J’ai rencontré Pierre Raufast à l’époque de son premier roman, et nous sommes toujours restés en contact. Je lui ai donc proposé l’exercice de l’entretien à l’occasion de la sortie des Embrouillaminis.
- Peux-tu nous expliquer l’origine de ce roman un peu particulier ?
« Il n’y a pas d’histoire universelle »
P.R. : « En fait ça fait des années que j’ai envie d’écrire ça. J’en avais parlé dans un précédent roman il y a quelques années, c’est parti de l’idée qu’il y a plein de fins différentes qui dorment dans un tiroir. Quand un écrivain prépare un roman, il envisage plein de développements différents, mais les lecteurs n’en lisent qu’un. J’avais eu des tas de gens qui m’avaient dit à propos de La Variante chilienne ou de La Baleine thébaïde qu’il aurait fallu écrire ci ou ça, donc je voyais bien qu’il n’y a pas d’histoire universelle, de fin qui plaise à tout le monde. Il faudrait pouvoir avoir plusieurs fins, avoir le choix. En disant ça, on pense forcément aux « livres dont vous êtes le héros ». Le problème de ces livres, c’est qu’ils n’ont pas de mémoire. Tout ce que tu fais à l’étape 27, quand tu es à l’étape 60, tu ne t’en souviens plus, parce que tu viens de trop de chemins différents. Quand tu écris un roman, si tu veux un minimum de psychologie, quand tu as tué quelqu’un au chapitre trois, tu t’en souviens après. C’était la grosse difficulté et j’ai mis pas mal de temps à trouver une astuce pour permettre cette persistance-là.
J’ai compris comment j’allais faire en lisant la théorie des attracteurs de Lorenz. Dans la théorie du chaos, les ailes de papillon, c’est un épiphénomène. Ça dit juste que si une avalanche doit se produire, elle va se produire un peu avant ou après et ça c’est le hasard, mais dans tous les cas elle va se produire et la neige va finir en bas de la pente. Si dans une vie humaine on définit un certain nombre d’attracteurs, qui sont des passages quasi obligés – pour ça il faut employer des statistiques – par exemple la vie en couple est un attracteur pour beaucoup de gens, le besoin de maternité peut l’être, la séparation, la crise de la quarantaine… en faisant ça on peut déployer différentes variantes mais tout reconverge vers un attracteur. Par exemple Lorenzo qui fait une école de commerce ou une école d’ingénieur, mais dans tous les cas il fait son service militaire. Ça m’a permis de mieux structurer l’histoire avec des moments de convergence ou de divergence. »
- Tu as évoqué les multiples versions d’une même histoire, est-ce que quand tu écris tu as toujours plusieurs destins à portée de plume pour tes personnages ?
P.R. : « Oui, et je pense que je ne suis pas le seul. Quand on écrit c’est rarement d’un seul jet, enfin je ne parle pas des autobiographies mais quand on invente un personnage on se demande ce qu’on va lui faire faire, on étudie plusieurs alternatives. »
- C’est-à-dire que tu commences un livre sans savoir comment tu vas le finir ?
P.R. : « Je commence en rédigeant l’histoire sous forme de synopsis. Sur 2 ou 3 pages, j’écris la trame, chapitre par chapitre. Par exemple, pour Habemus Piratam, c’est l’histoire d’un pirate qui vient se confesser et je vais faire une confession par commandement. C’est le pitch. Après je regarde ce que j’ai comme histoires en stock sur le piratage, je les liste, je les arrange sur quelques pages. Chaque chapitre fait 3 lignes, et quand j’écris je développe ces 3 lignes en quatre pages. Comme je travaille beaucoup la structure, c’est la première chose que je fais avec le contenu. Ce que je vais choisir comme destin d’un personnage est une question qui vient très tôt. Est-ce que le curé se fait attraper, vit, meurt, est-ce qu’il y a un retournement de situation ? Il y a plein d’hypothèses possibles. Et dans La Fractale des raviolis et La Baleine thébaïde, la version que j’avais écrite a été retoquée par mon éditeur qui m’a gentiment challengé pour refaire une autre fin. Ça aurait dû finir d’une façon beaucoup plus négative qui m’aurait mis une partie du lectorat à dos ! J’avais aussi une version de La Baleine thébaïde où Richeville rencontrait Margaux de La Variante chilienne. Je peux imaginer plein d’histoires différentes. »
- Et en quoi le travail de préparation diffère-t-il pour un projet non-linéaire comme Les Embrouillaminis ?
P.R. : « C’était assez complexe parce que je partais du principe qu’il fallait plusieurs variantes, plusieurs chemins parallèles. Donc l’arbre a été construit du plus grossier au plus fin. Au début il y a le choix aller au Mexique ou rester dans la vallée, ça produit deux arborescences, je m’occupe de l’arborescence du Mexique, je crée des sous-branches, puis pareil de l’autre côté. C’est très important pour moi de l’avoir en visuel, sinon je me perds, donc j’avais mes post-it. Quand il y avait un déséquilibre entre les branches, j’ajoutais des péripéties ou des choix. Une fois que j’avais fait ça, j’avais un livre dans lequel manquaient des passages d’une branche à l’autre ou des reboots possibles. Donc j’ai fait lire à un ami maître du jeu dans Donjons et dragons, qui m’a conseillé de faire des ponts entre les différentes branches, et qui m’a suggéré des reboots qui ne repartent pas du début, mais trois chapitres avant ou juste à la dernière décision. Donc c’est vraiment une écriture itérative : j’avais une première version un peu légère, j’ai refait une deuxième version etc. Globalement je fais énormément de versions d’un bouquin. Là, il y en avait trente-sept… non, trente-neuf ! Les dix premières ne sont pas complètes, et après ça s’affine au fur à mesure.
« Quels sont les choix d’une vie qui font dévier de sa trajectoire ? »
C’est vrai que ça ne s’écrit pas comme Le Cerbère blanc qui était linéaire, sur lequel j’avais mon chapitrage que je suivais comme un cahier d’école. Dans Les Embrouillaminis, ce qui était compliqué c’était que le fond soit au service de la forme et vice-versa. J’ai voulu quand même qu’avec les attracteurs cela pose des questions au lecteur sur lui-même, le destin et les choix qu’il a fait. C’est assez cynique mais si je prends mon cas personnel, on fait des études d’ingénieur, on passe le concours, si on rate une école on en a une autre : j’aurais fait mes études à Montpellier, Strasbourg, Nancy ou Marseille, j’aurais eu le même type de job… j’aurais eu une vie quand même assez symétrique. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, vingt-cinq ans plus tard, je pense que je serais marié, j’aurais des enfants – bon, pas les mêmes –, j’aurais un métier tout à fait confortable. J’aurais suivi le même chemin. Ce sont des existences parallèles, et c’est dû à des attracteurs. Mon tempérament fait que je ne suis pas aventurier, ce n’est pas parce que je serais allé à Toulouse que je serais parti fonder une start-up aux États-Unis, car on a des choses en soi. C’est un peu le message du livre : quels sont les choix d’une vie qui font dévier de sa trajectoire ? Il y a des choix qui importent peu et d’autres qui changent un destin. Ça peut être lié à des éléments extérieurs comme des rencontres ou à des prises de décision personnelles. Mais sur une vie il n’y en a pas tant que ça. »

- Finalement, sur l’ensemble du livre, il y a assez peu de fois le mot « FIN ». Beaucoup de branches permettent de revenir en arrière, d’une façon un peu magique, on a l’impression que tu lorgnes vers le genre…
P.R. : « Je voulais qu’il n’y ait qu’une seule fin, et pour ça il fallait des reboots. Mais dans la vraie vie on peut rarement repartir à zéro, donc il fallait des moyens de justifier ça. Et ça a été encouragé par David Meulemans, mon éditeur. C’est quelqu’un qui a étudié la philosophie, et qui est parti de l’imaginaire, de la science-fiction, du fantastique, pour monter sa maison d’édition. Ce livre va très bien avec Aux forges de Vulcain. Je m’attendais d’ailleurs à ce que David me propose davantage de théorie, mais il a une approche plutôt pragmatique. Il vaut mieux que les faits et l’histoire soient un cas appliqué de la théorie plutôt que de la citer. »
- La fin unique que tu évoquais, c’est donc celle où le personnage se met en couple. Quelles sont les raisons de ce choix : as-tu été échaudé par les critiques sur les fins parfois plus sombres de tes précédents livres ou bien est-ce une sorte d’optimisme fondamental ?
P.R. : « Je n’ai pas été échaudé, au contraire, j’aurais pu mettre plusieurs fins possibles. Le jeu c’était de dire : comment je me sors des attracteurs ? L’amour vous sort des attracteurs, bon ça peut être un peu cucul la praline mais j’ai trouvé ça chouette ! C’était une belle façon d’exprimer que dans une vie, qu’est-ce qui peut pousser à dire : je quitte tout, je change complètement de vie sans regret ? Il y a peu de cas et je pense que la seule chose qui peut permettre de faire ça, c’est l’amour. C’est Anna Karénine qui abandonne son enfant par amour pour son amant etc. C’est la thèse du roman. »
- Vis-à-vis des lecteurs/trices, est-ce que tu penses que cette construction particulière est un challenge, ou une manière d’attirer un autre public, peut-être plus amateur de jeux ou de jeu vidéo ?
« Le procédé permet de se replacer au centre de la lecture »
P.R. : « Le jeu vidéo, je trouve que c’est une bonne manière de raconter une histoire interactive. Aujourd’hui il y a des jeux comme « Life is strange » où tu choisis ton destin. La qualité graphique est comme celle d’un film, mais c’est toi le héros du film. Donc le jeu vidéo est forcément présent dans le livre. Mais je pense que ce roman est une prise de risque parce que le lectorat de littérature blanche n’est pas habitué à ce style de livres, donc il y a sûrement des gens qui vont se dire « si c’est ludique, ce n’est pas littéraire ». Certains vont s’arrêter là quand leur libraire va leur présenter. Mais ça peut rapprocher d’autres types de lecteurs, déjà parce qu’Aux Forges de Vulcain a un lectorat plus centré sur la fantasy, l’imaginaire, etc. et parce que ce livre peut être lu plusieurs fois et amuser des gens qui ne lisent pas beaucoup. Le procédé permet de se replacer au centre de la lecture. »
- Au-delà de l’aspect ludique, c’est un peu une manière de montrer au lectorat ce qui incombe à l’auteur comme responsabilité quand il écrit…
P.R. : « Responsabilité, je ne sais pas si c’est le mot, mais ça montre au moins l’étendue des possibles. Une histoire ça a l’air toujours simple alors qu’il y a plein de ramifications, de chemins, dont un surligné en rouge que l’on voit, mais les autres ont existé. Le choix qu’on fait peut être inédit, il y a plus de mille façons d’arriver au bout. Deux lecteurs n’auront donc pas la même expérience de lecture, ne découvriront pas la même histoire. »
- Et tu penses que le chemin de lecture que chacun(e) prend dit quelque chose de lui/elle ?
P.R. : « Sans doute, ça doit être révélateur de quelque chose. J’avais d’ailleurs écrit un îlot « ce que votre chemin dit de vous », que je n’ai pas gardé, mais que je peux te livrer : « Quand j’étais petit, j’étais friand des tests de personnalité dans le Journal de Mickey. C’était toujours des questions du type « êtes-vous un bon copain ? » et les réponses possibles étaient d’une transparence enfantine : « J’ai des bonbons à la récréation, losange, je les partage avec mes copains… ». On sélectionnait ainsi des ronds, des carrés et des étoiles en trichant un peu avec nous-même afin de terminer sur le meilleur profil. Les petits cercles de crayon à papier restant lisibles pour le lecteur suivant, il s’agissait de faire bonne figure. Dans l’idéal, j’aurais voulu m’en inspirer pour vous proposer ici un test de personnalité : « dressez votre portrait psychologique en fonction des choix que vous avez pris pour Lorenzo ». Après tout, cette fameuse empathie que l’on ressent pour le héros d’un roman est une forme de projection involontaire. Qu’est-ce que vos choix révèlent ? Pourquoi voulez-vous tant que Lorenzo quitte la vallée et parte à l’autre bout du monde au Mexique ? Que fuyez-vous ? Et quand vous décidez que Marie ne lui fait pas confiance, est-ce une réminiscence d’une mésaventure passée ? Mais je ne suis pas psychologue pour interpréter vos choix, je ne suis qu’écrivain. J’ai alors imaginé remplacer ce test par des recommandations littéraires : si vous avez envoyé Lorenzo au Mexique c’est que vous aimez l’exotisme, les voyages lointains et l’Amérique du Sud. Dans ce cas-là, je pourrais vous conseiller Le Vieux Marin […]. Mais les critiques ne manqueraient pas : « je ne comprends pas pourquoi vous ne parlez pas de Jorge XXXX, il est mexicain et El Templo s’inspire clairement de son univers baroque. » Cette personne aurait sans doute raison car il existe un nombre incommensurable de romans démultiplié par la sensibilité de chacun. Résumer votre choix à quelques titres extraits de cet infini littéraire serait bien trop réducteur et me donnerait un rôle prescripteur usurpé. Alors ne tirons aucune leçon de vos choix, ils vous appartiennent et sont ce mélange vital de raisons et de passions. Si des choix se mettaient en équation, si des décisions s’analysaient scientifiquement, ce serait la fin de l’entropie des hommes, ce fichu bouillonnement d’idées, d’actions et de choses qui font de ce grand chaos un perpétuel émerveillement. » »
- Pour rester sur l’idée du Mexique : même si tous tes personnages ont en commun la vallée de Chantebrie, ce sont aussi des voyageurs, et ce sont toujours les mêmes parties du globe qui reviennent comme destinations. Est-ce lié à des voyages que tu as faits ?
« Ce sont des pays dont le terreau pour raconter des histoires est fertile »
P.R. : « Non, je ne connais pas le Mexique. C’est souvent l’Amérique du Sud, à cause de la littérature sud-américaine que j’aime beaucoup. C’est très cliché ; le Mexique aujourd’hui, je pense que je le dépeins d’une façon assez caricaturale mais ce n’est pas grave. Tout à l’heure je parlais du Vieux Marin de Jorge Amado, qui est exceptionnel pour moi parce que c’est exactement ça, un univers très coloré, très fantasque. Ce monde haut en couleurs, ça me plaît bien. Et la Russie… comme je travaille dans la sécurité informatique, les pirates russes, je connais ; et puis avec toute la littérature russe que j’adore, je trouve que c’est un super pays, qui règne aujourd’hui sur l’univers cyber. Donc Dimitri, pirate russe, c’est le cliché dans Habemus piratam qui correspond à une réalité. Ce sont des pays dont le terreau pour raconter des histoires est fertile. Tous les dieux au Mexique, c’est à mourir de rire ! Les quatre cents dieux de l’ivresse et tout, je trouve ça excellent. »
- L’autre particularité de ce livre, hormis son concept, c’est qu’il réemploie des ingrédients de tous tes autres livres…
P.R. : « Quand on regarde le schéma de l’histoire, ça peut paraître un peu pompeux, mais c’est presque une méta-littérature si on le superpose avec les autres livres. C’est-à-dire qu’il y a aussi des croisements avec les histoires des autres romans. Mon schéma avec toutes mes boîtes et mes flèches m’a emmené piocher dans d’autres romans : ça se branche avec La Baleine, avec l’histoire de Florin, de Dimitri… Ça, ça me plaît aussi beaucoup : inventer à des personnages d’autres romans des vies parallèles qu’ils n’ont pas eues ou qu’ils auraient pu avoir. Il y a deux branches où Dimitri se fait arrêter, et celle où il ne se fait pas arrêter, c’est la vie qu’il a menée dans Habemus Piratam. Pour Claude c’est la suite du Cerbère blanc, comme dans les films : dix ans plus tard… Je trouve ça cool, ça fait un univers qui se construit petit à petit et des références croisées. J’ai toujours aimé ça. »
- Et comment gères-tu tes personnages, objets, etc. Tu as une liste dans laquelle piocher ?
« C’est le clin d’œil qui tombe bien que je cherche »
P.R. : « Non non, c’est juste que quand il est en prison, je réfléchis : avec qui va-t-il être en prison ? C’est le clin d’œil qui tombe bien que je cherche. Les personnages sont suffisamment riches et denses pour les recaser… surtout dans les prisons. Et puis ça permet de densifier tout cet univers-là et de le rendre plus tangible pour les lecteurs fidèles. Et pour ceux qui me découvrent, ce n’est pas très grave, parce que qu’il s’appelle Claude ou Thierry on s’en fout, il n’y a pas un truc qui manque, ce n’est pas une suite, juste un clin d’œil qui, quand tu les lis tous, forme un tissage entre les œuvres qui me plaît beaucoup. »
- Il y a même un chapitre où tu évoques ce livre comme étant écrit par Lorenzo sous pseudonyme, ce qui donne un peu le vertige. Est-ce que toi-même il t’arrive de te perdre entre fiction et réalité ?
P.R. : « Non, mais l’idée me plaît beaucoup et j’y reviens à deux endroits. C’est fascinant pour moi le fait de brouiller les pistes et de ne plus savoir. C’est un peu comme la nouvelle de Borgès que je cite où le personnage ne sait plus s’il est un personnage de fiction. Ça va bien avec la méta-littérature. Les histoires entre elles racontent une autre histoire et tu ne sais plus qui fait quoi. »
- Dans un des îlots, tu invites aussi d’autres auteurs ou autrices à installer leurs personnages dans la vallée de Chantebrie. Est-ce que tu t’attends à être pris au mot ?
« C’est le rêve ultime d’un auteur, créer un univers où les gens s’installent »
P.R. : « Je ne pense pas, mais ça me ferait très plaisir. Enfin je ne sais pas si ça va se faire. Ce serait amusant, ça ajouterait à cette méta-littérature qui crée un univers virtuel qui dépasse l’auteur et est utilisé par d’autres. C’est le rêve ultime d’un auteur, créer un univers où les gens s’installent, plantent leurs histoires et font pousser leurs arbres. Ce serait génial, comme un univers virtuel dans un jeu vidéo que tu partages avec d’autres joueurs. Ce serait top ! »
- Et toi, y a-t-il d’autres univers artistiques où tu aimerais poser tes bagages pour écrire un texte ?
P.R. : « C’est compliqué parce qu’on a toujours peur du plagiat, et avec mes idées créatives et originales, je risquerais d’être inconfortable dans l’univers. Par contre le style et l’ambiance oui, c’est ce que je disais tout à l’heure avec les romans sud-américains. Le réalisme magique où tu ne sais jamais où est la frontière entre le réel et l’imaginaire, ça je m’en inspire fortement. Mais le village, les personnages… Même sur des trucs à thème, science-fiction ou autre, je pense que j’aurais plaisir et nécessité à inventer un nouvel univers. Écrire une histoire de science-fiction dans l’univers de Star Wars, pour moi ça n’a pas d’intérêt. La créativité, ça fait partie du plaisir d’écrire. L’inventivité, tout le travail que je fais en amont de réfléchir à un monde, c’est une grosse partie du plaisir pour moi. C’est pour ça que je suis mal à l’aise dans la littérature autobiographique ou les récits de vie très factuels et vraisemblables. Pour moi il n’y a pas assez d’imaginaire et d’invention. Je ne peux pas déployer suffisamment mes ailes. »
- C’est comme le chemin dans le livre où tu dis que s’il reste avec sa copine, il n’y a rien à raconter…
P.R. : « C’est ça en fait, il y a trop de réalisme pour pouvoir m’éclater en tant qu’auteur de l’imaginaire. »
- Du coup tu te définis comme auteur de l’imaginaire ?
P.R. : « Je ne sais pas si c’est le bon mot, je fais attention vu que je ne suis pas du milieu, je ne sais pas ce que ça veut dire « de l’imaginaire », mais de la créativité, de l’invention. Ça ne m’intéresse pas d’écrire une histoire qui se passerait aujourd’hui en France en confinement, calquée sur la réalité. Le plaisir serait stylistique, mais ça je m’en fous un peu. Moi j’aime bien inventer des personnages, des histoires. Je ne sais pas si c’est de l’imaginaire mais c’est le besoin de créer. »
- Et à un moment dans un îlot tu cites des projets d’écriture variés sous pseudonyme, dont de la BD, des téléfilms… Est-ce que tu as des envies artistiques autres que l’écriture de romans ?
P.R. : « Non. Le métier de scénariste télé m’a été assez fortement déconseillé. À un moment donné ça m’intéressait, par curiosité… et puis je n’ai pas de contacts dans ces milieux-là. Par contre je réfléchis très sérieusement à écrire un roman de science-fiction, du style Asimov. Ça m’amuse de changer de style, de type de livre. Le Cerbère blanc ce n’est pas le même que Les Embrouillaminis, puis le prochain ça ne sera pas le même non plus. C’est un peu un challenge, parce qu’en SF je suis très old school, j’en lisais beaucoup quand j’étais au lycée mais des trucs hyper classiques des années 60-70. Là je me retape plein de films, de séries… ça m’amuse. »
Merci à Pierre Raufast pour son enthousiasme, son amitié et sa fidélité.