« Phantom of the Paradise », le sang du succès

Le producteur Swan cherche la musique de la soirée d’ouverture du Paradise, sa nouvelle salle de spectacle. Il repère Winslow Leach, chanteur et pianiste qui a composé une cantate autour de Faust, et entreprend de lui voler son œuvre…

Movie Challenge 2021 : un film sur le monde du travail

Le projet de Phantom of the Paradise se présente comme une adaptation moderne du Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux, qui a déjà donné lieu à plusieurs œuvres cinématographiques (trois à l’époque, quatre autres depuis). Mais pour Brian de Palma, transposer l’histoire dans le milieu du rock de son époque, c’est une manière de régler ses comptes avec l’industrie du spectacle. Le roman de Leroux se contentait d’être une histoire fantastique, le film va lui donner une dimension de dénonciation.

Au début des années 70, le jeune réalisateur est traumatisé par son expérience sur le tournage de Get to Know Your Rabbit, dont il est renvoyé par les studios Warner. Dès lors, il n’est pas surprenant de voir surgir dans Phantom of the Paradise la confrontation entre un créateur talentueux dont un producteur sans scrupules tente de voler l’œuvre, et on peut y voir une dénonciation de pratiques courantes dans les industries artistiques. Le véreux Swan a été reconnu comme une projection de Phil Spector, producteur des Beatles, entre autres, mais au-delà de cette identification possible, il incarne la rapacité d’un système qui traite les artistes comme des pions dont on aspire le talent sans récompense.

C’est Paul Williams, le compositeur de la bande-originale du film, qui interprète ce méchant diabolique, de façon assez ironique, allant même jusqu’à diriger le groupe « Juicy Fruits » créé exprès pour le métrage (et dont le nom est un hommage à son propre groupe Juicy Lucy), et prêter sa voix au « Phantom » de Winslow lorsque celui-ci ne peut plus s’exprimer qu’à travers un boîtier (c’est le procédé qui inspire à George Lucas la voix de Dark Vador). Face à lui, Winslow est incarné par William Finley, fidèle du réalisateur qu’on retrouve dans plusieurs de ses films. Naïf et passionné, Winslow est le miroir positif de Swan, mais la cruauté du producteur et la malchance dont il joue en tentant de se faire justice – qui le conduit à être défiguré et perdre sa voix – vont l’amener à perpétrer une vengeance dans le sang.

Le film ne ménage ni ses effets visuels (décors et costumes à profusion dont certains rappellent des personnages bien connus comme Dracula ou la créature de Frankenstein, ou des personnalités du monde musical telles qu’Alice Cooper), ni ses procédés de réalisation et montage (on retrouve le split screen cher à de Palma qui ajoute au côté effréné et cacophonique de l’ensemble). L’univers visuel est extrêmement réussi, en particulier le symbole du disque qui apparaît dans tout le mobilier (horloges, bureau…) et le character design du « Phantom ».

Le métrage tient son arc narratif mais réussit à pasticher de nombreuses références au passage : cinématographiques, avec des clins d’œil appuyés, par exemple à la scène de la douche dans Psychose, mais aussi musicales. Le film mélange diverses inspirations et cet aspect panorama des musiques de son temps culmine lors de la scène d’audition où différents groupes reprennent le même titre chacun dans son style autour de Swan, dont la caméra épouse le regard critique. Hormis certaines prestations mélodieuses de Jessica Harper (qu’Argento repère ici pour son Suspiria), les passages musicaux ne sont pas tous de grande qualité, constituant parfois des performances outrées (celles de Beef en particulier), et l’ensemble confère au film une tonalité un peu étrange. La trame inspirée de Faust, plus encore finalement que de Leroux, est assez terrible et tragique, le message autour de l’industrie artistique gangrenée par les producteurs sans scrupules est fort, mais l’avalanche de couleurs et les passages chantés ainsi qu’un côté surjoué donnent à l’ensemble une tonalité comique très second degré. On ne sait pas toujours où se placer face à cette œuvre dense, riche et intense, mais on en prend plein les yeux et les oreilles.

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