1 mois, 1 plume, 1 œuvre : Normal People (août 2018) par CillyKarma

1 mois, 1 plume, 1 œuvre : le dernier dimanche de chaque mois (exceptionnellement le dernier jour du mois pour cause de festival ce mois-ci), un(e) invité(e) vient évoquer une œuvre (livre ou film) sortie ce mois-là… d’une année de son choix.

La plume

CillyKarma, alias Léa, officie dans plusieurs disciplines artistiques. On peut retrouver ses analyses croisées cinématographiques dans la rubrique « Paillettes, panique et ciné » chez Fucking Cinéphiles où elle publie également des critiques de films. Par ailleurs, elle aime aussi la lecture, la danse et la musique. On peut entendre sa jolie voix dans des covers disponibles sur Youtube.

L’œuvre 

Normal People: One million copies sold (English Edition) eBook : Rooney,  Sally: Amazon.fr: Boutique Kindle

Si vous traînez un peu sur les chaînes « booktube » anglophones, il est impossible à louper : le roman Normal People de Sally Rooney, sorti en août 2018, est de tous les tops, de toutes les vidéos favorites, de toutes les listes pour se sortir d’un « reading slump » (c’est-à-dire une longue période où l’on n’arrive plus à se mettre à la lecture). Si vous traînez aussi sur les Internets sériephiles, vous verrez passer l’adaptation par Hulu un peu partout dans les conseils de séries romantiques et des GIFS de Marianne et Connell à n’en plus finir.

Pourquoi cette hype donc ? Et est-elle méritée ? Je vais tenter de répondre d’une manière forcément subjective et personnelle : oui, et mille fois oui. Normal People est un livre qui se dévore en quelques heures, à la fin de l’été comme pendant une journée pluvieuse d’automne, un livre compagnon dont les enjeux restent longtemps en tête. On y suit l’histoire sur plusieurs années de deux personnages, Marianne et Connell donc, de leur adolescence pendant leur dernière année de lycée à leur troisième année universitaire au Trinity College de Dublin. Entre amour, amitié et non-dits, leur rapport sera exploré sous toutes les coutures, aussi bien celles des sentiments contrariés que celles de la classe sociale et de leurs aspirations divergentes.

C’est d’abord dans sa forme que Normal People se distingue : l’écriture est ciselée et concise, rapide à suivre, aussi bien en version originale que dans la traduction de Stéphane Roques en français. On virevolte d’une phrase à l’autre dans l’action et dans les pensées des personnages. Les dialogues sont intercalés dans le texte de manière subtile, comme si les états d’âme et les paroles à voix haute se confondaient. L’un des thèmes du livre est en effet la communication, ou plutôt comment ne pas réussir à communiquer, et l’écriture suit cette logique en proposant des chapitres courts avec beaucoup de parties dialoguées.

Le roman se démarque aussi par la complexité de ses thèmes, avec tout un discours sur le contexte économique irlandais post-2008, et la classe sociale affectant profondément les rapports entre les deux personnages principaux. Marianne n’était certes pas populaire au lycée, mais elle vient d’une famille très riche lui permettant de ne pas travailler pendant ses études, alors que Connell, fils d’une employée de ménage, doit constamment réfléchir à comment financer son appartement dublinois. Cela occasionne de nombreuses incompréhensions entre eux, tout comme avec leurs groupes d’amis respectifs. L’amour n’est pas que sentimental, il peut se révéler parfois durement matériel. Sally Rooney incorpore également un discours politique sur le marxisme et le progressisme, naturellement intégré aux préoccupations estudiantines de nos héros.

Le monde étudiant est d’ailleurs particulièrement bien retranscrit, au moins à mes yeux d’ancienne étudiante en sciences politiques (comme Marianne) ayant fait une année en Irlande. Les fêtes, les vacances entre amis, les soirées entrecoupées de sessions d’étude en bibliothèque et d’angoisse avant les examens forment un cadre réaliste pour cette histoire d’amour. L’autrice explore ainsi cette relation à la fois très contextuelle à son cadre d’écriture, comme universelle dans la force des sentiments présentés.

Marianne et Connell sont des personnages complexes, pas toujours défendables, pris dans le poids des conventions et dans les pièges de leur propre ego. Pour autant, ils savent s’aimer d’une façon inconditionnelle, prendre soin l’un de l’autre, et grandir par la même occasion. On aurait parfois envie de leur crier « Mais communiquez un peu, bordel ! » tant on aimerait que tout aille bien pour eux. Sally Rooney sait nous emmener dans des endroits insoupçonnés des relations humaines, nous mettre mal à l’aise comme nous faire pleurer devant la puissance d’une romance vouée à l’échec.

La fin du roman invite à tous les possibles, et conclut ces 320 pages de pur bijou d’écriture. Le lecteur repense à ses propres relations qui se rapprochent de celles décrites dans ce livre brillant, et se demande ce qu’il aurait fait à la place de Marianne ou de Connell, avec une envie de romantiser sa vie. Une lecture indispensable à tous les sentimentaux, qui se complète très bien avec l’excellente série. N’attendez plus pour vous plonger dans l’Irlande de Sally Rooney !

CillyKarma

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