« Sacrées sorcières » : à deux doigts du succès

Un jeune orphelin est confié à sa grand-mère. À l’épicerie, il aperçoit une sorcière. Pour le protéger, son aïeule l’emmène alors dans un hôtel de luxe. Manque de chance, les sorcières ont choisi celui-ci pour leur grande assemblée…

Et voilà, cette rétrospective Zemeckis s’achève donc avec Sacrées sorcières, en attendant le prochain projet du cinéaste, annoncé pour être une nouvelle adaptation de Pinocchio. Le réalisateur semble donc reparti dans une veine d’adaptations littéraires et de films destinés à un jeune public, après son passage par trois films d’animation il y a déjà plus de dix ans.

Avec Sacrées sorcières, il s’attaque à un monstre sacré de la littérature jeunesse, Roald Dahl, dont les œuvres ont déjà maintes fois séduit les cinéastes (James et la pêche géante, Charlie et la chocolaterie, Matilda…). Ce roman en particulier avait déjà inspiré Nicolas Roeg en 1990 mais on peut estimer que trente ans plus tard, il y avait la place pour une relecture. Le scénario, co-écrit avec Guillermo Del Toro (qui co-produit le film) et Kenya Barris, s’éloigne largement du récit original, tout d’abord en déplaçant l’intrigue dans le temps et l’espace. Exit l’Angleterre des années 80, nous voici en Alabama dans les années 60. Le petit héros et sa grand-mère sont des Afro-américain(e)s, on s’attend donc à une exploration de la thématique du Sud raciste mais il n’en est rien. On peut légitimement se demander ce qu’apporte cette situation de l’œuvre en Amérique, si ce n’est le plaisir de quelques références musicales (Otis Redding, les Four Tops et les Isley Brothers…) qui viennent ponctuer la bande-originale (signée Alan Silvestri, le compositeur attitré de Zemeckis).

On est clairement dans le divertissement familial, conçu à hauteur d’enfant, ce qui ne devrait pas dispenser d’une certaine qualité. Si les thématiques (les sorcières, les transformations) permettent à Zemeckis de se faire plaisir avec les effets, jusqu’à faire pétarader les costumes des sorcières se changeant en animaux, on peine à retrouver l’esprit du grand réalisateur qui nous a prouvé maintes fois à quel point il savait allier le fond et la forme et mettre les plus grandes audaces visuelles au service d’histoires mêlant les genres et les émotions. Ici, quelque chose sonne faux dans les décors chargés et les costumes criards, les sorcières ne font pas peur, en particulier Anne Hathaway qui ne semble pas convaincue par ce qu’elle fait et paraît même, au détour d’un mouvement de caméra, totalement sortir de son rôle. On la reconnaît trop, en dépit de cet accent improbable et des crocs ajoutés par ordinateurs pour lui donner l’air carnassier. On passera sur les mains à trois griffes, qui en plus de s’éloigner du texte ont pu choquer les personnes atteintes d’ectrodactylie. Il manque de l’organique, de la matière, de la rugosité à tout cela.

De même, on peut regretter que le chat noir de la sorcière soit en CGI, là où un vrai félin aurait été plus séduisant. Heureusement, les petites souris (qui de deux dans le livre sont devenues trois sans que la souris fille apporte grand-chose à l’intrigue) sont bien mieux réussies et plutôt très mignonnes. On fond devant leurs petits museaux poilus, leurs bonnes bouilles à la Stuart Little et leurs cavalcades. Car l’ensemble reste dynamique et on ne peut pas dire qu’on s’ennuie en suivant les aventures des petits rongeurs.

Le plus grand plaisir du film reste la prestation d’Octavia Spencer en grand-mère à la fois rude et tendre, qui tente par tous les moyens d’aider et protéger son petit-fils et fait preuve d’une force de vie et d’acceptation assez stupéfiante. Quand elle danse dans son salon comme quand elle combat le mal, cette grand-mère pleine d’allant est l’aïeule que tout enfant rêverait d’avoir, et elle emporte l’adhésion en dépit de tout. Il n’empêche, avec un tel matériau de base, et après une filmographie aussi riche et inventive, on aurait attendu plus de Zemeckis qu’un divertissement familial qui ne reflète pas vraiment sa personnalité ni ses obsessions.

Un commentaire sur “« Sacrées sorcières » : à deux doigts du succès

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  1. Merci pour cette analyse ! J’avais quelques doutes sur le rendu cinématographique, en étant une grande lectrice de Roald Dahl on ne retrouvait pas dans le film le glauque du récit. Il y a parfois des histoires qui forcent à mettre de soi pour y retrouver cette même piqure de scorpion qui dévoile quelque chose de notre humanité.

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