« Mon légionnaire » : famille d’arme ou famille de sang

Nika vient vivre en Corse pour suivre Vlad, son fiancé engagé dans un régiment de la légion étrangère dirigé par Maxime. L’épouse de ce dernier, Céline, engage Nika comme baby-sitter…

Après un premier long remarqué, le très chouette Baden Baden, Rachel Lang revient au cinéma avec un sujet qu’elle maîtrise : la vie militaire. Elle-même lieutenant réserviste, la réalisatrice choisit de s’attaquer à une branche particulière de l’armée puisqu’elle situe son scénario au sein d’un régiment de la Légion étrangère. Une unité réputée pour l’exigence de son engagement et le danger de ses missions, mais aussi qui a alimenté beaucoup d’histoires et de fantasmes sur le passé de ses soldats de toutes nationalités.

Mais ce n’est pas le propos du film, qui prend les personnages là où ils en sont sans s’attarder sur leur vécu en amont. On ne sait pas comment les couples se sont rencontrés, quelle a été leur vie avant, ce qui a conduit les hommes à s’engager en particulier dans ce corps de l’armée. Le scénario s’inscrit dans une forme de quotidienneté dans un présent immédiat, où les ellipses nous font passer sans ménagement d’une scène de dialogues entre épouses au champ de bataille sous le feu des balles.

Au cœur de l’intrigue, deux couples dans des situations bien différentes. Nika et Vlad ne sont pas encore mariés et le jeune homme a clairement affirmé qu’il ne voulait pas d’enfants. Pour la jeune femme, l’amour est la raison d’un déracinement qui l’entraîne en Corse où elle se retrouve seule et désœuvrée, sans autre but qu’attendre les permissions de son légionnaire (le titre du film renvoie au tatouage qu’elle se fait faire en bas des reins). Au contraire, Céline (Camille Cottin) et Maxime sont mariés depuis des années et parents d’un petit garçon. Ils ont déjà l’expérience de la distance et des angoisses liées aux missions, mais l’habitude ne rend pas forcément les situations plus simples.

Dès le premier plan, la caméra suit les femmes, et en particulier Nika. La jeune Ina Marija Bartaité, hélas tragiquement disparue cette année, irradie à l’écran, avec un mélange de juvénilité candide et de détermination. On ne peut que prendre fait et cause pour son personnage, et ainsi constater l’impossibilité d’être heureuse en compagnie d’un homme auquel l’armée donne une occasion de canaliser une violence qui s’exprime à domicile. Taciturne, sans tendresse, incapable de dialoguer, Vlad fait figure de repoussoir dans son attitude envers sa fiancée. Maxime (Louis Garrel) est plus nuancé, et ses conversations avec les ami(e)s du couple lui donnent la stature d’un chevalier blanc plein de bonnes intentions. Il n’empêche, même si le sujet n’est pas creusé, le questionnement sur le bien-fondé des opérations militaires est présent, que ce soit dans la bouche de personnages secondaires ou lorsque les légionnaires constatent l’extrême jeunesse des ennemis qu’ils combattent.

Si les scènes d’action ont tendance à ennuyer, sans doute aussi parce que les personnages masculins sont peu attachants, les scènes domestiques et en particulier les conversations entre les femmes ont un intérêt sociologique, qui va au-delà des clichés qu’on pouvait observer dans un Singing club. Les pressions sont multiples pour entrer dans le moule de la parfaite compagne de légionnaire, qui fréquente le « club des épouses », fait des enfants à son homme, évite les fréquentations qui pourraient faire jaser. Un vie « sous cloche » dont les avantages sont bien minces et que les protagonistes féminines remettent en cause chacune à leur niveau. On aurait adoré que Rachel Lang aille plus loin et assume une vraie critique de l’institution, mais à défaut, le métrage a le mérite de dévoiler l’incompatibilité fondamentale entre la vie de la légion et la vie de famille.

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