Rick, policier corrompu, vient assister à un combat de boxe très attendu. Il rejoint son ami Kevin Dunne, chargé de la sécurité du secrétaire à la Défense. Mais pendant le combat, le boxeur sur lequel Rick a parié est mis K.O. et l’homme politique assassiné…
Après Mission : Impossible, Brian De Palma collabore à nouveau avec le scénariste David Koepp, autour de l’idée d’un meurtre qui serait perçu de plusieurs points de vue. Voilà bien un sujet pour le spécialiste du regard, en particulier celui qui cherche à voir sans être vu, le voyeurisme ayant traversé quasiment toute sa filmographie.
Pour marquer l’importance de la question du point de vue, la technique est capitale, et dans ce long-métrage efficace, elle est très dense pour nous ébahir en 1h38. Tout commence avec un (faux) plan-séquence qui nous permet d’entrer dans le casino qui accueille l’événement sportif avec Rick. C’est en suivant ses déambulations qu’on découvre les lieux et les protagonistes de l’intrigue, à commencer par l’organisateur de paris, son ami Kevin Dunne (Gary Sinise), puis le secrétaire de la défense et la jeune femme qui désire lui parler, et bien sûr le boxeur, dont l’étrange K.O. semble-t-il simulé, va mettre la puce à l’oreille du flic. Ce policier, c’est Nicolas Cage qui l’incarne, toujours dans l’énergie et copieusement dans le surjeu, de sorte qu’on se sente épuisé par le personnage au bout de 10 minutes. Pourtant c’est cette énergie qui le mène à poursuivre son enquête sans rien lâcher, retrouvant avec ce meurtre en flagrant délit le goût de son métier et un certain sens des valeurs.
Petit à petit, à mesure que le récit se déploie pour emboîter les pièces du puzzle, nous menant vers la révélation du milieu du film, après laquelle celui-ci tourne au duel, on prend conscience que le film, en plus d’être ludique dans sa construction et dans certains plans (le casino découvert du dessus tel un plateau de Cluedo…), est aussi une sorte de somme des obsessions de son réalisateur.
Techniquement, quasi tout y est, la caméra subjective et voyeuriste, le split screen qui permet d’augmenter la tension en présentant en parallèle les trajectoires de deux personnages, cadrage qui maintient la tension. Mais sur le fond également, le film est l’écho de thématiques qui ont traversé la filmographie du cinéaste : le meurtre politique, qui l’obsède depuis l’assassinat de Kennedy et Greetings, mais aussi Blow Out, la remise en question de l’éthique militaire (en particulier dans Outrages) et policière (déjà dans Sœurs de sang), et enfin le conflit de loyauté, tel qu’il animait déjà Carlito dans L’impasse. Ici, à mesure des révélations et plus précisément des éléments fournis par le personnage de Carla Gugino, Rick se retrouve pris entre les élans de sa conscience, qui tourbillonne entre un regain d’éthique professionnel, une fidélité amicale, une attirance nouvelle, la volonté d’être enfin reconnu comme un bon policier…
Très malin et bien écrit pour nous faire tomber de haut avec sa révélation centrale, le film est aussi fort dans la tension croissante qu’il arrive à faire naître et conserver quasiment jusqu’au bout. En presque huis clos dans le dédale du casino, il nous fait courir aux côtés de Rick, et sur la fin, se présente comme une sorte de bilan à la fois relativement souriant et mélancolique. On est pour le coup loin des chutes grandiloquentes qui ont émaillé la filmographie du réalisateur et qui parfois péchaient par excès de violon et de symboles. Davantage proche de la veine de L’impasse, cette chute mêle une certaine poésie d’un quotidien désenchanté, celui de la ville d’Atlantic City, que le réalisateur a connue dans sa jeunesse et qu’il trouve dégradée par la survenue des casinos, et l’absurdité d’un monde perverti par l’insatiabilité humaine.
Votre commentaire