Contraint de quitter son squat, Tralala traîne sa guitare à la gare Montparnasse, où il croise une jeune fille qu’il prend pour la Vierge Marie. Il se rend à Lourdes pour la retrouver et tombe sur Lili, qui voit en lui son fils Pat…
Les frères Larrieu se sont senti pousser les ailes d’un Jacques Demy pour retourner dans leur Lourdes natale et, telles les demoiselles de Rochefort, écrire l’histoire d’une jeune fille en bleu, humaine (ou divine ?) apparition qui entraîne à sa suite un Parigot paumé. La comédie musicale est un genre en vogue, en a-t-on déjà vue débarquer davantage sur nos écrans qu’en ces quelques mois d’ouverture des salles en 2021 ? Et si d’aucunes se sont nettement démarquées (on pense à Summertime), d’autres ont tenté de maintenir un équilibre bien trop précaire entre premier et second degré. C’était l’écueil dans lequel Carax s’affalait avec Annette, piégé entre son sarcasme envers l’industrie musicale et sa volonté de faire pleurer dans les chaumières.
C’est à peu de choses près le même souci qui rend ce Tralala si affreusement bancal. Encore une fois, la base d’une comédie musicale réussie, ce sont des bonnes chansons. Des textes signifiants, bien tournés, qui font avancer l’intrigue mais permettent aussi de mieux connaître les personnages, leurs états d’âme, leurs enjeux. Ainsi dans la remarquable Sur quel pied danser apprend-on que l’héroïne rêve d’un CDI après une vie de petits boulots ou que le routier s’imagine déjà sur les routes américaines. Ici, les textes sont, pour la plupart, des rengaines extrêmement répétitives bardées de rimes pauvres (quand on en vient à faire rimer beau avec beau et haut avec…haut), où les mêmes termes sont agencés dans tous les sens comme pour se donner un air intelligent. On ne peut pas dire que les mélodies soient particulièrement marquantes ni les orchestrations impressionnantes (on n’est certes pas chez un Justin Hurwitz), c’est surtout le texte qui prédomine, les mots comme mâchés laborieusement par un Amalric de tous les tableaux, que le ridicule n’arrête jamais. C’est d’autant plus décevant que de grands noms se sont réunis pour composer et écrire les parties chantées du métrage, de Dominique A à Jeanne Cherhal en passant par Étienne Daho, mais en grande majorité Philippe Katerine. Sauf que ce qui énoncé par lui-même paraît d’un second degré parfois désopilant, tombe totalement à plat du fait des interprétations très premier degré à l’écran.
Aucun(e) acteur/trice ne s’en sort vraiment avec cette partition rocambolesque, dont la trame narrative n’est pas le souci, car après tout, un homme pris pour un autre qui doit se dépêtrer de son mensonge et de sa nouvelle « famille », ce n’est pas une mauvaise idée pour une comédie. Mais si l’on rit, c’est nerveusement, de la chorégraphie bizarroïde imposée à Mélanie Thierry (dont on sait pourtant le talent, répétons que ses prix pour La Vraie famille nous paraissent très mérités), de Bertrand Belin qui se prend pour Clint Eastwood mais ne sait absolument pas jouer, de l’aspect prévisible de la révélation apportée par Maïwenn, des deux lascars en route pour l’Australie avec leur duo de danseur/euse sorti(e)s de nulle part, des basses lancinantes qui finissent par nous filer la migraine, de l’instant où Jalil Lespert tombe le masque pour un couplet hautement gênant.
Certes, il y a un effort esthétique, dans la photographie, les couleurs, la mise en valeur de la ville de Lourdes, dans ses spécificités liées au tourisme religieux, dans l’éventail des bleus qui contaminent l’écran, dans les chorégraphies d’ensemble. Et, sur la fin, quelques titres qui n’ont pas été écrits pour l’occasion, viennent relever grandement le niveau, et laisser penser à la fois que le film a fait exprès de nous servir des textes dignes d’un élève de CE2 pour montrer l’évolution de ses personnages, et que s’il s’était abstenu de cette volonté de paraître plus intelligent que ses protagonistes, il aurait pu produire un résultat émouvant, comme ce duo sur « Le mot juste ». Mais c’est trop tard, il y a bien longtemps qu’on a décroché des aventures de ce Tralala, fantoche grotesque que l’on n’a jamais eu envie de suivre.
Voilà un film qui ne me tentait déjà pas des masses (j’aime pourtant découvrir de nouvelles comédies musicales, bien que j’en regarde finalement peu), mais là… Si je le vois, c’est qu’il sera en train de passer à la télé (que je ne regarde déjà pratiquement plus) et que j’aurais la flemme de zapper. Triste à dire, parce que sur le papier, que ce soit le casting ou les auteur·rices pour les chansons, ça donne envie. Mais le papier ne suffit pas.
Oui moi aussi sur le papier ça me tentait mais alors le résultat…