Pauline Duhez est infirmière à domicile et côtoie au quotidien la misère sociale à Hénart. Elle est repérée par le docteur Berthier comme potentielle candidate aux municipales sur la liste du Rassemblement National Populaire, parti d’une extrême-droite qui ne dit pas son nom…
Après Pas son genre, Lucas Belvaux s’adjoint pour la première fois un co-scénariste en la personne de Jérôme Leroy, auteur du roman Le Bloc dont le film s’inspire. L’idée est de coller davantage à la réalité pour une plongée dans le milieu de la politique locale.
Le réalisateur retrouve sa compatriote Émile Dequenne pour un nouveau portrait de femme dans une forme de lutte des classes qui ne dit pas son nom. Dans Pas son genre, la confrontation était intime et amoureuse. Ici, elle est politique et familiale.
Pauline a grandi dans un milieu visiblement modeste avec un père communiste et cégétiste qui lui a transmis le goût de l’empathie et de la solidarité, ce qu’elle applique au quotidien dans son métier d’infirmière à domicile qui ne compte pas son temps entre ses patient(e)s fragiles et vieillissants. Elle est une professionnelle appréciée, une femme admirée pour son investissement qu’elle cumule avec une vie de mère célibataire de deux enfants. C’est ainsi qu’elle apparaît au docteur Berthier, sorte de chasseur de tête local pour le RNP, comme la candidate idéale. On voit bien dans ce parti qui surfe sur les mécontentements pour se faire élire (c’est clairement exprimé par l’équipe de campagne) une sorte de copie du RN existant, avec une Agnès Dorgelles dont l’histoire, une forme de dé-radicalisation apparente par rapport à son père, le carré blond et le côté frontal font nettement penser à Marine Le Pen. Dommage que Catherine Jacob semble réciter un texte de théâtre en plein meeting, nuisant sérieusement à la représentation de la tête du parti. Cependant, c’est dans les rouages intermédiaires que le métrage trouve plus d’intérêt : lorsqu’il pointe la contradiction entre défense prétendue du peuple et cadres dirigeants de la haute bourgeoisie (la maison de Berthier est tellement chargée qu’elle en devient une caricature), mais aussi élites sorties de Sciences Po et l’ENA pour venir dicter sa conduite (et jusqu’à sa couleur de cheveux !) à la candidate locale.
Le scénario veut tout mettre : les raisons de l’engagement, les différentes ailes des extrêmes, jusqu’aux plus violentes, capables de ratonnades paramilitaires, l’impact sur les relations familiales, mais aussi amicales et amoureuses, sur la vie professionnelle. C’est parfois trop, et l’on n’évite pas les clichés (jusque dans le choix des sports pratiqués par les enfants de Pauline), et comme dans Pas son genre, on finit par avoir l’impression d’assister davantage à une démonstration qu’à une fiction.
Pourtant on ne peut pas reprocher à Émilie Dequenne de manquer de nuances et d’investissement : elle tient de bout en bout son rôle un peu candide de femme habituée à ne pas s’écouter et qui soudain se laisse transporter par la perspective d’avoir une voix qui compte… mettant tout de même beaucoup de temps à admettre que c’est seulement son image que l’on exploite et que sa voix reste silencieuse. Patrick Descamps, André Dussollier et Guillaume Gouix constituent un triangle masculin en tension au centre duquel la jeune femme cherche à concilier l’inconciliable, occultant les facettes qui ne collent pas à son idéal de vie apaisée.
Même si l’écriture manque un peu de subtilité, Chez nous reste le plus abouti des films récents de Belvaux, et une façon assez pertinente de dessiller les esprits sur les mécanismes d’embrigadement politique.
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