Alex Murphy, flic intègre, est affecté dans un quartier sensible de Détroit avec sa binôme Lewis. Laissé pour mort par des malfrats, son corps est récupéré par une entreprise d’armement qui fait de lui le premier RoboCop, un policier mi-humain mi-robotique…
C’est le tournage de Blade Runner qui inspire à Edward Neumeier l’esquisse du scénario de RoboCop, autour de l’idée d’un personnage mi-humain mi-robotisé. Avec l’arrivée de Michael Miner, ouvertement hostile au capitalisme reaganien qui domine alors les États-Unis, le projet devient non seulement un film d’action, mais également une satire de la société américaine, transposée dans une dystopie des années 2040.
Pas plus emballé par l’idée que Cronenberg qui l’a déjà refusée, Paul Verhoeven, qui n’a alors jamais tourné aux États-Unis, se laisse convaincre par sa femme de donner une chance à ce récit pour sa portée satirique et politique. D’emblée, il instille dans le métrage son appétit à filmer la violence, mais aussi son humour qui joue du cynisme et du grotesque et sa critique sans fard des médias.
L’ouverture attire l’attention sur le fossé entre un journal télévisé dominé par des nouvelles alarmistes, et des publicités délirantes qui surgissent par la suite de manière inopinée dans le métrage, avec un sens assumé du décalage. Avant toute chose, RoboCop est drôle, parce que sa satire fonctionne à plein. De même au sujet du milieu policier : largement corrompu, phagocyté par l’entreprise privée qui fournit de nouvelles armes, composé de recrues globalement médiocres (même Murphy et Lewis ne sont pas particulièrement des flèches lors de leurs premières interventions en binôme). L’un des outils comiques majeurs du film, c’est le robot concurrent du RoboCop : un gros machin animé en stop motion, qui avance en se dandinant, fait un carnage faute d’avoir entendu un flingue tomber sur la moquette, et se casse la binette à la première marche d’escalier venue.
À cet humour s’ajoute le plaisir de l’action : face au RoboCop ultra efficace à l’armure blindée (le costume a coûté quasi un million, un investissement qui valait le coup au vu du rendu à l’écran qui n’a pas vieilli), les malfrats optent pour des armes militaires qui permettent de grosses explosions. Les poursuites en voiture sont chorégraphiées, bien qu’un peu courtes, les effets de vitres brisées aussi réussis que la vision en caméra subjective du RoboCop. La violence brute est si extrême et sanguinolente qu’elle s’inscrit dans une esthétique pulp qui peut choquer mais guère bouleverser.
Mais derrière l’aspect à première vue très plaisant du métrage se révèle une trajectoire plus tragique, celle d’un bon père de famille, pas forcément très malin mais dévoué à son métier de policier et droit dans ses bottes, sacrifié par une hiérarchie pour laquelle les pertes humaines sont sans importance, puis employé comme cobaye d’un transhumanisme sans aucune bienveillance. La scène de l’opération, avec ses plans fixes sur les yeux grand ouverts de Murphy (Peter Welles), ainsi que les plans traumatiques de sa mort qui lui reviennent sporadiquement en mémoire, contribuent à générer une angoisse chez les spectateurs/trices et une empathie pour le personnage. L’entreprise vouée au succès capitaliste et à la gentrification, dont Dick Jones (Ronny Cox) affirme sans sourciller que la fiabilité de ses produits n’est aucunement un sujet (seules comptent les ventes et l’argent qu’elles génèrent), prend l’homme Murphy pour en faire une chose hybride dont elle compte se servir sans aucune limite morale.
Mais derrière les lois intégrées à son processeur, la mémoire de Murphy qui se réveille réinstaure des considérations morales tout humaines, faisant de lui réellement un super-flic, alliant son honnêteté rare initiale à ses nouvelles facultés technologiques. À l’instar d’un Terminator, le personnage fascine par cette alliance des qualités naturelles et artificielles qui en font un des héros des années 80-90, avant le plein essor d’une nouvelle catégorie héroïque, cette fois dotée de pouvoirs plus que de technologie.