L’éternelle rivalité entre Daffy Duck et Bugs Bunny tourne court lorsque le canard est renvoyé de la Warner, en même temps qu’un vigile maladroit. Celui-ci découvre que son père, célèbre acteur, est un espion, et qu’il est en danger
De ce film, Joe Dante avouait lui-même que, s’il lui trouvait certaines qualités, il ne le referait pas s’il lui était possible de revenir en arrière. Il faut dire que le projet a connu pas mal de revirements, de l’idée d’un Space Jam 2 à un scénario d’espionnage de Larry Doyle, refusé par Robert Zemeckis. Joe Dante accepte le projet en hommage au créateur des Looney Tunes Chuck Jones, qui était apparu dans plusieurs de ses films.
D’emblée, avec le passage d’un extrait de cartoon à la réalité des studios de la Warner, la référence à Qui veut la peau de Roger Rabbit ? est évidente. Dante fait son Zemeckis avec un mélange de prises de vues réelles et de personnages animés orchestré par le même directeur de la photographie, Dean Cundey. Sauf qu’en 2003, le rendu n’est pas plus beau qu’en 1988, il est même plutôt inférieur, avec des personnages qui semblent changer de « texture » d’un plan à l’autre. Toutefois, le binôme Daffy Duck/Bugs Bunny fonctionne relativement bien, et le scénario qui envoie tour à tour chaque personnage des Looney Tunes comme antagoniste donne l’occasion de retrouver avec un certain plaisir la galerie des personnages de notre enfance.
Par ailleurs, le film ne trahit pas le goût de Joe Dante pour les références, qui sont une fois encore extrêmement nombreuses. On se retrouve rapidement dans une histoire d’espionnage, qui va mener les personnages aux quatre coins du globe, à la suite de Damian Drake, acteur-espion joué par Timothy Dalton, aka James Bond. Sans queue ni tête, l’intrigue ne s’embarrasse aucunement de rendre possibles les déplacements des personnages, ellipsant allègrement tout ce qui aurait nécessité un peu de réflexion, et dans le détail, la vraisemblance n’est pas de mise non plus (le Louvre donne sur la tour Eiffel…). Tout cela n’est qu’un prétexte à nous faire passer par différentes ambiances, un côté Indiana Jones ou Tomb Raider en Afrique succédant à un Paris de carte postale ou un labo moquant le mythe de la Zone 51. Le plus plaisant dans l’affaire reste de reconnaître les films cités, de Psychose à Alien en passant par Batman.
On ne peut pas dire qu’on s’ennuie, car l’ensemble est assez rythmé, mais on peine à vraiment se sentir concerné(e) par le devenir de personnages assez faibles, à la fois dans l’écriture et l’incarnation. Après avoir envisagé de grands noms dans les rôles principaux, le film se retrouve avec un tandem Brendan Fraser-Jenna Elfman qui manque de mordant, et peine à suivre l’entrain des personnages animés. Tous les ingrédients attendus sont là, de la romance à la quête de l’admiration paternelle. Parmi les personnages secondaires, les femmes s’en sortent plutôt bien, Heather Locklear et Joan Cusack proposant des numéros amusants qu’on aurait aimés voir se prolonger un peu, alors que le méchant composé par Steve Martin, auquel le réalisateur avait laissé toute latitude, est absolument catastrophique, ridicule, surjoué, et absolument jamais effrayant.
Dommage de voir le talent de Joe Dante réduit à un divertissement sans profondeur ni message, lui qui toute sa carrière avait réussi à associer le fond sérieux et l’entertainment. Pour le plaisir du mélange entre animation et live action, on retournera plus sûrement chez Zemeckis, inégalé dans le genre.
Dommage ! L’idée est pourtant excellente (et on le sait depuis plus de trente ans). Il y aurait-il une crise des scénaristes ?
Disons que quand on part de « on va faire Space Jam 2 » et qu’on passe par « tiens faisons un film d’espions », le résultat manque forcément un peu de cohérence et de consistance…