« Two Lovers » : laquelle aimer des deux

Solitaire depuis une rupture douloureuse, Leonard est présenté par ses parents à Sandra, la fille de l’homme qui doit racheter le pressing familial. Aussitôt après, Leonard rencontre la nouvelle voisine, Michelle…

Après une trilogie de films sur la Mafia, James Gray conserve le cadre du quartier de Little Odessa et la collaboration avec Joaquin Phoenix, déjà présent dans ses deux précédents films, mais change totalement de registre. Une conversation avec Gwyneth Paltrow lui donne l’idée de lui écrire un rôle dans un film qui traiterait d’amour mais d’une manière sombre et personnelle. Il s’inspire des Nuits blanches, une nouvelle de Dostoïevski qui a inspiré de nombreux cinéastes, de Visconti à Jonás Trueba récemment, en passant par Bresson.

Ce que le cinéaste conserve de l’œuvre littéraire, c’est plutôt la fin de son scénario, co-écrit avec Ric Menello. Le début de l’histoire, c’est la « chute » du pont de Leonard, qui fait signe vers le drame et installe une atmosphère sombre et pesante. Celle-ci s’incarne à l’écran dans une esthétique de l’enfermement, présente à travers les cadrages et surcadrages (notamment l’importance des portes et des fenêtres, mais aussi des cadres photos, tout ce qui peut permettre d’enfermer les personnages, de les contraindre dans des boîtes, dans des rôles), mais aussi dans le décor chargé de la chambre de Leonard et dans le choix de couleurs sombres, ternes, jamais éclatantes. Les personnages sont très souvent vêtus de noir, de beige, de marron, assortis aux murs des appartements. De plus, de nombreuses scènes ont lieu de nuit ou dans la lumière grise du petit matin, ou alors en intérieur avec un éclairage artificiel jaune. L’étalonnage et la photographie contribuent à faire ressortir cette impression qui coïncide avec la situation de Leonard. D’une part, celui-ci est resté très marqué par un drame personnel, une rupture liée à une sorte d’incompatibilité génétique qui lui a laissé des séquelles psychologiques (il est question de bipolarité dans un dialogue, ce qui ne semble pas forcément correspondre avec Leonard qui apparaît plutôt comme dépressif, spleenétique). Joaquin Phoenix donne corps au personnage avec une démarche particulière, assez gauche et comme encombrée du corps du personnage et de son gros blouson verdâtre. D’autre part, Leonard vit encore chez ses parents alors qu’il a l’âge de construire sa propre vie et éventuellement une famille. Ceux-ci sont très présents à l’écran, souvent dans un coin d’une pièce ou en arrière-plan, comme une forme de surveillance permanente. Et même quand ils ne sont pas physiquement là, leurs portraits veillent dans le couloir et leurs intentions professionnelles et maritales influent sur le destin de leur fils. Conditionné pour travailler dans le pressing racheté par monsieur Cohen, Leonard est incité à renforcer l’alliance entre les familles par une relation sentimentales avec Sandra (Vinessa Shaw), une jeune femme qui sait exprimer ses désirs même si elle ne veut pas forcer Leonard dans une vie qui ne serait pas son choix.

Face à cette situation familiale, la rencontre avec Michelle (Gwyneth Paltrow), qui s’inspire de l’arc narratif dostoïevskien, peut apparaître comme une forme d’échappatoire. La blonde voisine a quelque chose de plus lumineux en apparence, elle entraîne Leonard en boîte pour s’amuser et celui-ci se lâche avec elle sur la piste de danse. Mais elle fait de lui le confident de ses déboires de maîtresse d’un homme marié, ce qui crée un double triangle amoureux. Leonard va-t-il choisir Michelle ou Sandra ? L’amant de Michelle va-t-il quitter femme et enfants pour elle ? Et si Michelle renonçait à lui pour Leonard ? Et si Sandra finissait par se lasser des atermoiements de Leonard et se tourner vers un de ses nombreux prétendants ?

À travers une situation qui aurait pu prêter au vaudeville, notamment avec les fenêtres qui se font face, James Gray choisit une tonalité mélodramatique autour du destin et des choix par dépit, qui tient en haleine grâce à l’interprétation investie de Joaquin Phoenix avant tout.

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