« Starship Troopers », parasites VS parasites

À la fin du lycée, n’ayant pas des notes suffisantes pour suivre sa petite amie Carmen dans l’aviation, Rico s’engage dans l’infanterie, au grand dam de ses parents. Mais pendant son instruction, la guerre est déclarée avec une planète peuplée d’insectes…

Après Basic Instinct, qui rappelle Le quatrième homme et Showgirls qui fait écho à Keetje Tippel, Paul Verhoeven revient à une veine de science-fiction satirique qui se rapproche de RoboCop et Total Recall. Une fois encore, il s’empare d’une matière textuelle, cette fois le roman de Robert A. Heinlein (paru en France sous le titre Étoiles, garde-à-vous !), adapté en scénario par Edward Neumeier (qui consacre sa carrière au développement des univers de RoboCop et Starship Troopers).

L’intrigue permet à Verhoeven de retrouver des éléments déjà développés auparavant : la critique d’un corps armé (non plus la police mais l’infanterie militaire), une société futuriste aux valeurs dévoyées, le voyage dans l’espace comme révélateur des inégalités sociales. À l’écran, la réitération thématique se manifeste dans les méthodes employées : les faux spots publicitaires et programmes d’information télévisée qui chapitrent le métrage, venant distiller des informations précieuses pour saisir le fonctionnement de l’univers présenté… à la fois au premier et au second degré. Il y a d’une part tout ce qui est dit ou montré factuellement (la météorite qui s’écrase sur Buenos Aires, la colonie de mormons, le recrutement massif de soldats, l’exécution d’un condamné…) et tout ce qu’on peut en déduire ou remettre en question (Sont-ce bien les insectes qui ont envoyé cette météorite ? Pourquoi l’armée est-elle si fondamentale dans cette société ? Depuis quand et avec quel accord des primo-habitant(e)s cette colonie s’est-elle implantée ?).

À l’époque de sa sortie, le film divise, justement parce que le second degré n’est pas perçu de tous/tes les spectateurs/trices. Accusé d’être fascisant et de glorifier la guerre, on ne peut pas vraiment douter que le réalisateur ait plutôt eu l’intention inverse, celle d’une dénonciation. Pour cela, il choisit pour ses personnages principaux un casting extrêmement lisse et correspondant aux standards de beauté américains, issu de séries et sitcoms (Casper Van Dien, Denise Richards, Dina Meyer, Neil Patrick Harris…). Le début du film ressemble d’ailleurs à un teen movie avec ses adolescent(e)s qui hésitent sur leur orientation, se rebellent contre les choix familiaux, sont influencé(e)s par leurs profs, vivent des romances et amitiés fortes… Rico est présenté comme suffisamment peu brillant pour être soumis aux influences et ainsi devenir à terme le parfait clone de son chef et mentor, sans jamais remettre en question le système, préférant s’en prendre à lui-même lorsque quelque chose tourne mal. Là où on aurait espéré voir les personnages sortir des purs caractères en gagnant en densité, leur écriture ne dépasse jamais la platitude du stéréotype, jusqu’à cette non-fin terriblement frustrante. Une façon de rester dans l’ambiguïté entre premier et second degré et de nier toute possibilité d’échappatoire (et en cela le film est aussi circulaire que Showgirls).

Le vrai souci d’équilibre du long-métrage vient de son écartèlement entre le ton du matériau d’origine, le roman qu’il adapte, et sa volonté d’illustrer les dérives d’un système inégalitaire et militariste. Les personnages ne remettant jamais en question les bases de leur société, c’est aux spectateurs/trices de le faire (d’où le quiproquo de la sortie), sur la base d’informations glissées par bribes qui ne permettent pas forcément d’avoir une vision d’ensemble (par exemple sur la différence de droits entre Citoyens et Civils : quand on voit la famille de Rico – dont il est expressément précisé le statut Civil dans une scène coupée – on a du mal à les percevoir comme des citoyens de seconde zone…). Surtout, le film se complaît dans le plaisir de scènes d’action ultra violentes et répétitives – dont il faut saluer la maîtrise technique et les effets spéciaux –, allant toujours plus loin dans la surenchère, avec un ennemi volontairement écœurant (notons que dans le roman, les insectes cohabitent avec des humanoïdes, rendant les combats plus ambigus). Difficile dès lors d’arriver à pleinement soutenir la thèse des humain(e)s comme réel(le)s parasites ayant causé la guerre avec leurs voisins. La débauche de violence, loin de paraître une condamnation, a pu sembler une valorisation du héros qui s’en sort toujours. Et c’était bien le problème du roman de base, dont le scénario ni la réalisation ne parviennent à vraiment se dépêtrer, restant dans un entre-deux complexe à appréhender et nerveusement fatigant.

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