

À New York, Ben enchaîne les coups d’un soir jusqu’à sa rencontre avec Sam. Alors que leur relation devient sérieuse, chacun lutte avec ses propres démons : le poids du regard des autres et un traumatisme d’enfance…
Chéries-Chéris est toujours une mine d’or pour découvrir des œuvres indépendantes de tous les pays et en particulier des cinéastes émergents. Ici, Matthew Fifer et Kieran Mulcare présentent leur premier long, original dès sa démarche de création. À l’écran, on observe l’histoire de Ben et Sam, incarnés par Matthew Fifer (qui co-réalise également) et Shedon D. Brown, qui sont les deux scénaristes du film. Et pour cause, indiqué « based on true events », le film est une sorte d’auto-fiction, partiellement inspiré par des expériences vécues par les deux hommes interprétant les protagonistes.
Esthétiquement, la rencontre amoureuse est traitée avec la même poésie délicate mais pas désincarnée qu’on avait pu observer l’année dernière dans le film argentin Fin de siglo, dont certains plans sont étonnamment similaires (les scènes sur un toit-terrasse au coucher du soleil en particulier). Le rapport entre extérieur et intérieur est traité en parallèle avec l’approfondissement de la relation, d’une façon qui entraîne les spectateurs/trices à accompagner l’état émotionnel des personnages. Seul, au début du film, Ben est beaucoup vu dans son appartement qui apparaît comme un lieu d’enfermement, où il subit de violentes crises d’angoisse qui se manifestent par une suffocation et des vomissements. La rencontre avec Sam, premier élément lumineux de l’histoire, a lieu dans la rue, en consultant les étals d’un bouquiniste, puis toutes les scènes de rapprochement où les deux hommes font connaissance en évoquant leurs goûts, leurs souvenirs, leurs enfances ont lieu en plein air (on remarquera notamment celle au bord du bassin où les silhouettes d’équilibristes se reflètent gracieusement dans l’eau). Puis l’on retrouve plus de scènes d’intérieur à mesure à la fois de l’approfondissement du lien qui les unit et du resurgissement des problèmes auquel chacun doit faire face, l’appartement de Ben devenant ambivalent : toujours le lieu où les troubles psychosomatiques réapparaissent, mais aussi désormais celui d’une intimité partagée.
Concernant Sam, deux éléments lui gâchent la vie au quotidien : le racisme ordinaire et tous ses avatars, ainsi que le fait de ne pas être out auprès de ses proches et au travail. Pour Ben, c’est un traumatisme d’enfance, dont on peut se douter dès les toutes premières images du film qu’il s’agit d’un viol. Le film évoque ces sujets durs avec une certaine délicatesse, et montre à la fois comme il est complexe de faire comprendre ses ressentis à une tierce personne et comment l’amour peut permettre de tenter de surmonter ces souffrances. La situation de Ben l’amène à consulter une psy qui semble un peu brusque et détachée (jouée par Cobie Smulders, l’inoubliable Robin d’How I Met Your Mother) mais constitue une étape capitale dans son parcours.
Romance douce et long parcours de guérison semé d’embûches, Cicada (du nom d’un insecte qui éclot à cette saison à New York) est un premier film touchant et juste autour de deux personnages attachants.
Cicada, le 30/06 à 19h50 au MK2 Quai de Seine et le 06/07 à 18h au MK2 Beaubourg
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