Michael, magnat de l’immobilier, fête ses dix ans de mariage. Mais au cours de la soirée, son épouse et leur enfant sont kidnappées. Mike se laisse convaincre par la police de donner une valise remplie de faux billets à la place de la rançon, et tout tourne mal…
La même année que Carrie au bal du diable sort ce film, dont le titre de travail, celui souhaité par son scénariste Paul Schrader, était « Déjà vu ». Un titre qui s’appliquerait en effet fort bien à l’œuvre. Il est certes question de l’obsession d’un homme pour la disparition de son épouse et de sa fille, dont il ne parvient pas à se remettre, rongé par la culpabilité d’avoir fait le mauvais choix, celui censé préserver sa fortune mais surtout celui que la police lui avait conseillé. Mais surtout, le scénario est bâti sur un effet de répétition : tout ce que Michael vit au début du film en 1959, revient le frapper en pleine face alors qu’il aperçoit enfin une chance de redémarrer une nouvelle vie avec une deuxième épouse.
Brian De Palma trouve ici une nouvelle occasion d’explorer la thématique du double qui lui est si chère et qu’il avait notamment largement développée dans Sœurs de sang. Ici, la Canadienne Geneviève Bujold incarne à la fois Elizabeth, la première épouse disparue, et Sandra, le nouvel amour de Michael (on passera sur le fait que seize ans plus tard, l’homme souhaite prendre en secondes noces une femme encore plus jeune que ne l’était sa première épouse à l’époque…). Tout l’entourage de l’homme le met en garde sur son choix de prendre pour compagne l’exact sosie de la disparue, qui plus est rencontrée dans la même église de Florence, mais le personnage incarné par Cliff Robertson fait fi des opinions contraires, déterminé à saisir cette chance de se racheter de ses erreurs.
Si le style du cinéaste est bien plus sobre qu’à l’ordinaire, assez lisse voir mélo romantique dans ses effets de rêve ondulant à l’écran, et sa musique un peu sirupeuse (pourtant signée Bernard Herrmann), le scénario réserve des surprises plutôt bien amenées quasiment jusqu’à la fin, ce qui réussit bien à tenir en haleine, et le casting est convaincant.
Cet Obsession aurait également mérité son titre de « Déjà vu » en raison de ses hommages marqués à Hitchcock, l’éternelle figure tutélaire de De Palma. On a beaucoup rapproché cette œuvre de Vertigo, allant jusqu’à la considérer comme un remake en raison de la similitude de l’arc narratif autour de deux jeunes femmes fort semblables physiquement impliquées dans un complot. Mais un autre parallèle semble frappant : toute la scène de l’arrivée de Sandra dans la demeure de Michael comporte un écho marqué de l’adaptation hitchcockienne de Rebecca. La rencontre teintée de malaise avec la gouvernante, l’admiration un peu étourdie de la jeune femme devant la grandeur et la richesse de la décoration des lieux, l’escalier monumental, jusqu’au portrait de l’ancienne épouse, et plus tard la découverte de l’ancienne chambre nuptiale, aujourd’hui condamnée, où flottent encore dans la penderie les robes de l’ancienne maîtresse des murs… Autant d’éléments qui peuvent laisser envisager une révision de la figure de l’aimante Elizabeth, a fortiori en entendant le discours peu clair du responsable des kidnappings, qui évoque une complicité dont on ne sait plus bien laquelle des femmes de l’histoire elle concerne (plusieurs ?). Et si toutes les femmes de sa vie auraient été prête à trahir Michael pour son argent, alors que lui-même semble faire assez peu de cas de sa fortune ? Une hypothèse bien sombre qui collerait assez à l’univers du cinéaste, quand bien même celui-ci nous gratifie cette fois d’une fin qui cache sous le tapis les atrocités commises ou de peu évitées.