« Attache-moi », resserre-les liens

Ricki, orphelin, s’est pris de passion pour Marina, actrice porno qui tente de faire une carrière dans un cinéma plus mainstream. Pour lui avouer son amour et la convaincre qu’il est fait pour elle, il la séquestre…

Après le quatuor féminin de Femmes au bord de la crise de nerfs, Almodóvar trouve une nouvelle muse en la personne de Victoria Abril, qui avait refusé un rôle sur son film précédent. Mais dans Attache-moi elle tient le rôle principal, qui lui permet de déployer une certaine palette de jeu au travers une situation qui porte un nom en psychologie : le syndrome de Stockholm.

Bien qu’elle professe de ne jamais éprouver d’amour pour son ravisseur, on peut se douter que cette assertion va être remise en question, selon ce sentiment pathologique d’attachement d’une victime à la personne qui la séquestre. Cette situation a fait l’objet d’autres œuvres et tourne souvent autour de l’aspect malsain et dangereux qu’elle comporte, l’associant à des genres tels que le drame ou le thriller.

Mais Almodóvar le traite avec ses propres règles et ses propres armes. Un univers fantasque et coloré qui associe réflexion méta sur le cinéma, comme dans La Loi du désir, et grand appartement aux teintes chatoyantes comme dans Femmes au bord de la crise de nerfs. Toutefois, aussi improbable que cela puisse paraître au vu de la situation, l’appartement n’est pas l’unique décor d’une intrigue faite d’allées et venues entre le dedans et le dehors. Le mal de dents de Marina oblige Ricki, désireux de démontrer son caractère serviable, à courir lui chercher tout ce qui peut la soulager, de cabinet médical en pharmacie en passant par un repaire de junkies.

Le personnage d’Antonio Banderas rappelle dans ses débuts celui d’un Dupontel dans Bernie : gamin grandi sans famille, d’institution en institution, rebelle aux normes sociales, qui ne perçoit pas son comportement comme déviant. Pour Ricki, séquestrer Marina n’est qu’un moyen d’apprendre à faire connaissance, et il ne fait nul doute que sa belle va s’éprendre d’un tel prétendant.

Là où le film surprend, c’est moins dans son esthétique ou ses quelques péripéties, qui jamais ne causent vraiment de crainte pour ses protagonistes, que dans l’aboutissement de l’intrigue. Paradoxalement, on tient là un des films les plus optimistes du cinéaste espagnol, avec un sous-texte sur la constitution d’une famille choisie, fondée sur les élans du cœur plus que les liens du sang. On peut tout de même s’interroger sur le destin de son personnage féminin, ancienne actrice de porno qui recherchait une forme d’émancipation dans un cinéma plus grand public, et se retrouve coincée entre l’obsession que lui voue un vieux réalisateur ou celle d’un jeune déséquilibré. Pieds et poings liés, bâillonnée, est-ce ainsi que Marina trouve un accès à l’épanouissement et au bonheur ? Il est des provocations plus réussies que d’autres, et Attache-moi, en dépit de l’abattage de ses interprètes, reste mineur dans la filmographie de son réalisateur.

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