Frida Kahlo est une étudiante joyeuse et dynamique jusqu’à un accident de tramway qui la laisse paralysée dans un corset de plâtre pendant des mois. Elle commence à peindre pour s’occuper et son père lui offre un chevalet…
Dès 1983, la productrice Nancy Hardin achète les droits du roman de Hayden Herrera sur la vie de Frida Kahlo. Mais aucun studio ne souhaite à l’époque s’emparer du projet. Des années plus tard, Salma Hayek, passionnée par le personnage, attend d’avoir l’âge suffisant pour l’interpréter au fil de sa vie. Au croisement de ces deux projets naît le biopic Frida qui éclipse plusieurs projets concurrents – on aurait pu avoir une Frida incarnée par Madonna ou Jennifer Lopez – et est confié à la metteuse en scène Julie Taymor. Elle vient plutôt du milieu du spectacle vivant, ayant adapté Le Roi Lion sur scène, et a également depuis produit des mises en scène d’opéra. Mais en matière de cinéma, son seul fait d’armes est à l’époque un Titus adapté de Shakespeare en costumes romains.
Et pourtant, la bonne surprise de ce long-métrage, c’est sa réalisation. Car sur le fond, on est face à un biopic relativement classique, qui après quelques légers flashbacks va dérouler la vie de l’artiste, depuis son accident qui lui laisse des séquelles physiques toute sa vie, mais l’a aussi marquée psychologiquement car on en retrouve la trace dans ses peintures, jusqu’à sa fin. Plusieurs thématiques s’entremêlent pour donner vie aux différents aspects de la vie de Frida Kahlo : sa santé fluctuante, entre les douleurs liées à ses multiples fractures plus ou moins bien consolidées et son dynamisme qui la pousse à les dépasser au quotidien ; sa vie amoureuse tumultueuse aux côtés de son époux Diego Rivera, peintre mexicain très connu à l’époque pour ses fresques qui exaltent le communisme à la moindre occasion, et dont les frasques occasionnent des disputes et ruptures de la vie conjugale ; son engagement politique, allant jusqu’à faire réfugier Trotski (Geoffrey Rush) sous le toit de son propre père à Coyoacán. Et bien sûr son œuvre. C’est finalement l’aspect le plus intéressant, car les tableaux sont vraiment présents dans le film. On les voit en train d’être créés, Salma Hayek prenant elle-même ses pinceaux pour nous présenter l’artiste au travail, mais ils sont également mis en avant de plein d’autres façons créatives et originales dans la réalisation du film. Parfois, les personnages se figent pour composer une toile, parfois le reflet du miroir semble peint, parfois le tableau s’anime pour donner vie à une scène… Le résultat est extrêmement coloré, assez onirique et par moments presque psychédélique. Il y a de la vie dans ce film, comme dans l’œuvre de l’artiste mexicaine, une vie qui déborde de couleurs et d’élans mais minée dans le fond par la souffrance, le deuil et le spectre de la mort.
À cet égard la scène de l’accident est assez marquante, avec sa caméra qui plonge pour faire surgir dans les airs la barre de fer qu’on retrouve l’instant d’après en travers du corps de Frida. Surtout, juste après, le coma de la jeune femme est retranscrit avec des petits squelettes flous qui transmettent les voix du corps médical s’interrogeant sur son cas. Ces sortes de figurines, dans une veine presque burtonienne, seront présentes à nouveau vers la fin du film, dans le cadre d’un théâtre de marionnettes ou pour symboliser la fin de Frida avec une maquette de lit prenant feu.
Dans la peau de l’artiste, Salma Hayek est très convaincante, et Alfred Molina fonctionne assez bien en Diego Rivera, même si on l’aurait volontiers vu encore plus exubérant, plus charismatique, plus imposant. Il n’empêche, Frida rend un bel hommage à l’artiste et reste un biopic marquant dans sa forme.