Lyz est recrutée dans un centre privé ski-études. Malgré son retard sur ses camarades, elle se donne à fond et se fait rapidement remarquer par Fred, l’entraîneur qui voit en elle une future grande championne…
Labellisé Cannes 2020, auréolé du prix d’Orlando Valenti du Festival de Deauville (il succède aux Misérables, excusez du peu), présenté au festival d’Angoulême où il a fait sensation, le premier long-métrage de Charlène Favier apparaît comme un immanquable de l’année, également en raison de son sujet très actuel : les abus sexuels sur mineurs dans le monde du sport de haut niveau. Compliqué à monter avant #MeToo, le film bénéficie d’une prise de conscience récente de la gravité du sujet par l’ensemble de la société (notamment depuis le témoignage de la patineuse Sarah Abitbol). Il fallait beaucoup de force, de courage et de délicatesse pour réussir à dénoncer à l’écran sans perdre le fil de la fiction ni tomber dans des clichés. Le film de Charlène Favier réussit le pari haut la main, grâce à une écriture des personnages très fine et jamais manichéenne, mais aussi au talent de ses interprètes principaux/ales. Après Genèse, Noée Abita confirme son inscription dans un mouvement de dénonciation des violences faites aux jeunes filles, mais sa composition fait de Lyz une adolescente certes en manque de repères familiaux, qui se rattache à la seule figure d’adulte qui lui manifeste de l’intérêt et lui prodigue de la confiance dans son potentiel sportif, mais aussi battante. Il lui faudra tout l’espace du film pour commencer à s’émanciper de l’emprise malsaine de Fred. Jérémie Rénier ose faire du coupable une figure nuancée, abîmée par un système qui broie tous ceux qui dégringolent du sommet et ne propose guère de main tendue pour aider à se relever. Dans sa tête, l’homme est resté bloqué à l’âge où les blessures ont hypothéqué son avenir, à l’orée de sa vie d’adulte. Ce qu’il voit en Lyz, c’est simplement l’instrument qui lui redonnera un certain pouvoir, et on remarque bien dans les dialogues que c’est cette idée de puissance et de succès qui le fait bander, confondant désir de réussite sociale et désir tour court.
Le film est fort, dur, nous plongeant dans le regard sidéré de la victime qui dès l’acte commis veut se faire croire qu’elle peut gérer. Il démontre avec finesse l’engrenage du mécanisme d’emprise par une personne faisant autorité sur un esprit encore adolescent qui n’a pas la maturité pour consentir en conscience ou savoir poser des limites, rappelant qu’un viol, ce n’est pas seulement un acte violent sur quelqu’un qui se débat mais parfois juste profiter de sa position de force envers une personne qui ne saura pas dire non à ce moment-là.
Malgré la dureté de ce qu’il montre, le film reste très beau esthétiquement, dans les scènes de sport en extérieur comme dans les confrontations en intérieur, mêlant les éclairages et la composition des plans de Charlène Favier et Yann Maritaud et un superbe travail sonore autour du vent et de la neige.
Comme Cinquième Set, un film à voir pour comprendre les rouages de la machine du sport de haut niveau qui n’hésite pas à broyer ses membres dès leur plus jeune âge.
Ah, il fait partie de ma liste de films à aller voir cette semaine, celui-là. ^^
Ouiiiii