« Leur Algérie » : on s’est marié comme on se quitte

Mabrouk et Aïcha se séparent. Leur petite-fille Lina décide de filmer leur installation dans des appartements séparés de la même résidence et de les interroger sur leur vie commune, de l’Algérie à la France…

Movie Challenge 2021 : un film évoquant un divorce

Lina Soualem raconte le choc vécu lors de son premier voyage en Algérie, dans le cadre de ses études. Elle se rend compte qu’elle ne connaissait que peu de choses de ce pays et n’a jamais vraiment entendu de récit de la part de ses grands-parents, originaires de Laaouamer.

Lorsque le couple divorce, c’est la fin d’une époque que Lina consigne caméra au poing, interrogeant chacun(e) sur ses sentiments, ses envies et ses souvenirs. Son grand-père Mabrouk, assez taiseux, peine à s’exprimer sur ses émotions. Il semble s’accommoder d’une séparation qui le laisse « tranquille », mais on voit au quotidien son ex-femme venir lui préparer à manger et continuer à s’occuper de ses tâches ménagères, soulignant son incapacité à vraiment faire face à un changement qu’il n’a pas initié. Sa grand-mère Aïcha fait preuve de plus d’enjouement, évoquant sa liberté retrouvée pour profiter « du temps qui reste », même si elle souffle de devoir traverser la cour en hiver pour aller rendre des services à son ex-mari.

Petit à petit, au gré des cassettes de caméscope datant de la prime enfance de Lina retrouvées par son père Zinedine Soualem, qu’elle interroge aussi sur la séparation de ses parents et ses propres souvenirs d’enfance, la jeune fille remet en perspective ses images de mariage d’une tante, « à l’algérienne », au point qu’elle avait construit le souvenir que la cérémonie s’était déroulée là-bas, et non à Thiers.

Les questions se font alors plus orientées sur le départ, l’arrivée en France, l’emploi à la coutellerie locale, dont il ne reste qu’un musée. Par des phrases courtes, maladroites, le grand-père évoque la douleur d’un arrachement aux siens et à sa terre, l’installation provisoire qui a duré, l’emploi des Algériens comme main d’œuvre facile, la guerre qui creuse un fossé impossible à combler en rentrant au pays. La grand-mère, entre deux rires de gêne, les mains cachant son visage, transmet l’image d’un mariage arrangé avec un homme qu’elle n’avait jamais rencontré, et qu’elle n’a jamais eu le loisir de se poser la question d’aimer.

Les Soualem incarne une histoire plus large qu’eux, celle d’une communauté largement installée dans la région de Clermont-Ferrand, qui se réunissait aux événements tels que les mariages et constituait un genre de filet de sécurité pour les nouveaux arrivants. Mais Mabrouk remarque, attristé, que « des vieux », il n’en reste presque plus…

Avec beaucoup de sensibilité et de pudeur, et des moyens très réduits qui donnent au film un aspect d’authenticité presque amateur, Lina Soualem offre à sa famille l’opportunité de laisser un témoignage de leur histoire, singulière parmi tant d’autres qui lui ressemblent.

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