« Light of my life », avoir une fille

Rag et son père vivent dans la forêt, déplaçant leur campement à chaque alerte. Car la fillette a miraculeusement échappé à la peste qui a décimé la population féminine terrestre…

Presque dix ans après sa première expérience à la réalisation, avec l’étrange mockumentaire I’m Still Here, Casey Affleck est repassé derrière la caméra en s’écrivant un premier rôle marquant. Sa première réalisation avait impliqué une supercherie de deux ans de la part de son beau-frère Joaquin Phoenix, afin de faire croire qu’il se mettait vraiment à la musique hip-hop, et avait donné lieu à des poursuites pour harcèlement sexuel après des comportements sur le tournage qualifiés a minima par l’accusé de « non-professionnels ».

Casey Affleck a passé des années sur le scénario de Light of my life, et il est difficile de ne pas penser un lien entre l’intrigue du film et sa précédente expérience. En effet, dans ce long-métrage post-apocalyptique, le mensonge est permanent et fait office de technique de survie, et le protagoniste qu’il incarne est un père prêt à tout pour protéger sa fille, présentée au début de l’histoire comme le dernier individu féminin de l’humanité. Le réalisateur évoque d’autres influences : son expérience de parent divorcé, et le souvenir des histoires racontées à ses enfants dans leurs premières années pour les endormir.

Il y a tout cela dans Light of my life, et plus encore, avec des thématiques extrêmement actuelles : une pandémie décimant la population, et une réflexion sur les rapports entre les genres, ici poussée dans ses retranchements dans un monde quasiment sans femmes. Le résultat est quelque part entre La Route, pour le voyage dans un monde post-apocalyptique devenu dangereux, et Leave no trace, notamment pour la partie survie dans la forêt et l’univers en vase clos du père et de sa fille, menacé par l’adolescence de celle-ci. Mais dans Leave no trace, c’est la jeune fille elle-même qui pouvait décider de sortir du schéma paternel. Ici, Rag doit être protégée d’éventuelles intrusions extérieures dans leur bulle.

À travers la beauté rurale et enneigée des paysages du Canada en plans fixes, dans lesquels les personnages évoluent, on n’oublie jamais l’angoisse, qui se rappelle régulièrement par des événements forçant le tandem à fuir, toujours plus loin. Non seulement Rag (Anna Pniowsky) n’est jamais vraiment en sécurité, mais on comprend bien que plus elle va grandir, moins il sera possible de la faire passer pour « Alex fils de Caleb » et plus elle sera objet de convoitise pour les hommes. Le monde post-apocalyptique que dessine Affleck est un cauchemar pour toute spectatrice, où les femmes restantes sont enfermées dans des bunkers, et où l’on devine assez aisément les risques de viols qu’elles encourent, que ce soit sous couvert de régénérer l’espèce ou simplement parce que la violence a pris le pas sur l’humanité dans les comportements des hommes survivants. Pas de tous, cependant, car dans leurs tribulations, Rag et son père vont aussi rencontrer quelques personnes de confiance, comme Tom, qui n’est pas dupe mais choisit d’offrir un refuge au duo et d’enseigner à Rag le maniement d’une arme pour assurer sa protection.

S’il est terrible et sans échappatoire, le film doit ses moments de lumière aux souvenirs de la famille unie formée autrefois avec la mère de Rag (Elisabeth Moss) mais aussi à l’importance de la fiction. S’ouvrant sur une scène de dix minutes durant laquelle le père invente une histoire pour son enfant, le métrage souligne la nécessité de transmettre et de réfléchir, et l’ajout par Rag de l’histoire de Goldy à celle de « l’arche d’Art » marque à la fois une forme de passation de témoin mais aussi une façon pour la jeune fille d’assumer son genre en tant que femme forte.

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