Depuis qu’il est veuf, Monsieur Ladmiral se consacre à la peinture, soutenu par la présence de la domestique Mercedes, en attendant les visites de ses enfants le week-end…
Movie Challenge 2021 : un film qui se déroule à la campagne
Embourbé dans un projet qui ne parvient pas à se conclure, Bertrand Tavernier se voit suggérer par son coproducteur Alain Sarde de se consacrer à autre chose, par exemple l’adaptation de ce petit livre qui dépassait de sa poche. C’est Monsieur Ladmiral va bientôt mourir de Pierre Bost, également scénariste, avec lequel le cinéaste a déjà travaillé notamment pour L’Horloger de Saint-Paul.
Avec sa femme Colo, Bertrand Tavernier s’attelle à scénariser cette histoire toute simple qui se déroule sur une seule journée de la vie bien rangée de Monsieur Ladmiral père. Un homme qui a coulé des jours heureux en famille, mais désormais ses enfants sont grands et son fils a lui-même fondé sa propre famille, et son épouse est décédée, le laissant seul en compagnie de Mercedes, la femme de ménage qui tient la maison et compagnie à son employeur.
Pour incarner ce pater familias à la fois présent pour les siens et quelque part déjà absent, retranché derrière son regard de peintre, qui tente d’esthétiser son quotidien, mais aussi qui mêle les souvenirs du passé ou des projections surréalistes à la réalité présente, le cinéaste a fait appel à Louis Ducreux, comédien de théâtre dont c’est l’unique grand rôle au cinéma. Les dialogues enlevés et pleins de vie sont bien servis par l’acteur et ceux et celles qui l’entourent, composant une famille dont le frère et la sœur sont aussi opposé(e)s que possible. Michel Aumont représente l’homme rangé, attaché aux traditions et aux convenances au point de refuser d’ôter sa veste de costume à table alors que la chaleur le fait transpirer, qui a accepté jusqu’à un changement de prénom pour faire plaisir à sa femme (Geneviève Minch), et ne semble rien tant rechercher que le conformisme et la tranquillité. Sabine Azéma est un courant d’air, un tourbillon qui vient ramener dans la grande maison de la vie, de la gaieté mais aussi une forme de nervosité qui croît à mesure que la journée avance et que la prégnance de ses histoires parisiennes vient obnubiler son esprit, l’empêchant de profiter vraiment de ce moment avec ses proches. C’est une femme accomplie, volontaire, qui trace son chemin en dépit des conventions, avec son automobile neuve qu’elle conduit fièrement, ses amours visiblement compliquées et son caniche nommé Caviar. Le frère ne comprend pas les élans de sa sœur qui le fatiguent et l’inquiètent, la sœur trouve son frère trop bonnet de nuit et voudrait le décoincer. Au milieu, Monsieur Ladmiral est tiraillé, séduit par le charme d’Irène mais attendri par les gaucheries de Gonzague, plus que tout ravi par les jeux de ses petits-enfants.
Le grand parc de la demeure (un pavillon de chasse construit par le roi des Belges Léopold Ie) et les tenues du début du XXe siècle offrent une atmosphère impressionniste, mais la photo se veut plus précise et piquée, plus réaliste et concrète, du côté de l’arrivée du train des frères Lumière. Les jeux de cadrage permettent de replacer Monsieur Ladmiral dans son univers, entrecaché par des éléments végétaux ou les montants de la verrière de son atelier. Parfois, la lumière se pare d’or quand les souvenirs l’emportent sur le présent, offrant une touche fantastique au décor. C’est drôle et tendre et mélancolique comme un texte de Philippe Delerm, comme la vie qu’on savoure tant qu’elle dure encore, espérant grappiller quelques ultimes parcelles de bonheur.
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