Grâce à une émission de caméra cachée, Danielle rencontre un homme qu’elle ramène chez elle. Mais il entend une dispute entre elle et sa sœur qui n’apprécie pas la présence masculine dans l’appartement…
Movie Challenge 2021 : un film avec un meurtre
Après plusieurs mauvaises expériences sur des tournages, Brian de Palma se réfugie chez son amie Jennifer Salt, qui a joué dans plusieurs de ses films dont Hi, mom ! Elle vit alors en colocation avec Margot Kidder, dont le réalisateur s’éprend. C’est ainsi qu’il écrit Sœurs de sang pour leur offrir à chacune un rôle d’importance.
Premier thriller du cinéaste, ce film allie la mise en avant des deux actrices dans des partitions complexes et un hommage appuyé à Hitchcock. D’une part, c’est Bernard Herrmann, le compositeur entre autres de Psychose, qui écrit la musique du film. D’autre part, l’intrigue de celui-ci, qui s’appuie en partie sur une pathologie de dissociation de la personnalité, peut faire penser par certains aspects à Norman Bates. Mais plus encore, avec son meurtre aperçu par une voisine d’en face, c’est bien Fenêtre sur cour la référence qui irrigue le début du film.
Mais l’intrigue se détache ensuite de ses modèles, car il ne s’agit pas de rester en huis clos dans les appartements. Ceux-ci offrent tout de même l’occasion d’un début en grande pompe, la configuration des lieux permettant des soustractions au regard, à la fois des spectateurs/trices avec l’usage du hors champ (pour la conversation de Danielle et Dominique par exemple) et d’autres personnages. Mais aussi à l’emploi du célèbre écran divisé cher au réalisateur, qui sert ici à mettre en parallèle la dissimulation du crime et l’arrivée des policiers appelés par Grace (Jennifer Salt). Les procédés techniques tels que celui-ci ont plutôt bien vieilli, mieux que le faux sang à l’allure de gouache.
Les éléments de modernité du film sont techniques, de Palma faisant déjà preuve d’une grande générosité dans les moyens employés, de la parodie d’émission qui introduit le thème du voyeurisme, repris par les fenêtres, miroirs, jumelles, écrans et jusqu’à un iris en gros plan, jusqu’à une séquence de rêve médicamenteux en noir et blanc dans laquelle Grace se voit en Dominique, réécrivant mentalement l’extrait d’émission qu’un journaliste lui a montré. Mais le propos présente lui aussi des éléments assez novateurs pour l’époque. On peut déjà noter le rôle de Lisle Wilson, dont la couleur de peau n’est pas un sujet, qui ne sera mentionnée par Grace que pour un autre point qui fait encore écho aujourd’hui : la critique de la police. La journaliste investigue sur les violences policières dans des manifestations et ne manque pas une occasion de reprocher aux inspecteurs leur manque de professionnalisme, ceux-ci en retour ne la prenant pas au sérieux comme témoin en raison de son métier médiatique.
Si la touche d’humour absurde apportée par le détective privé ne trouve pas toujours sa place dans l’économie du film, celui-ci reste par ailleurs plutôt cohérent, quand bien même son histoire de gémellité est sur le fond assez improbable. Margot Kidder, qu’on avait déjà remarquée dans Black Christmas, brille dans sa dualité et sa capacité de séduction mi-candide mi-manipulatrice. Jennifer Salt est sympathique en reporter impliquée dans son métier, et propose un bel exemple de femme dont l’épanouissement passe par la passion professionnelle et non la création d’une famille. Toutes deux éclipsent un peu William Finley en docteur aussi dérangé que ses patient(e)s.