Mikuan et Shaniss grandissent dans la réserve innue de Uashat, au nord du Québec. Inséparables enfants, elles prennent des chemins divergents à l’orée de l’âge adulte : Shaniss est très tôt maman et quitte l’école, alors que Mikuan rencontre un « blanc »…
Il y a au Québec un vrai goût et un réel talent pour les teen movies, non pas au sens des comédies américaines qui se déroulent au sein de lycées stéréotypés, mais plutôt comme histoires d’apprentissage, de découverte du monde et de soi. La quête de l’identité était déjà présente les années passées dans des œuvres délicates et pleines de personnalité telles que Jeune Juliette et Une colonie. En 2021, c’est Kuessipan qui porte haut les couleurs de ce genre.
Le film de Myriam Verreault s’inscrit dans ce genre autant qu’il se singularise. On y trouve l’amitié très forte entre deux enfants qui se promettent de ne jamais se séparer, et les évidentes disparités qui vont poindre à l’adolescence, chacune construisant son chemin au gré des premières fois de cet âge : premier amour, premiers conflits avec la famille, mais aussi premier enfant pour Shaniss, et même bientôt deuxième. En dépit de quelques scènes incontournables, comme une soirée en boîte de nuit ou des confidences entre amies dans une salle de bain, l’essentiel du récit n’est pas là.
Il faut dire que Myriam Verreault co-écrit avec Naomi Fontaine sur la base du livre de cette dernière, qui n’est pas un roman, mais une suite de textes courts, descriptifs, visant à faire ressentir aux lecteurs/trices la réalité de la vie dans la communauté. La réserve, c’est un lieu, que l’on peut observer en se promenant entre les maisons, en caméra subjective, ou en prenant de la hauteur du point de vue que Mikuan fait découvrir à Francis. Mais ce sont surtout les gens qui l’habitent et lui donnent son âme, si différente de l’autre partie de la ville, celle des « blancs », avec qui les échanges sont toujours empruntés, nourris de curiosité et de méfiance.
Pour plonger les spectateurs/trices dans l’ambiance du livre, celle de Uashat, la réalisatrice a fait naître des personnages et une intrigue, qui n’est rien d’autre que le fil de deux vies parmi les familles de la communauté, deux vies qui ne sont pas des généralités mais des exemples qui permettent d’imaginer l’éventail des possibles. S’appuyant sur un casting local de jeunes dont Kuessipan est généralement la première expérience devant la caméra, la cinéaste réussit à créer un sentiment de réel très fort, proche de l’expérience d’un documentaire. Sharon Fontaine-Ishpatao et Yamie Grégoire sont fortes et magnifiques dans tout ce qu’elles offrent à la caméra, et à travers l’objectif, aux spectateurs/trices. Elles se glissent dans la peau de personnages qui leur permettent d’exprimer leur appartenance à une communauté unique, fière, solidaire, ancrée dans la terre des ancêtres et les rituels pratiqués en famille, tels que la chasse et le tissage des perles, mais aussi avide d’échange et de partage. Elles sont les deux faces d’une même culture, les options d’affirmer une identité préservée.
Malgré la solidarité de la communauté, les rires et les joies du groupe, le scénario ne nous épargne pas les déchirements voire les drames de la vie qui peuvent survenir et ébranler les fondamentaux de l’être. Ce sont eux, aussi, qui rendent vraisemblable la maturité de la plume de Mikuan, l’acuité du regard qu’elle pose sur ce qui l’entoure. Donner une vie de papier à son amie d’enfance, la célébrer par les mots que le monde entier pourra lire afin d’apprendre à la connaître et à l’aimer lui aussi, c’est un gage de sincérité et d’investissement que peu ont pu à son âge ainsi exprimer.
Votre commentaire