« Cléo de 5 à 7 », que Paris me console

Cléo, chanteuse à la mode, est très inquiète. Elle doit recevoir les résultats d’un examen médical et craint d’avoir un cancer. Il lui reste deux heures avant l’appel du médecin…

Movie Challenge 2021 : un film de la Nouvelle Vague

Après deux films de bord de mer (La Pointe courte et Du côté de la côte) et quelques courts-métrages, Agnès Varda installe sa caméra à Paris pour Cléo de 5 à 7. Quasiment en temps réel, le film suit sur l’intervalle d’à peine deux heures (on quitte en réalité Cléo un peu avant 19 heures) sa charmante héroïne, chanteuse yéyé en vue. Cléo (diminutif de Cléopâtre), incarnée par Corinne Marchand, incarne une starlette à la Marylin : envers son entourage, elle se montre capricieuse, exigeante, agaçante, désinvolte et malpolie dans les commerces, mais cette façade semble camoufler un mal-être existentiel.

La scène d’ouverture, alternant couleur et le noir et blanc qui habille le reste du métrage, nous dévoile Cléo en train de se faire tirer les cartes par une voyante. Une façon de nous introduire au sujet qui tracasse la jeune femme : une analyse médicale suite à des maux de ventre, avec suspicion de cancer. Pour cette coquette, l’angoisse de la maladie vient bouleverser l’existence, et c’est à une transformation que nous assistons. Physiquement, elle s’exprime par le changement de tenue de l’héroïne lorsqu’elle repasse chez elle : elle retire sa robe à pois et sa perruque bouclée et enfile une robe noire bien plus simple et moins serrée qui la laisse plus libre de ses mouvements, coiffe ses cheveux au carré et enfile le petit chapeau pyramidal qu’elle vient de s’offrir, comme une ultime lubie, dont elle se défait plus tard en l’offrant à une amie.

Tout le film consiste en un parcours dans Paris, comme une tentative de fuir la peur en courant d’un quartier à l’autre, mais c’est aussi une façon de se rapprocher de l’essentiel. Au départ, Cléo est le sujet des conversations et des regards, on voit en caméra subjective les passant(e)s l’observer, et la jeune femme se contemple elle-même avec volupté dans tous les miroirs qu’elle croise, se convaincant que sa beauté est une preuve de vie, presque un talisman d’immortalité. Mais rattrapée par la peur, elle se met à écouter au café les conversations voisines pour se distraire d’elle-même. Une nouveauté salvatrice pour ce personnage égocentré. Petit à petit, elle observe les gens qui l’entourent : ce bateleur qui avale des grenouilles sous les yeux des badauds, cette amie qui l’entraîne rejoindre son copain projectionniste, à laquelle elle semble pour la première fois poser des questions sur son activité de modèle nu… Et finalement un inconnu qui se révèle l’oreille la plus attentive. Car bien qu’entourée par sa gouvernante Angèle et par ses musiciens (Michel Legrand lui présentant des chansons au piano constitue un morceau d’anthologie), et aimée d’un homme très occupé qui ne passe la voir qu’en coup de vent, Cléo se retrouve bien seule avec ses sentiments.

En rencontrant Antoine, qui n’attend rien d’elle puisqu’il quitte Paris pour l’Algérie dans deux heures, Cléo peut enfin tomber le masque et devenir Florence – son vrai prénom – une femme sensible mais aussi plus forte qu’elle ne l’aurait cru. La peur de la mort, qui la taraude avec une conscience aiguë du temps qui passe, marquée par le chapitrage minuté, est un révélateur qui lui donne le goût de la vie, une vie plus vraie et moins superficielle.

Pour raconter cette histoire, Agnès Varda multiplie les options techniques : caméra subjective, passages presque documentaires dans les rues de Paris, prise de son permettant d’entendre toutes les conversations d’arrière-plan dans un lieu public, chapitrage mettant en avant le point de vue des différents personnages. Et même, au milieu du film, l’insertion d’un court-métrage burlesque, Les fiancés du pont MacDonald (avec une distribution de luxe), comme une courte fable qui dessille un personnage obsédé par la mort et préfigure pour Cléo une fin heureuse, à rebours de la prédiction des cartes.

Dans la veine de Lola, où Corinne Marchand apparaissait déjà, Cléo de 5 à 7 est une errance qui nous égare parfois un peu, ne semble pas toujours bien savoir où elle va, mais plante des jalons pour des films à venir et constitue un portrait de femme qui s’approfondit au fil du récit.

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2 commentaires sur “« Cléo de 5 à 7 », que Paris me console

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  1. J’avoue être assez inculte sur les films de la Nouvelle Vague… J’ai souvent entendu parler de celui-ci et je le regarderai un jour, ne serait-ce que pour ma culture personnelle.

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