« Gaza mon amour » : l’amour dans ses filets

Issa, pêcheur de son état, a repéré au marché Siham, couturière. Il voudrait la demander en mariage, mais sa sœur ne l’entend pas de cette oreille et veut sélectionner pour lui une épouse convenable. Issa pêche par hasard une statue antique d’Apollon…

Les jumeaux Nasser poursuivent leur œuvre de mise en lumière de la vie quotidienne de Gazaouis avec ce film tout en délicatesse qui s’attache à détourner les attentes. Oui, on peut faire un film sur le quotidien des Palestinien(ne)s sans mort sous les bombes. Oui, on peut éviter de parler directement du conflit avec Israël sans occulter pour autant ses conséquences pratiques sur la vie de tous les jours. Oui, on peut écrire un scénario de comédie romantique autour de personnes modestes de plus de cinquante ans.

Cela fait beaucoup de clichés à démonter, mais le tandem s’y attelle avec l’appui au scénario de Fadette Drouard (qui avait déjà apporté, entre autres, sa coopération sur Papicha). L’intrigue s’appuie avant tout sur le protagoniste, Issa (Salim Daw), qui permet à la fois de faire sourire le public et de l’attacher à l’histoire. En effet, Issa est un homme au caractère bien trempé, qui n’a pas peur de faire le malin fasse à la police du Hamas, remet sa sœur à sa place quand elle cherche à décider de sa vie pour lui, et tient à ses habitudes et manies (par exemple son parfum bon marché alors que son ami lui en propose un plus haut de gamme). Mais dès qu’il se retrouve en situation de devoir séduire la femme qui lui plaît, il perd de sa superbe et devient tout perdu, regardant ses pieds et ne parvenant pas à terminer ses phrases. Ce décalage le rend attendrissant mais aussi amusant, et l’acteur parvient à combiner avec finesse ces différents aspects de la personnalité du protagoniste.

Face à lui, Hiam Abbass est moins présente à l’écran mais tout aussi marquante avec ce personnage de femme digne qui mène une vie traditionnelle, vendant des tuniques et djellabas, alors que sa fille revenue vivre chez elle après un divorce s’habille à l’européenne, ce qui ne manque pas de faire jaser. Elle aussi se voit poussée par son enfant à se remarier, ce qui la met a priori en condition d’étudier la demande d’Issa.

Sauf que celui-ci se retrouve empêché dans sa conquête par… Apollon. La statue repêchée accidentellement dans ses filets rappelle celle de Call Me By Your Name, mais ici, au lieu d’être un adjuvant dans le rapprochement, le dieu grec est un opposant qui envoie Issa au commissariat. L’attitude peu flexible et compréhensive des policiers, qui semble fonder les arrestations sur les humeurs des représentants de l’ordre plus que les lois, constitue une certaine pique au Hamas. Et une certaine partie de l’anatomie de la statue donne l’occasion de les faire tourner en bourrique.

En dépit d’une photo très grise et d’éléments comme les coupures d’électricité, les reportages télé ou la fascination pour la roquette, qui rappellent la dureté du contexte, Gaza mon amour réussit à transmettre une certaine tendresse, notamment grâce à ses choix musicaux (la délicieuse valse en la mineur n° 19 de Chopin, un classique qui fonctionne à tous les coups) et à ses plans en contre-plongée qui grandissent les personnages, en faisant les héros/ïnes de leur quotidien, bien déterminé(e)s à prendre en main la suite de leur vie.

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