Rose
À la mort de Philippe, sa veuve Rose se laisse dépérir, au grand dam de ses enfants. À un dîner, elle rencontre Marceline, et son élan vital l’inspire. Elle recommence à prendre soin d’elle et fait la connaissance de Laurent, cafetier en bas de chez elle…
La musicienne Aurélie Saada, moitié du duo Brigitte, passe à la réalisation avec ce film inspiré d’un dîner entre ami(e)s où était conviée Marceline Loridan-Ivens, l’artiste à l’élan de vie qui inspira tous/tes les convives. En résulte une reconstitution de ce dîner où l’artiste rescapée des camps est interprétée par Michèle Moretti. Parmi les convives, on peut identifier dans leur propre rôle Stéphane Foenkinos, Adèle Van Reeth ou encore Pénélope Bagieu mêlée à des personnages fictifs : Rose et sa fille.
La scène d’ouverture nous présentait la famille en pleines festivités juives pour l’anniversaire du patriarche, Philippe. Mais toute la pétillance de Rose semble s’éteindre avec le décès de son époux.
Ce récit, c’est celui d’une renaissance, celle d’une femme de 78 ans qui découvre qu’elle peut encore s’amuser et profiter des plaisirs de la vie, de la sociabilité et de la chair. Un lent apprentissage de la liberté, qui passe par des rencontres marquantes, avec Marceline puis avec Laurent, le cafetier d’en bas (Pascal Elbé). Françoise Fabian excelle à représenter la vulnérabilité de cette femme puis sa renaissance progressive, qui s’exprime par des déplacements plus assurés, un look plus apprêté et une joie de vivre retrouvée.
Un changement qui n’est pas forcément du goût de ses enfants (Aure Atika, Damien Chapelle, Grégory Montel). On voit bien que la vie intime des personnes du troisième âge reste un tabou (ce qu’on percevait aussi dans Deux, qui avait représenté la France aux Oscars). Le film brille par sa tendresse, ses lumières chaudes, la grâce de sa protagoniste et la joie de vivre qu’il professe. Une perle de douceur et de vitalité, qui sait rester pudique pour éviter tout moment de gêne.
Une jeune fille qui va bien
Pendant l’année 1942, Irène prépare son concours d’entrée au conservatoire de Paris avec une scène de Marivaux. Mais pendant que la jeune fille vit sa passion théâtrale et ses premiers émois, les mesures anti-juifs se durcissent…
Déjà autrice de courts, Sandrine Kiberlain passe à la réalisation de long-métrage avec Une jeune fille qui va bien. Le scénario s’ancre dans un contexte bien connu du cinéma, celui de la Seconde Guerre mondiale. Mais l’angle choisi est totalement inédit. En effet, on suit une jeune fille de 19 ans, issue d’une famille juive, mais il n’est jamais question de traque ni de rafle. Les forces allemandes sont invisibles, on entend à peine quelques mots de la langue de Goethe dans la bouche d’un camarade de promo d’Irène. Le contexte est d’abord quasiment occulté, avant d’être réinjecté par touches discrètes.
Cette situation de guerre invisible, on la doit à la focalisation quasi constante sur le personnage d’Irène, qui refuse de s’inquiéter de la situation et consacre toute son énergie à vivre son quotidien de jeune femme le plus normalement possible. Pourtant, insidieusement, la menace se précise, à travers les dialogues impliquant le père (André Marcon) et la grand-mère (Françoise Widhoff), puis par des éléments visuels jusqu’au plus flagrant, l’étoile jaune brodée sur les vêtements de la famille. Et si l’avenir d’Irène est hypothéqué par une décision gouvernementale, l’information est glissée avec suffisamment de subtilité pour qu’on puisse se piquer d’espérer jusqu’au bout une issue positive.
Car à l’écran, ce que l’on voit, c’est le quotidien empli de facétie d’une famille soudée, qui vit un moment plein de possibles. Le père est maladroitement courtisé par une voisine (Florence Viala), le fils se sent pousser des ailes dans sa relation amoureuse (Anthony Bajon, plus sympathique et attachant que jamais dans ce second rôle sobre), la fille hésite à répondre positivement aux avances de Gilbert (Jean Chevalier). La reconstitution d’époque est subtile, mais ce qui transparaît à l’écran c’est une exaltation universelle, celle d’une jeune fille en fleur qui bouleverse par sa candeur et sa soif de vie. La caméra suit les sautillements et les danses de Rebecca Marder, qui dévore l’écran de son charme juvénile. Même lorsqu’elle élabore des stratégies pour parvenir à ses fins amoureuses, Irène reste un personnage d’une grande pureté dans son optimisme irréfragable. À ses côtés, on refuse de voir le mal qui rôde, on veut vivre pleinement les premières amours et le travail pour se lancer dans les études de ses rêves. Jamais un film sur cette période historique n’aura été aussi lumineux, si vivant dans sa mise en scène, si plein de joie et de pétillement. Et tout ce qui n’est pas dit, qui reste hors-champ, n’en est que plus terrible, honteux et tragique. Cette « jeune fille qui va bien » (pas si bien que ça comme en témoignent ses fréquents malaises), c’est la lumière qui en nous éblouissant, repousse les ombres. Dans la réalité, les ombres reviennent toujours. Mais le cinéma peut choisir de ne pas leur donner de place, et en cela Sandrine Kiberlain signe un choix fort avec ce premier long.
Les Amours d’Anaïs
Anaïs doit finir sa thèse mais se laisse emporter dans ses histoires amoureuses. Elle quitte Raoul pour Daniel, un homme plus vieux rencontre chez des ami(e)s. Mais celui-ci est marié avec Émilie…
On avait adoré Pauline asservie, l’un des courts les plus brillants de ces dernières années. La cinéaste Charline Bourgeois-Taquet était donc très attendue avec son premier long Les Amours d’Anaïs, pour lequel elle retrouve Anaïs Demoustier dans le rôle-titre. Le personnage d’Anaïs a quelques similitudes avec celui de Pauline : une thèse de littérature en cours qu’elle néglige au profit de ses histoires d’amour et une propension à s’attacher à des personnes qui ne sont pas libres.
Le temps d’un été, qui permet une photo lumineuse à l’instar de sa protagoniste, le scénario nous offre les atermoiements d’Anaïs entre Raoul, dont elle est tombée enceinte et veut avorter (Christophe Montenez, qu’on a plaisir à retrouver cette année dans ce film et Amants après son apparition dans Le Discours), Daniel qui a l’âge de son père (Denis Podalydès) et l’épouse de celui-ci, Émilie (Valéria Bruni-Tedeschi).
Le tempérament folâtre d’Anaïs nous offre quelques bonnes scènes de comédie, avec un certain sens du rythme et du dialogue, et les mines de Denis Podalydès font merveille. Mais l’ensemble souffre, comme pas mal de longs s’appuyant sur un court précédent, de quelques longueurs.
Sur le fond, on aurait pu envisager l’idée du trouple comme dans un À trois on y va, mais la réalisatrice s’en tient à un léger vaudeville sur les secrets d’un couple et une partie plus douloureuse autour de la mère qui reste de l’ordre de l’anecdote. La critique de l’addiction aux SMS a disparu, de même que les grandes théories inquiètes. Anaïs se juge « trop légère » et cette légèreté est à la fois ce qui donne au film un ton plaisant et une absence de lourdeur et ce qui l’empêche d’être autre chose qu’un moment plaisant et pétillant vite oublié.