La puce
En vacances à la mer, Marion, 14 ans, rencontre Marc, un homme adulte. De retour à Paris, la complicité vaguement séductrice se fait plus pressante et l’homme fait comprendre à l’adolescente qu’il souhaite une relation sexuelle avec elle…
Troisième court-métrage d’Emmanuelle Bercot, La Puce démarre dans une ambiance de romance estivale qui pourrait presque rappeler Conte d’été. Mais voilà, les protagonistes ont un écart d’âge important : d’un côté une toute jeune Isild Le Besco incarne Marion, une adolescente lambda en pleine crise de rébellion contre sa mère et qui semble s’ennuyer un brin durant cet été, de l’autre Olivier Marchal a déjà presque quarante ans et des allures de vieux loup de mer. La première partie est relativement plaisante tant qu’elle en reste à un badinage sans conséquences, mais dès lors que les personnages se retrouvent à Paris, dans l’appartement de l’homme, on change d’ambiance. Le résumé « officiel » laisse d’ailleurs fort perplexe en parlant d’une jeune fille qui « voudrait coucher avec Marc, sans toutefois oser se l’avouer » alors que « patiemment, Marc apprend à sa compagne les gestes de l’amour ». Ce n’est pourtant pas du tout l’effet que cela fait à l’écran. Plutôt celui d’une emprise, celle d’un homme insistant qui profite de la candeur et de la curiosité de sa proie pour l’attirer dans son lit, tentant toutes les formes de persuasion, de la compréhension au paternalisme en passant par le rejet, pour parvenir à ses fins, c’est-à-dire un rapport sexuel. Les vingt minutes de la deuxième moitié du film prennent à la gorge et semblent interminable tandis que Marion détourne le visage, cache ses seins de ses mains et refuse les baisers et caresses, avec une caméra qui cadre bien clairement et en gros plans ses manifestations de refus. Si ce n’est pas un abus de mineur, c’est-à-dire un viol, on se demande bien ce que c’est.
Promène-toi donc tout nu !
Un été à Marseille, Clément est mis au pied du mur par Stéphanie, sa copine : il a 24 heures pour décider s’il veut s’installer avec elle ou ne jamais la revoir…
Amusant de découvrir le court-métrage de fin d’études d’Emmanuel Mouret quand on connaît toute sa filmographie ultérieure. Car dans ce film de près de 50 minutes, sorti en salles en 1998, il y a déjà en germes tant de choses qui font la singularité de son cinéma. En voix-off, le cinéaste-comédien narre l’histoire en première personne, celle de Clément qui aime bien son prénom, la baie des Singes, et sa copine. C’est à peu près là que l’histoire commence, une fois que le protagoniste a réussi à se mettre d’accord avec lui-même. On reconnaît bien là le ton Mouret, cet humour particulier, souvent élégant (mais qui se permet une blague salace – c’est pas lui, c’est son personnage…) et assez décalé, qui va comme un gant avec sa dégaine un peu endimanchée de grand dadais qui se laisse porter par la vie. Dans tous les films où il joue, finalement, c’est toujours peu ou prou le même personnage qu’il incarne, et déjà ici : celui d’un jeune homme maladroit et malassuré dans ses désirs, mais que les filles convoitent sans qu’on sache trop bien pourquoi. Le court-métrage est un genre de fantasme double : celui des personnages féminins, tous attirés par cet homme, et celui d’un homme qui se retrouve avec l’embarras du choix, en quelque sorte. Le tout orchestré sous la forme d’un marivaudage finement écrit et parfaitement exécuté par le quatuor Mouret-Marie Piémontèse-Maïté Maillé-Clémentine Baert. Sous le soleil comme dans Laissons Lucie faire ou Vénus et Fleur, le désir circule et les conseils de séduction les plus saugrenus trouvent une résonnance d’une génération à l’autre. C’est toujours aussi ancré dans des problèmes de gens qui n’ont pas de problèmes, mais c’est facétieux et spirituel et on adore ça.
À bras le corps
Deux frères se préparent pour aller à l’école, mais leur maman ne se lève pas pour les y conduire…
Elle nous a habitué(e)s à des longs-métrages déchirés par la souffrance de leurs personnages, et souvent déchirants. Mais dès son tout premier court-métrage, Katell Quillévéré avait manifesté un intérêt pour le drame et les situations de crise extrême. Ici, deux petits garçons se lèvent dans un appartement silencieux. On observe le rituel du matin, le petit déjeuner qu’on prépare en évitant de marcher sur les dalles noires du carrelage sinon c’est triché, les jeux qui terminent en bagarre, la tendresse mâtinée de cruauté qui unit une fratrie à ces âges. Mais sous le vernis du quotidien, la journée « de la photo de classe » est pour les deux gamins bien plus que cela, elle marque la bascule d’une vie normale à un destin plus sombre. Dans la pénombre de la chambre, leur mère n’est plus qu’un corps inerte, et ce qu’ils ne comprennent pas encore, nous spectateurs/trices l’avons très vite perçu. C’est là que le film est terrible, dans l’ironie dramatique qui oppose les scènes banales à l’horreur de la situation sous-jacente.
Les mains d’Andrea
Andrea est guérisseur depuis quinze ans, mais fatigué de son activité, il décide d’arrêter. Par hasard, il recroise un vieil ami qui lui demande de l’aider à surmonter la perte de sa compagne…
Si on le connaît plutôt pour des films décalés et doux-amer, Sébastien Betbeder a réalisé plusieurs courts-métrages aux tonalités variées dont celui-ci, à la photographie extrêmement sombre, faisant écho à l’état mental de son protagoniste. En voix off, Andrea (Jerzy Radziwilowicz) raconte les derniers jours de son activité de guérisseur. Dès la scène d’ouverture, sans dialogues, on peut l’observer en train d’imposer les mains sur les membres d’un homme âgé. Une pratique que l’on a pu également observer au cinéma dans Mon âme par toi guérie et qui fait toujours son petit effet à l’écran, surtout face à des phénomènes plus ou moins surnaturels comme la petite fille en apesanteur. Mais Andrea va être confronté à bien plus surprenant encore, dans le crépuscule de sa profession : venu chercher les affaires d’une morte dans une vieille maison, il se retrouve nez-à-nez avec elle, tout à fait alerte et capable de tenir une conversation. Une métaphore élégante du souvenir des êtres aimés, et de l’oubli qui guérit, qui fait penser à Eternal Sunshine of the Spotless Mind. En revenante, Nathalie Boutefeu fait preuve d’une élégance magnétique qui illumine l’écran.
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