Un jeune étudiant en droit, logé dans un studio du Passage de l’Union payé par son père, observe un homme qui semble regarder chez lui. Quelque temps plus tard, il le recroise et apprend qu’il s’agit d’un écrivain…
Professeur de droit et ancien avocat, Christophe Jamin se lance dans une entreprise romanesque avec un personnage qui pourrait être une forme de miroir : un étudiant en droit dans les années 80, qui profite de la vie parisienne et du plaisir de flâner dans les rues, de nuit, entre des soirées passées à refaire le monde chez sa cousine et des journées au tribunal, absorbé avec fascination dans les procès de faits divers.
Dans ce Paris romanesque, on croise des écrivains en bas de chez soi par ce qui semble d’abord un hasard improbable. S’il n’est jamais nommé, on reconnaît au fil des pages dans la figure mystérieuse l’ombre de Patrick Modiano, dont les œuvres telles que Dora Bruder ou Voyage de noces sont citées. L’hommage n’est pas seulement dans la présence du romancier comme un personnage clé du récit, mais aussi dans le style même de l’œuvre, qui reprend des codes chers à l’auteur nobélisé. Une atmosphère vaporeuse, des personnages qui la plupart du temps ne sont pas nommés, des disparitions, un parfum de mystère et une plongée dans les années 40 à la recherche d’une jeune fille disparue constituent des points de raccord non négligeable avec Modiano, au point qu’on se demanderait presque si Christophe Jamin n’est pas qu’un nom de plume.
Au-delà de l’ambiance particulièrement réussie, le récit nous embarque dans une enquête inédite alors que l’avocat se voit confier le cas d’un client, oiseau de nuit qui a fini par descendre un type qui lui avait fait interdire l’accès de ses lieux de sorties de prédilection. Jugé pour meurtre, l’homme se repose en partie sur son frère pour le soutenir, lui-même associé à des activités peu nettes, et mentionne une sœur disparue dans des circonstances troubles liées à la Seconde Guerre mondiale. Et comme par hasard, Modiano est là au procès, avec des informations capitales pour l’avocat…
Aussitôt, la machine s’emballe, à mesure que se superposent les figures de Dora Bruder et de la sœur disparue, et que le présent semble un dédoublement des années 40. Il faut remonter dans le passé pour tenter de comprendre à quel point tout est lié : la disparition, le meurtre, les activités du frère, et même le studio que le narrateur a occupé dans sa jeunesse, Passage de l’Union… En s’engouffrant dans une station de métro la nuit, des secrets pourraient bien lui être révélés s’il accepte de mettre sa rationalité de côté. On se croirait dans un Minuit à Paris à l’envers, avec une bascule temporelle aussi surprenante que bienvenue pour faire évoluer le récit vers une autre dimension, plus fantastique et historique.
Déroutant dans son style et ses procédés narratifs pleins de surprise, ce petite roman de Christophe Jamin à la manière de Modiano devrait séduire les fans du maître discret, et donner à d’autres l’envie de se plonger dans son œuvre.
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