnages paraît forcée.
On ne sait pas très bien ce que Sono Sion a voulu proposer avec ce film, une réécriture de Mad Max à sa sauce, un pamphlet contre l’impérialisme américain, un film d’action débridé où la violence sert le comique, mais l’ensemble manque de liant et donne lieu à une sorte de gloubiboulga criard et bruyant qui épuise sans qu’on y trouve du sens.
Mondocane
Dans une Italie dévastée par la crise, deux jeunes pêcheurs orphelins tentent d’accéder à une vie plus palpitante en se faisant recruter par un gang local, les Fourmis. Mais la différence de tempérament entre Pietro « Mondocane » et Cristian « le Pisseur » risque de les séparer…
Premier long d’Alessandro Celli, qui n’a à ce jour pas trouvé de distributeur en France, Mondocane mérite pourtant le détour et le visionnage sur grand écran. Rares sont les films de genre de cinéma italien contemporain qui parviennent jusqu’à nos salles, et c’est bien dommage comme le prouve celui-ci. Dans un univers noir et violent, où l’industrie a causé des dommages écologiques et économiques qui a causé la ségrégation de la zone dite « de l’aciérie », des gangs tiennent la région et font la loi. Notamment celui des « Fourmis », dirigé par Testacalda, un Alessandro Borghi aux faux airs de Tom Hardy, qui recrute pour commettre ses forfaits des petites mains de plus en plus jeunes.
C’est ainsi que deux jeunes ados, Pietro et Cri, vont se retrouver confronter à une violence bien trop prononcée pour leur âge. Très ancré dans le décor des Pouilles, avec ses villages de pêcheurs traditionnels et ses plages découpées, le film confronte un naturalisme estival solaire et un côté dystopique autour des Fourmis. La photographie de Giuseppe Maio excelle aussi bien dans les deux aspects, l’ombre et la lumière, et réussit à créer du lien entre les deux ambiances autour des jeunes personnages.
Comme dans L’Amie prodigieuse (dont on retrouve la jeune actrice Ludovica Nasti, toujours aussi fascinante), il y a le blond (Dennis Protopapa) et le brun (Giuliano Soprano), deux amis d’enfance qui bien qu’ils paraissent proches vont évoluer différemment dans ce nouvel univers. Rares sont les exemples au cinéma d’amitié masculine qui ne soit pas présentée comme une forme de rivalité ou d’entretien d’une masculinité toxique. Ici, dès la scène d’ouverture, on voit bien qu’il existe une forme de tendresse entre les deux personnages, Pietro prenant soin de son camarade qui souffre de crises d’épilepsie régulières, avec une douceur remarquable pour un jeune homme. C’est cette nature capable d’empathie qui va causer la méfiance de Testacalda, qui cherche à le mettre à l’épreuve en le forçant à tuer.
Il y a dans ce récit d’apprentissage dans un monde cruel une forme de continuation d’une tradition à la Dickens, qui nous prend aux tripes et nous fait espérer en dépit de tout un futur meilleur pour les personnages. Bien interprété, bien tenu dans sa narration autant que dans son esthétique, Mondocane est la bonne surprise du festival, qui repart avec une mention spéciale du jury.
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