François rentre dans le fief familial après près de quatre ans aux États-Unis. Il retrouve son père Gérard, fier de sa pharmacie rénovée, et sa belle-mère Anne qui se présente aux élections municipales. Mais aussi la tante Line et la jeune Michèle, sa cousine qui lui fait les yeux doux…
Après Merci pour le chocolat, Claude Chabrol poursuit son analyse des familles compliquées dans les liens du sang et les alliances (ce qu’on appellerait familièrement « en tuyau de poêle ») et minées par des secrets.
C’est dans la bourgeoisie bordelaise que le cinéaste et ses co-scénaristes Caroline Eliacheff et Louise L. Lambrichs ont implanté leur microcosme. La famille Charpin-Vasseur constitue un petit écosystème à elle seule, animé par autant de passions enflammées que néfastes. Le retour du fils prodigue (Benoît Magimel), est l’occasion de faire le point, après quatre ans d’absence. Rapidement le jeune homme remarque que rien ne semble avoir changé, en dépit de la fierté de son père (Bernard Le Coq) qui lui présente la devanture de son officine refaite à neuf. On tient là l’une des grandes thématiques du film : l’immobilité de ces grandes familles bourgeoises dans lesquelles le temps ne semble guère s’écouler.
Le décor, déjà, est resté le même depuis la jeunesse de tante Line (Suzanne Flon), qui a entre ces vieux tableaux à l’effigie des ancêtres et ces papiers peints trop chargés beaucoup de souvenirs, qui se manifestent par des dialogues qu’elle est, avec les spectateurs/trices, la seule à entendre dès qu’elle se retrouve seule. Et l’histoire semble se répéter, comme une boucle infinie. Difficile de comprendre les liens qui unissent les personnages tant ils sont intriqués, avec une bonne dose de consanguinité dans l’affaire. A minima cousin/e, François (prénommé d’après le frère de tante Line) et Michèle (du prénom complet de sa tante Micheline), entament rapidement une liaison aucunement cachée et globalement encouragée par leur entourage, réitérant des faits passés.
À l’intime se mêle la question politique. Au présent, Anne se présente aux municipales, ce qui fait rager son mari et ressurgir de vieilles rumeurs. Nathalie Baye incarne une femme d’action, rigide, mal à l’aise avec la population hors de sa « caste », en témoigne la scène de la visite du HLM, où chaque palier semble l’entraîner davantage dans le cauchemar de la réalité de ses futur(e)s administré(e)s. À ses côtés, Thomas Chabrol campe le jeune loup aux dents longues, toute ressemblance avec des personnalités réelles paraissant tout sauf fortuite. Dans les années 2000, on ne veut surtout pas avoir l’air de frayer avec l’extrême-droite, même si toutes les voix sont bonnes à prendre. Mais 60 ans plus tôt, le collabo de grand-père n’a pas eu les mêmes états d’âme.
La résurgence du passé vient percuter le présent au travers de la culpabilité, sujet d’exposé de Michèle (Mélanie Doutey), qui ignore encore à quel point cette thématique va faire partie de sa vie, bouclant encore une fois une boucle familiale. À travers la résurgence des drames dans des flashbacks purement sonores, Chabrol trouve une façon originale et pertinente de mêler les époques et de faire peser sur les personnages leurs souvenirs ressassés. Une vision élégante du passé comme présent qui ne passe pas et de la transmission des tares et des fautes de génération en génération.
Un chef d’oeuvre . Une mise en scène au cordeau, des acteurs bien dirigés : un Chabrol au sommet de son art !
Je n’en ai pas encore vu beaucoup d’autres de lui mais c’est vrai que ça donne envie !
Le beau Serge, Le boucher, L’inspecteur Lavardin, L’enfer…